Opinion

Emmanuel Macron, super président ?

Le cycle électoral français est maintenant terminé. La victoire large et sans appel hier du parti du président Emmanuel Macron au deuxième tour des élections législatives clôt une année politique commencée en novembre dernier avec la primaire de la droite et riche en rebondissements. Le président dispose maintenant de pouvoirs importants. C’est à la fois un avantage et un danger.

Le parti présidentiel a obtenu quelque 60 % des sièges à l’Assemblée nationale. Les électeurs, malgré une abstention record, ont donc confirmé leur volonté de faire le ménage dans la classe politique, ce que l’on appelle « le dégagisme », et pour une bonne raison. Trop longtemps, comme le rappellent des chercheurs dans une entrevue au journal Le Monde, les « vieux » politiciens ont constitué une caste. Ils « sont devenus comme maîtres et possesseurs de la fonction qu’ils occupent », disent-ils, au point de ne plus écouter les électeurs et de perdre pied avec la réalité.

Le président a devant lui une assemblée taillée sur mesure et un mandat de cinq ans. C’est suffisant pour commencer à mettre en œuvre son ambitieux programme de réformes. Les plus importantes touchent l’économie et l’Europe.

La France, dit-on, est un des mauvais élèves en Occident. Le chômage reste élevé, à 9,3 %, contre 6 % en Allemagne. Il touche en particulier les jeunes et les immigrés. Les dettes publiques sont énormes et la balance commerciale a enregistré un déficit de 56 milliards d’euros en 2016, contre un excédent de 253 milliards d’euros pour l’Allemagne. Comparaison n’est pas raison, mais ce fossé entre les deux grandes économies européennes illustre l’ampleur du mal français.

Mais tout n’est pas au rouge. La création d’emplois est au plus haut depuis 10 ans grâce aux politiques lancées par François Hollande en 2014. La croissance s’accélère, et les entrepreneurs affichent un bel optimisme. Macron arrive au bon moment pour donner du tonus à l’économie française.

Macron veut agir vite sur la libéralisation du marché du travail, par exemple, et les conditions politiques y sont favorables : la majorité des syndicats est prête à collaborer.

Emmanuel Macron est un fervent Européen. Pour lui, l’Europe n’est pas une menace, c’est au contraire un atout pour la croissance française et contre les soubresauts de la mondialisation. La zone euro prend des couleurs au point où on lui prédit une « décennie dorée ». Dans ce contexte, le président espère refonder et relancer l’Europe, et il a des propositions concrètes à faire sur le plan institutionnel.

Mais le plus important est psychologique et politique. Il veut redonner goût au projet européen, montrer qu’il est l’avenir du continent. Cela passe par une plus grande concertation avec l’Allemagne et une sortie en douceur du Royaume-Uni, à moins que la calamiteuse réélection de Theresa May change la donne et pousse les Britanniques à vouloir rester. Ce serait une chance pour le continent.

Économie, Europe, moralisation de la vie publique, réforme des systèmes éducatif et de santé, sur toutes ces questions et bien d’autres, le président et son équipe savent que les Français attendent des résultats concrets. Et c’est ici qu’Emmanuel Macron devra jouer avec finesse. Volontariste, son tempérament le pousse à agir rapidement, au risque de bousculer. C’est un danger. La première leçon à tirer de ce cycle électoral est que le temps est passé où l’exécutif contourne ou ignore les élus et l’opinion pour imposer ses décisions. Les Français veulent être consultés. Il faudra écouter, négocier, cajoler.

Emmanuel Macron est bien en selle. Il a des atouts et il bénéficie de conditions favorables. Il peut faire beaucoup. Mais, quels que soient les pouvoirs dont il dispose, un « kid » de 39 ans n’est pas et ne sera jamais un « super président » comme le laissent trop souvent entendre les médias et les commentateurs français. La France a besoin d’un président. Rien de moins, mais rien de plus.

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