Série estivale

La passion selon Schällibaum

Vu de Suisse, il est plutôt « Schälli », un ex-arrière gauche offensif qui s’est mué en entraîneur au parcours tortueux. Au Québec, il est surtout le « volcan suisse » dont l’activité a permis à l’Impact de grimper jusqu’au sommet de son association. Peu importe les appellations, Marco Schällibaum est un homme de principes, pour qui le travail acharné et la passion ont été les moteurs d’une carrière riche en rebondissements.

Cela est vrai aujourd’hui, alors qu’il prêche ces deux vertus dans le vestiaire montréalais, mais ça l’était également lors de ses 15 saisons sur les terrains professionnels helvètes. En effet, en guise d’héritage, le natif de Zurich a laissé l’empreinte d’un joueur généreux plutôt que talentueux.

« Je me souviens de lui avec ses bonnes joues écarlates, ses cuisses impressionnantes et ce moteur. Il ne renonçait jamais alors que ce n’était pas Lionel Messi. Ses centres finissaient souvent derrière le but, mais il dégageait un esprit incroyable », se rappelle le journaliste suisse Simon Meier, auteur du blogue Bloody Monday.

Meneur d'hommes

Dès l’âge de 26 ans, Schällibaum – 31 sélections avec l’équipe nationale suisse – a tranquillement pensé à son après-carrière, qui le conduirait du couloir gauche de la défense aux lignes de touche. Et après une première expérience à Nyon, sa première grande victoire est survenue à Berne (1999-2003) quand il a mené les Young Boys d’une situation précaire en deuxième division jusqu’à l’élite, puis vers la Coupe de l’Union européenne de football (UEFA). Sa force d’antan est encore celle d’aujourd’hui. L’homme de 51 ans est un meneur d’hommes qui voit au-delà des positions et des numéros, selon ses proches.

« Il est rapidement capable de créer une alchimie dans un vestiaire et de toucher les gens. Il les encourage à donner le meilleur d’eux-mêmes, mais je me demande si, au-delà de cette prise de contact émotionnelle, sa méthode peut s’inscrire dans la durée, souligne Meier. J’ai horriblement envie qu’il me réponde par l’affirmative. »

Esprit d'équipe

Depuis ses premiers entraînements, Schällibaum n’a pas changé son approche. Pour lui, la première brique à poser dans une équipe est celle de l’état d’esprit. Pour le mettre en place, il a souvent eu recours à des activités extra-sportives. À peine 10 jours après le début du camp de l’Impact, lui et ses adjoints ont notamment concocté une course en raquettes dans un parc Maisonneuve enneigé. En Floride, les joueurs montréalais ont également pu se détendre avec un tournoi de karting.

« On faisait un petit camp d’été dans un endroit où l’on était les seuls à aller, en Suisse, se souvient l’ex-milieu de terrain Joël Descloux, qui a croisé Schällibaum à Berne. C’était un camp militaire à Macolin [à 50 km au nord de Berne] vraiment limite, mais on passait des super moments, car il mettait sur pied plusieurs évènements. Un soir, c’était des grillades où l’on discutait beaucoup et où il y avait des jeux. Il avait vraiment envie de créer quelque chose. On était très soudés et tout le monde tirait sur la même corde. »

Au cours d’une saison, il est difficile de quantifier les bienfaits d’une telle proximité entre les membres d’un club. Mais force est de constater que l’Impact, sous Schällibaum, a déjà remporté sa part de matchs à l’extérieur et en revenant au score. La même chose était aussi vraie à Berne.

« On a souvent gagné des matchs grâce à notre état d’esprit et notre ambiance dans le groupe, se remémore Descloux. Les équipes n’aimaient jouer chez nous, car elles savaient que c’était difficile. »

Motivation et confiance

S’il est donc proche de ses joueurs, Schällibaum a tout de même banni la notion de demi-mesure de ses différents vestiaires. Un joueur qui se bat sera récompensé, tandis qu’un élément nonchalant subira forcément ses foudres. Même lors des entraînements, il lui arrive de faire une pause et de mettre un coupable devant le fait accompli.

« C’est quelqu’un qui va toujours obtenir le maximum de ses joueurs par la motivation et la confiance, a déjà expliqué à La Presse Alain Rochat, un autre ancien de Berne, aujourd’hui à DC United. Tant que tu réponds par de l’engagement et un investissement à 100 %, cela va très bien se passer avec lui. »

« À partir du moment où l’on donnait tout sur le terrain, il était prêt à pardonner, ajoute Descloux. Il sait que des fois, cela ne marche pas. Par contre, il n’accepte pas la tricherie. »

Volcan tranquille

Schällibaum ferait un piètre joueur de poker. S’il avoue aujourd’hui être plus calme qu’auparavant, le père de trois enfants peut encore entrer en éruption sporadiquement. « C’est une personnalité à deux facettes qui vit le match à fond, mais après, il devient un autre individu, assure Descloux. Dans la vie de tous les jours, j’ai connu quelqu’un qui aimait discuter et qui aimait passer du temps avec les joueurs. Mais c’est vrai qu’il devenait fou pendant le match. »

Sa communication non verbale laisse également transparaître son tempérament, même s’il parvient davantage à maîtriser ses émotions. L’âge a probablement aidé à une meilleure canalisation, mais il a également énormément travaillé sur lui-même. En plus de l’aide de sa femme, il a par exemple consulté un thérapeute allemand durant l’été 2006. En effet, sa réputation d’entraîneur impulsif est allée jusqu’à lui coûter un poste potentiel, à Saint-Gall. « J’ai le sentiment que son côté d’homme franc et droit, qui dit les choses comme il les ressent, n’est pas quelque chose de très apprécié dans ce milieu-là », confirme Meier.

Surtout en Suisse, où les présidents sont reconnus pour changer d’entraîneurs comme de cravates. Schällibaum peut parler en connaissance de cause, car il a parfois connu des fins abruptes depuis son passage au Servette Genève, au milieu de la dernière décennie. En 2006, il n’a ainsi dirigé que… six matchs à la barre du FC Sion, dont le président est connu pour consommer des entraîneurs en quantité industrielle. Trois ans plus tard, il a également subi les affres d’un congédiement après une troisième défaite de suite à Lugano. Sauf que le club occupait le premier rang de la deuxième division et qu’il venait de remporter 12 matchs d’affilée avant cette séquence. Par la suite, son contrat n’a pas été renouvelé au FC Schaffhouse, puis il a démissionné de son poste avec l’AC Bellinzone. Certes, un entraîneur sait qu’il est toujours sur un siège éjectable, mais même ces différents coups du sort n’ont pas suffi à lui faire quitter ce milieu.

« J’ai toujours été dans le football depuis que j’ai 8 ou 10 ans et c’est quelque chose qui m’a toujours suivi. Bien sûr, il y a des moments plus difficiles, mais l’important est de toujours garder sa ligne, même dans la défaite, tranche le principal intéressé. Il faut toujours rester correct envers soi-même et c’est important, quand je me lève, de pouvoir me regarder dans le miroir et d’être digne devant mes enfants. »

Il reste qu’après une quinzaine d’années à vivre la pression d’un entraîneur, Schällibaum a eu besoin d’une pause. Mandaté par la FIFA, il s’est notamment rendu en Asie pour partager son expérience en Mongolie ou en Chine. Cette pause lui a permis de refaire le plein mentalement et de faire face à la nouvelle expérience que la vie allait mettre sur son chemin. Celle-ci a rapidement pris la forme d’une offre de l’Impact. Une offre suivie, jusqu’ici, d’une longue lune de miel avec, parfois, ses excès de passion...

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