consultations prébudgétaires à québec

Le collégial crie à l’aide pour répondre à l’explosion du nombre d’élèves à besoins particuliers

Dépassés par l’explosion du nombre d’élèves présentant des handicaps ou des troubles d’apprentissage, les cégeps et les professionnels des collèges réclament plus d’argent dans le prochain budget Leitão.

Au primaire et au secondaire, les parents sont fortement encouragés à obtenir un diagnostic pour leur enfant qui présente des difficultés (souvent à fort prix dans le privé), gage pour lui d’un plus haut niveau de services à l’école. Résultat : les jeunes sont de plus en plus nombreux à arriver au collégial avec un diagnostic de dyslexie, de dysorthographie, de dyscalculie, de trouble de l’attention, etc.

De 2010 à 2014, la Fédération des cégeps calcule que le nombre des élèves ayant un besoin particulier a bondi de 5000 à plus de 12 000.

Or, selon Suzanne Tousignant, présidente de la Fédération du personnel professionnel des collèges, « les services offerts dans les cégeps sont minimaux. [Leurs] professionnels [psychologues, travailleurs sociaux, conseillers pédagogiques] sont surchargés, et l’épuisement professionnel les guette ».

Les cégeps manquent de personnel professionnel capable de faire « le dépistage des difficultés d’apprentissage, les suivis psychologiques et pédagogiques », ajoute-t-elle, plaidant pour un ajout important de professionnels dans les cégeps.

Mais à quel point faut-il admettre, puis aider les jeunes présentant une difficulté d’apprentissage à poursuivre des études supérieures ?

Obligation légale et morale

Dans son mémoire présenté à Québec dans le cadre des consultations prébudgétaires, la Fédération des cégeps relève d’ailleurs que les établissements collégiaux ont l’obligation légale de répondre aux besoins particuliers de ces élèves qui arrivent avec un diagnostic. Sinon, c’est de la discrimination.

S’il croit que les cégeps ont l’obligation légale, mais aussi morale d’admettre et d’aider ces jeunes, Julien Prud’homme, professeur au département de sciences humaines à l’Université du Québec à Trois-Rivières, croit néanmoins qu’« ils doivent éviter de répéter l’erreur qu’on a commise au primaire et au secondaire en basant toute notre politique sur l’exigence de diagnostics, d’où découlent des aménagements strictement individuels ».

C’est que ces diagnostics, qu’ils soient obtenus du secteur privé ou établis dans les écoles, coûtent beaucoup d’argent, qu’il vaudrait mieux consacrer à aider les jeunes eux-mêmes, d’autant plus que les diagnostics sont souvent basés, dit-il, « sur des catégories de plus en plus élastiques ».

« Aux États-Unis, le TDAH est la maladie la plus souvent relevée chez l’adulte de nos jours. »

— Julien Prud’homme, chercheur

Même à l’université, dans une classe de 50 étudiants, il n’est pas rare, raconte-t-il, que 7 ou 8 jeunes se présentent avec un diagnostic et qu’ils demandent par exemple de faire un examen dans un local à part, d’avoir plus de temps pour un test, etc. Tous les accommodements réunis finissent par coûter beaucoup d’argent, et si l’idée est de procurer à chacun un soutien individualisé semblable à ce que l’on donne au primaire et au secondaire – avec ce que cela suppose en orthophonistes, psychologues, etc. –, ce sera insoutenable, selon M. Prud’homme.

Des façons globales d'aider

À son avis, les cégeps et les universités seraient bien avisés de chercher des façons plus globales d’aider les étudiants. Dans certaines facultés, quand le contexte s’y prête, cela peut se traduire par des examens faits à la maison ou par des tests plus courts.

L’idée, dit-il, n’est pas de faire du nivellement par le bas ou de faire passer artificiellement les étudiants, mais d’éviter que l’évaluation soit basée sur des critères arbitraires sans lien avec la formation suivie. « Oui, de futurs enseignants en français doivent écrire correctement, mais dans plusieurs autres professions, on a accès à un correcteur informatique. Et en emploi, a-t-on si souvent besoin de rester assis pendant trois heures sans bouger, comme on l’exige pendant un examen ? »

Au-delà de toute obligation légale à l’égard de ces jeunes, Bernard Tremblay, président-directeur général de la Fédération des cégeps, rappelle que le Québec a besoin d’eux. « Par diverses mesures mises en place au fil des ans au primaire et au secondaire, on a permis à de nombreux jeunes d’accéder à des études supérieures. Il faut poursuivre dans cette voie. Parce que les gens ont droit à l’éducation, mais aussi en raison de la pénurie de main-d’œuvre. »

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