P.K. Subban en grande finale

Dur pour le Canadien...

Voici donc P.K. Subban et les Predators de Nashville en finale de la Coupe Stanley. Et moi qui croyais que dans la LNH, le programme de partage des revenus était la seule manière pour les organisations riches comme le Canadien d’aider les clubs des marchés « non traditionnels » dans le sud des États-Unis !

Blague à part, l’an 1 de cette transaction vire au cauchemar pour le CH. Et à tous les gens voulant m’expliquer à quel point il demeure délicat de déterminer une première équipe gagnante dans la transaction Subban-Weber, je propose cet exercice simple.

Imaginez la situation inverse. Si c’était plutôt le Canadien qui s’apprêtait à disputer la finale de la Coupe Stanley, si Shea Weber avait été exceptionnel lors des trois premières séries et si les Predators avaient été éliminés dès le premier tour, existerait-il un seul amateur de hockey au Québec – un seul ! – qui hésiterait à déclarer le CH grand vainqueur de cet échange ?

J’ai toujours pensé que le départ de P.K. Subban hanterait le Canadien. 

On n’expédie pas sous d’autres cieux un surdoué comme lui, déjà gagnant du trophée Norris, sans courir un risque énorme. Surtout lorsque le joueur obtenu en retour de ses services, aussi solide soit-il, est quatre ans plus vieux et ne possède pas la même capacité à relancer l’attaque.

Cette tournure des évènements survient néanmoins avec une force et une rapidité exceptionnelles. Subban a des défauts, bien sûr. Mais il est extraordinaire sous pression. Il était le chaînon manquant pour les Predators, celui qui a donné à cette organisation le coup de pouce pour passer à un niveau supérieur et enfin franchir le cap des deux tours en séries éliminatoires. Un défenseur « moderne », comme l’a dit David Poile, le DG des Predators, le jour de l’échange.

Et si vous regardez leurs matchs, et jetez un coup d’œil aux statistiques, vous savez comme moi qu’un argument parfois entendu au début des séries est parfaitement bidon. Celui voulant qu’à Nashville, Subban occupe un simple rôle de soutien à la ligne bleue, qu’il est plus facile pour lui de jouer dans l’ombre de Roman Josi.

Le temps d’utilisation de Subban et les moments clés où il est sur la patinoire démontrent tout le contraire. Comme ce fut le cas avec le Canadien lors des séries de 2014, il s’impose comme un pilier de son équipe quand l’enjeu est immense.

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Dans toute l’histoire du CH, aucune transaction n’est plus controversée que celle de Patrick Roy en 1995. Au point où de nombreux reportages ont souligné son 20e anniversaire. Comme quoi certains épisodes ne sont jamais oubliés.

Les circonstances entourant les départs de Roy et de Subban sont différentes. La rupture entre le gardien-vedette et l’organisation est survenue en pleine télédiffusion d’un match, lors d’un incident unique dans les annales du hockey. Subban, lui, a été impliqué dans une transaction inattendue au début de l’été.

Le départ de Roy a marqué l’imagination. Mais si toute l’affaire a laissé un aussi puissant souvenir, c’est aussi parce qu’il a remporté la Coupe Stanley six mois plus tard avec l’Avalanche du Colorado. Cette réussite a particulièrement fait mal paraître le CH. Le jugement des fans aurait sans doute été moins sévère si l’Avalanche avait été éliminé au deuxième ou au troisième tour cette année-là.

Voir Patrick Roy brandir la Coupe Stanley pour la troisième fois de sa carrière a démontré le danger de se séparer d’un joueur exceptionnel, même s’il n’est pas facile à diriger, même s’il est doté d’un fort caractère, même s’il ne fait pas toujours l’unanimité.

Si les Predators remportent à leur tour la finale dans les deux ou trois prochaines semaines, une dynamique semblable se mettra en place. Pour les dirigeants du Canadien, voir Subban débarquer à Montréal au cœur de l’été avec la Coupe Stanley dans sa valise serait un moment particulièrement pénible à vivre.

L’échange Weber-Subban, ne l’oublions pas, a été effectué entre deux équipes ayant des ambitions à court terme. Elles n’amorçaient pas une période de reconstruction. Si, 12 mois plus tard, les Predators deviennent champions au moment où le CH cherche à retrouver ses repères après une élimination rapide, le scénario sera éprouvant pour toute l’organisation du Tricolore.

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Beaucoup d’observateurs l’ont noté : à Nashville, Subban semble un joueur différent. Il est plus conscient de sa défense, moins prompt à tenter des jeux à haut risque. Certains soutiennent qu’il est plus mature, d’autres ajoutent que la transaction de l’été dernier l’a incité à la réflexion : quelle orientation voulait-il donner à sa carrière ?

Ces analyses ont sûrement une part de vérité. Mais elles font néanmoins abstraction d’un élément essentiel. À Nashville, contrairement à Montréal, Subban n’est pas seulement aimé des fans. Ses patrons et ses coéquipiers l’apprécient aussi. Parce qu’ils ont compris qu’ils pouvaient gagner avec lui.

Le Canadien, au lieu de construire avec Subban, en a peu à peu fait le bouc émissaire de ses malheurs. Le numéro 76, très soucieux de son image, n’était sans doute pas toujours un joueur facile à vivre. Mais la vérité, c’est que toutes les grandes stars ne sont pas lisses comme Sidney Crosby.

Subban ne pouvait plus s’épanouir à Montréal. À Nashville, il a trouvé un environnement propice à sa progression. Cela lui permet d’aspirer, avec ses coéquipiers, aux plus grands honneurs.

Le plus ironique, c’est que le CH pensait que cette transaction l’avantagerait à court terme. Il faudra que les choses débloquent dès la saison prochaine pour sauver la mise. Sinon, en juin 2036, le 20e anniversaire de l’échange de Subban pourrait aussi être l’objet de reportages.

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