Chronique

Les deux clubs de Joey Saputo

Bon, l’adversaire n’était pas une puissance de la ligue, mais une victoire est une victoire. Et Joey Saputo est sûrement heureux du résultat. Le gain de samedi dernier raffermit le buzz autour de son équipe qui, avouons-le, est en voie d’atteindre son objectif. Après une saison difficile, un spectaculaire redressement se dessine !

Non, je ne parle pas de l’Impact, pour qui pareil scénario relève toujours du rêve. Mais du FC Bologne, le club de deuxième division italienne dont le président de l’Impact est devenu copropriétaire l’automne dernier.

Si sa nouvelle équipe monte en Série A la saison prochaine, elle touchera des millions d’euros supplémentaires en droits de télé, en plus d’augmenter ses revenus de billetterie et de produits dérivés. La masse salariale sera aussi en hausse, bien sûr, mais c’est le prix de la croissance.

Joey Saputo songeait-il aux succès du FC Bologne, dans un pays où le soccer est roi, lorsqu’il s’est montré si inquiet du manque de popularité de l’Impact au début du mois ? Rappelez-vous cette déclaration : « Peut-être que nous ne sommes pas le marché de soccer qu’on pensait… »

Une sortie semblable, où une organisation blâme les fans plutôt que reconnaître sa propre incapacité à offrir un produit enlevant, ne peut être faite qu’une seule fois. Joey Saputo a joué gros en fonçant dans cette direction. Mais trois semaines plus tard, il n’est sans doute pas mécontent des résultats.

Ce cri du cœur a provoqué un électrochoc. Les médias y ont fait largement écho, même dans des émissions où le sport n’est pas le sujet numéro un.

Résultat, le relatif anonymat dans lequel se déroulait le camp d’entraînement a été brisé. Et beaucoup de gens se sont interrogés sur leur relation avec l’Impact. Et ont réalisé que la présence du club était un atout dans notre paysage sportif qui, compte tenu de l’omniprésence du Canadien, a besoin de diversité.

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L’Impact s’est fait mal l’an dernier en offrant un spectacle ennuyeux. La direction a été responsable de ses malheurs. Mais la beauté du sport réside dans ce phénomène simple : à l’aube d’une nouvelle saison, l’optimisme est de mise.

Ce soir, l’Impact amorce son année 2015 en disputant la première de deux rencontres contre le club mexicain de Pachuca, en quart de finale de la Ligue des champions de la CONCACAF. Contrairement aux prétentions de l’organisation, je ne crois pas que le match retour de mardi prochain, au Stade olympique, représente « le plus grand événement sportif international des six prochains mois à Montréal ».

Un duel éliminatoire de la Ligue des champions de la CONCACAF n’a pas le retentissement mondial de la Coupe Rogers de tennis ou du Grand Prix de Formule 1. Et à l’échelle nord-américaine, tous les matchs du Canadien font plus de bruit. Les deux rencontres présaison entre les Blue Jays de Toronto et les Reds de Cincinnati, au début avril, généreront aussi beaucoup de commentaires.

Mais l’enthousiasme de l’organisation est compréhensible. Dans un contexte de relance, l’Impact doit mousser cet affrontement qui, sans soulever les passions, s’annonce révélateur.

Sur le plan sportif, on voudra voir si les nombreux nouveaux joueurs, dont le Belge Laurent Ciman, donneront une impulsion au club. Et sur le plan des affaires, le chiffre de l’assistance au Stade olympique la semaine prochaine en dira long sur les perspectives de l’organisation en 2015.

Voilà pourquoi le duel d’aujourd’hui, au Mexique, n’est pas banal pour l’Impact. L’objectif est clair : faire suffisamment bonne figure pour s’assurer que le rendez-vous du 3 mars soit significatif. C’est la seule façon d’attirer des milliers de spectateurs supplémentaires et de créer l’engouement espéré. Frank Klopas et ses joueurs ont un bon défi à relever.

La CONCACAF regroupe les clubs de l’Amérique du Nord, de l'Amérique centrale et des Caraïbes. Ses matchs de Ligue des champions devraient, en théorie, retenir l’attention des amateurs. Mais le message envoyé par les équipes participantes n’est pas toujours le bon.

Il y a deux ans, par exemple, l’Impact a laissé ses meilleurs joueurs (Di Vaio, Nesta, Bernier…) à la maison plutôt que les utiliser dans un duel au Guatemala.

En clair, les clubs de la Major League Soccer (MLS) prennent à cœur la Ligue des champions si leur saison régulière va mal. Ce tournoi leur fournit alors un objectif additionnel.

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Si Joey Saputo a investi dans le FC Bologne, c’est parce que l’occasion d’affaires était prometteuse. Pour un passionné de soccer comme lui, impossible de refuser pareille proposition.

Cela dit, je n’ai jamais été convaincu que cette intiative servait les intérêts à long terme de l’Impact. J’ai d’ailleurs abordé la question avec lui peu après l’annonce. Joey Saputo m’avait assuré que ce saut dans le soccer italien ne modifiait en rien son engagement en MLS : « L’Impact, c’est mon bébé », m’avait-il dit.

Même si Joey Saputo est déçu de la place occupée par l’Impact, on m’assure qu’il demeure plus déterminé que jamais à transformer l’aventure en succès. Pas question que ce fier Montréalais abandonne. L’aménagement d’un centre d’entraînement au coût de 10 millions en est, dit-on, une preuve parmi d’autres.

Voilà une excellente nouvelle. Car si le FC Bologne est promu en première ligue italienne la saison prochaine, avec tout l’enthousiasme que cette nouvelle provoquera dans la région d’Émilie-Romagne, le contraste avec le manque de notoriété de l’Impact au Québec deviendra saisissant pour le propriétaire.

Pour séduire les fans, l’Impact devra proposer un spectacle enlevant et gagner plus souvent. Ce serait une bonne idée de commencer dès ce soir. L’an dernier, l’équipe ne s’est jamais relevée de son mauvais départ.

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