Taux d'obtention de diplôme

Un système qui favorise une faible diplomation ?

Avec des droits de scolarité peu élevés, de nombreux programmes peu contingentés et un marché de l’emploi étudiant en bonne santé, les conditions qui favorisent une faible diplomation universitaire sont-elles réunies ? Oui, estime Robert Gagné, directeur du Centre sur la productivité et la prospérité de HEC Montréal, qui s’intéresse à la scolarisation universitaire. Et la situation est grave.

Depuis cinq ans, le taux d’obtention de diplôme ne fait que dégringoler à l’Université Concordia. Ailleurs, la tendance est aussi à la baisse, ou stagne. Faut-il s’en inquiéter ?

Oui, c’est grave. Nous avons au Québec un problème de persévérance dans les universités, malgré la très grande accessibilité du système québécois. Les droits de scolarité sont faibles, presque nuls, et l’aide financière aux études est très généreuse. Vous avez donc un cocktail explosif qui devrait, en théorie, être une machine à former des universitaires. Or, ce n’est pas le cas. Beaucoup d’étudiants changent de programme ou ne terminent pas les études qu’ils entament. D’autres s’inscrivent dans n’importe quoi, simplement pour essayer, parce que les conditions financières et matérielles le permettent. Tout est mis en place, au Québec, pour favoriser un magasinage au premier cycle universitaire, qui est coûteux en temps et en argent.

Pourtant, lorsqu’on analyse les données, on remarque que le taux d’obtention de diplôme varie énormément d’un programme à l’autre. Comment expliquer que certaines formations tirent la diplomation vers le bas ?

Les programmes contingentés offrent de meilleurs résultats, c’est normal. Dans des programmes comme l’histoire ou la philosophie, vous êtes admis dans la mesure où vous remplissez les exigences minimales. On ne parle pas de la même population étudiante, ni du même niveau d’implication qu’ils mettent dans leurs études. Encore une fois, c’est notre système d’encadrement financier des études universitaires qui permet ça. Non seulement ça ne coûte rien, ou presque, mais les étudiants ont aussi accès à beaucoup d’aide financière. Ça favorise les études à temps partiel et les configurations d’horaire qui permettent à certains de maintenir un niveau de vie sociale très élevé. Ce mélange, souvent, mène à l’abandon ou à l’échec.

Y a-t-il un coût, pour la société, d’avoir un taux d’obtention de diplôme si faible dans certains programmes ?

Le coût n’est pas seulement pour la société, mais pour l’étudiant aussi. Le temps et l’argent qu’il consacre à ses études lui donneront de meilleures connaissances, c’est certain, mais s’il ne termine pas son diplôme et ne se dirige pas vers l’emploi, ce sont des ressources gaspillées. Le coût est d’abord pour l’individu, avant que pour la société. Ça ne coûte pas cher de former un étudiant en science sociale. Mais les années qu’il consacre à étudier, s’il abandonne, sont des années qu’il n’aura pas passées sur le marché du travail à gagner des revenus plus importants, dont il aurait été le principal bénéficiaire.

Alors, comment renverser les tendances et favoriser une plus grande diplomation dans tous les programmes ?

D’abord, il faut assumer que nous avons une quasi-gratuité des études universitaires, quoi qu’en disent mes amis étudiants. Il coûte plus cher de partir en voyage deux semaines à Cuba que de se payer un trimestre à l’université. Dans bien des pays où il y a la gratuité scolaire ou la quasi-gratuité, comme ici, c’est accompagné de mesures d’admission très strictes. Parce que les États ne sont pas fous, les universités ne sont pas des bars ouverts. En Europe du Nord, par exemple, les programmes de science sociale ou d’art sont aussi contingentés que l’école de médecine. Mais au Québec, on ne le fait pas, car les universités ont de la place et, surtout, parce qu’un étudiant de plus équivaut à plus de subventions. Tout le monde n’est pas à sa place à l’université, et y accéder doit être une décision mûrie, qui se prépare. Le contrôle des admissions est une solution qui pourrait améliorer la diplomation.

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