États-Unis

Féministe, Beyoncé ?

Beyoncé célèbre le féminisme aux MTV Awards et les réseaux sociaux s’enflamment. Décryptage.

La silhouette de la chanteuse Beyoncé, découpée contre un fond noir sur lequel brille le mot « feminist » en lettres géantes et lumineuses…

Voilà une scène à laquelle le public des galas de remise de prix est peu habitué. Ce fut toutefois l’image la plus marquante des MTV Awards, qui ont eu lieu dimanche soir.

La photo de la reine de la pop, surnommée « Queen Bey » par ses fans, circulait partout dans les réseaux sociaux, hier, au lendemain de son époustouflante performance de 20 minutes.

Parmi les extraits présentés devant un auditoire mondial évalué à environ 10 millions de personnes : la chanson Flawless, qui fait la promotion du féminisme. On peut y entendre des extraits d’une conférence donnée par l’écrivaine nigériane Chimamanda Ngozi Adichie. Intitulée « Nous devrions tous être féministes », cette conférence a touché la chanteuse, qui a décidé d’en utiliser des passages dans son dernier album.

Ce n’est pas le seul plaidoyer féministe de Beyoncé. En janvier dernier, elle a signé un essai intitulé « L’égalité des sexes est un mythe » dans le Shriver Report, un rapport annuel initié par la journaliste Maria Shriver.

BONNE OU MAUVAISE FÉMINISTE ?

Comment une femme qui danse de façon suggestive et qui prononce des paroles comme « Bow down bitches » peut-elle se dire féministe ? La question, qui passionne les commentateurs depuis plusieurs mois, n’est pas sans rappeler les réactions provoquées par les performances de Madonna dans les années 80 et 90.

Comme le mentionnait avec ironie la journaliste Vanessa Willoughby en mars dernier dans le magazine féministe Bitch, « reconnaître et célébrer sa sexualité, en particulier si elle provoque un plaisir personnel, c’est un bon argument pour être disqualifiée aux Jeux olympiques du féminisme… »

« Moi, j’aime ce que Beyoncé fait, lance pour sa part l’essayiste féministe Martine Delvaux, auteure du livre Les filles en série, publié aux éditions du Remue-Ménage. Je suis en désaccord avec tout ce qui remet en question le féminisme de quelqu’un. Tout le monde a droit à ses contradictions. »

Martine Delvaux estime que les réactions seraient différentes si Beyoncé était blanche. « La question raciale est importante ici, affirme-t-elle. Le rapport au corps des femmes noires n’est pas le même. Elles sont automatiquement considérées comme des victimes, des accessoires. Comme si elles ne pensaient pas, qu’elles n’avaient pas de cerveau. »

Pour plusieurs, les fesses dorées et saillantes et la danse-poteau qu’on a pu voir dans les chorégraphies de Beyoncé, dimanche, sont carrément incompatibles avec le féminisme.

« Beyoncé n’est pas une idiote, affirme Martine Delvaux, qui est également professeure de littérature féministe à l’Université du Québec à Montréal. Je trouve super intéressant ce qu’elle fait avec son corps. Elle est entourée de femmes, comme une armée. Elle nous présente toutes les représentations de la vie d’une femme : fille, chanteuse, artiste hip-hop trash, épouse, mère… Elle nous montre des fesses comme si elle nous disait : “C’est ce que vous voulez ? Voilà !” C’est une utilisation transgressive du corps. »

« Elle fait circuler un discours féministe populaire et accessible. Ce n’est pas rien. »

— Martine Delvaux, auteure du livre Les filles en série

UNE MODE, LE FÉMINISME ?

Le féminisme serait-il devenu tendance ? Beyoncé s’inscrit-elle dans un mouvement de mode ?

« Féminisme, le nouvel accessoire people », clame l’édition française du magazine Glamour dans son dernier numéro.

D’Ellen Page à Lena Dunham en passant par Miley Cyrus et Taylor Swift, toutes ces vedettes de la culture populaire américaine ont revendiqué l’étiquette de féministe au cours de la dernière année.

« Je suis féministe, car je donne du pouvoir aux femmes », a confié Miley Cyrus au magazine Cosmopolitan en décembre dernier.

Pour sa part, la chanteuse Taylor Swift a candidement confié au quotidien britannique The Guardian, il y a quelques jours, que son amitié avec Lena Dunham, auteure de la série Girls, lui a fait réaliser qu’elle était féministe. Selon la chanteuse, « bon nombre de filles ont un éveil féministe lorsqu’elles comprennent la signification de ce mot ».

Un discours qui tranche avec la campagne « I don’t need feminism » qui circule sur les réseaux sociaux depuis quelques semaines.

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