ÉDITORIAL

Naître et survivre

Pour qui défend la cause des droits de la femme, le plaidoyer le plus convaincant, outre l’appel à la simple dignité humaine, est peut-être celui-ci : à défaut d’accorder aux femmes un statut égal à celui des hommes, une nation a peu de chances de prospérer. Pourtant, cet argument est rarement évoqué.

Or, c’est celui qu’utilise Ban Ki-moon, secrétaire général de l’ONU, en cette Journée internationale de la femme. « Les pays dans lesquels les femmes sont traitées sur un pied d’égalité avec les hommes jouissent d’une meilleure croissance économique », dit-il. Ainsi, le Canada – certainement prospère – est l’un des 15 seuls pays sur les 143 étudiés par la Banque mondiale où n’existe aucun fossé juridique entre hommes et femmes. Et le Québec est reconnu comme une terre d’opportunités sans distinction de sexe.

Il nous est facile d’oublier que, pour des dizaines de millions de femmes, tout, absolument tout le chemin reste à parcourir.

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Partons du degré zéro de l’égalité et des droits.

D’abord, l’opportunité de naître, tout simplement. Surtout en Chine et en Inde, il « manque » entre 90 et 150 millions de femmes. Pourquoi et comment ? Politique de l’enfant unique, tradition de la dot, avortement sélectif, négligence (parfois même élimination) des bébés filles.

Ensuite, le droit à l’intégrité physique.

 – Selon l’UNICEF, 125 millions de femmes vivant aujourd’hui dans 29 pays d’Afrique et du Moyen-Orient ont été excisées et 30 millions le seront d’ici 10 ans. La pratique tend à être exportée en Occident.

 – Au moins 5000 femmes sont victimes de crimes dits d’honneur chaque année – peut-être quatre fois plus, prévient la Fondation SURGIR. Cela aussi tend à être exporté : au Canada, 17 personnes ont commis de tels crimes, les affaires Parvez et Shafia étant les plus célèbres.

 – Le viol comme arme de guerre : depuis 15 ans et uniquement dans la région des Grands Lacs, en Afrique, entre 250 000 et 500 000 femmes auraient été victimes de ce crime, spécifiquement reconnu par l’ONU.

Or, cette atrocité se répand. Aussi, il convient en ce jour de traiter de ce qui se passe à l’instant même en Syrie, à partir des informations du quotidien Le Monde sur « l’arme de guerre secrète de Bachar al-Assad ».

On vient de voir ce qu’est cette arme.

Plus de 50 000 femmes auraient été violées sur ordre du régime, parfois avec le concours de milices islamistes participant au conflit en cours. Violées en public, ou devant des caméras, ou devant les parents, les maris. Leurs enfants tués sous leurs yeux. Torturées des façons les plus abjectes. Utilisées comme boucliers humains sur les chars d’assaut. Enfermées, peu nourries, dans des cellules immondes. Versant rapidement dans la folie. Craignant, si elles en sortent vivantes, d’être achevées par leur famille pour cause de déshonneur…

En Syrie, on ne parle pas des droits de la femme : on y est au stade du crime contre l’humanité.

Le femme et la prospérité

Tout se tient

Si on dresse une mappemonde des droits de la femme, les régions où ces droits sont le plus bafoués et où la vie des femmes est la plus dure sont aussi celles où sévit la plus grande misère (et, incidemment, la plus lourde homophobie). Il s’agit de la majeure partie de l’Afrique, du Proche et Moyen-Orient ainsi que de l’Asie du Sud.

La femme et la prospérité

Tout se tient, encore

Dans les 34 pays de l’OCDE les plus prospères, les femmes ont accès à peu près à égalité avec les hommes (ou davantage) à l’éducation et au travail. Aujourd’hui, 48 % des femmes y obtiennent un diplôme d’enseignement supérieur contre 32 % des hommes. Dans la moitié de ces pays, entre 80 et 95 % des diplômées occupent un emploi.

La femme et la prospérité

Ah ! L’Islande…

L’Islande est le paradis de la femme (suivie par la Finlande, la Norvège, la Suède et les Philippines). Depuis cinq ans, elle est au premier rang en matière d’égalité des sexes, principalement en raison du succès des femmes dans l’enseignement supérieur ainsi que de leur pouvoir économique et politique. Le Canada est en 20e place.

La femme et la prospérité

Printemps décevant

Les espoirs que bien des femmes avaient placés dans le Printemps arabe de 2012 ont été largement déçus. Même en Tunisie, où les choses ont relativement bien tourné, la polygamie se développe et certaines lois demeurent discriminatoires. En Égypte et en Libye, les sévices allant jusqu’au viol demeurent courants et peu dénoncés.

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