Ligne bleue du métro

Les coûts exagérés du prolongement

Le budget présenté mardi par le ministre Leitão évalue à 3,9 milliards de dollars le prolongement de la ligne bleue du métro vers Anjou. Autant le premier chiffre annoncé en 1997 pour le prolongement du métro à Laval était ridiculement bas, à 169 millions, autant celui avancé pour le prolongement de la ligne bleue est exagérément élevé.

Deux projets semblables

Le prolongement de la ligne orange à Laval et celui de la ligne bleue à Anjou sont très similaires : mêmes distances à franchir, cinq nouvelles stations vers Anjou contre quatre vers Laval, l’ampleur des travaux effectués à la station Henri-Bourassa ayant été l’équivalent de la construction d’une nouvelle station, l’enjeu technique et financier du franchissement de la rivière des Prairies finissant de compenser le moindre nombre de stations sur le territoire de Laval.

Le prolongement du métro à Laval a coûté 809 millions : acquisition de terrains, débarcadères d’autobus, stationnements incitatifs et tous les autres frais inclus, convient-il de préciser. Ce qui fait 156 millions du kilomètre. L’inflation depuis 2007 a été de 16 %. En dollars d’aujourd’hui, le métro de Laval a donc coûté 180 millions du kilomètre.

À 3,9 milliards, le prolongement vers Anjou reviendrait à 672 millions du kilomètre. Comment expliquer qu’en 10 années à peine, les coûts aient été multipliés par quatre ?

Même en prenant en compte diverses améliorations apportées au niveau de la conception du système ou des stations, on devrait parler d’un maximum de 250 millions du kilomètre, ce qui serait déjà 40 % plus cher, toujours en dollars d’aujourd’hui, que le prolongement à Laval. Ainsi, le plafond absolu des coûts du projet vers Anjou devrait se situer à 1,5 milliard de dollars.

Il y a quelques années, c’est précisément ce chiffre qui était avancé pour le prolongement de la ligne bleue. Puis, on s’est mis à parler de 2 milliards, ensuite de 3, maintenant de 3,9 milliards. J’ai profité de chaque occasion à se présenter, occasions nombreuses compte tenu des positions que j’ai occupées au fil des ans, pour demander des explications. J’ai chaque fois pris à témoin le prolongement vers Laval, insistant sur le fait que le travail avait dans ce cas été fort bien fait.

« Mais qu’est-ce que vous envisagez faire de plus avec la ligne bleue qui justifierait une telle explosion des coûts ? », ai-je demandé. On m’a essentiellement répondu par un slogan, voulant que le prolongement vers Anjou soit l’occasion de construire le métro du XXIe siècle.

Je ne trouve personnellement rien à redire du réseau initial du métro, construit entre 1962 et 1966, si ce n’est l’absence d’ascenseurs, une déficience en voie d’être corrigée. Au contraire, je demeure admiratif du système dans son ensemble et de l’architecture de la plupart des stations. Les prolongements de 1976 et de 1987 m’épatent tout autant. Quant au prolongement vers Laval, inauguré en 2007, il s’agit à mes yeux du summum de sécurité, de confort et de convivialité – ascenseurs dans ce cas pris en compte dès la conception du projet – que puisse offrir un métro souterrain. Cela pour dire que le métro du XXIe siècle, qui plus est magnifié par les superbes rames Azur, nous l’avons déjà.

La population a droit à des explications

Je soupçonne qu’avec le prolongement de la ligne bleue du métro, nous soyons en présence d’un délire d’ingénieurs trop heureux d’avoir fait sauter la banque. Comme cela fait plus de 30 ans que les Montréalais attendent ce prolongement, personne n’ose discuter les chiffres avancés.

En retenant 1,5 milliard comme plafond « raisonnable », les coûts à ce jour inexpliqués du prolongement de la ligne bleue vers Anjou s’élèvent à pas moins de 2,4 milliards. La population a droit à des explications. Je demande donc aux promoteurs de ce projet de publier sans délai une comptabilité détaillée permettant de comprendre pourquoi nous devrions aujourd’hui payer 672 millions du kilomètre l’équivalent de ce qui a coûté 156 millions du kilomètre il y a tout juste 10 ans.

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