Mathieu Cyr

12 ans sur le métier…

Plus d’une décennie après sa sortie de l’École nationale de l’humour, Mathieu Cyr présentera à partir de mardi son premier one-man-show, aboutissement d’un parcours long, souvent sinueux, mais bien peu banal. Rencontre.

Whistler, février 2007.

La vie de Mathieu Cyr était pour le moins… éparpillée. Au début de la trentaine, cumulant trois boulots – producteur de films de planche à neige, portier et livreur de pitas –, puis largué par sa copine, il se retrouvait à la proverbiale croisée des chemins.

Le moins que l’on puisse dire, c’est que la Place des Arts paraissait pas mal plus loin de lui que les quelque 4500 km qui séparent Vancouver de Montréal.

C’est pourtant les planches de la Cinquième Salle que l’humoriste foulera ce mardi soir, à l’occasion de la rentrée montréalaise de son premier one-man-show, Chaînon manquant.

« C’est réellement l’aboutissement de 12 ans de travail », constate le principal concerné en entrevue à La Presse.

Cette longue route s’est amorcée, à son retour à Montréal, par son admission aux cours du soir de l’École nationale de l’humour. Et par un constat instantané : « C’est ça que je veux faire. » Une découverte tout sauf anodine pour celui qui, depuis tout petit, compose avec un déficit d’attention avec hyperactivité (TDAH).

Ont donc suivi 12 années à rouler sa bosse dans les bars de la province, à produire du matériel pour la scène, puis pour la télévision et en ligne. Et à bâtir petit à petit sa relation avec ses fans sur les réseaux sociaux ; au total, ils sont désormais plus de 200 000 à suivre ses activités.

« Je pense que le monde a un certain respect pour ceux qui l’ont eue tough, qui ont dû bûcher pour y arriver. »

— Mathieu Cyr

Conscient qu’il n’incarne pas le « jeune prodige qui sort de l’école », l’humoriste donne en comparaison cette époque pas si lointaine où le débat sur les gardiens de but du Canadien de Montréal déchirait la province.

« Il y avait les pro-Price, mais aussi les pro-Halak, qui l’aimaient parce qu’il avait bûché. C’est un peu ce qui m’arrive. »

Nouvelle vie

À 42 ans, Mathieu Cyr n’a plus grand-chose du snowboarder dissipé de 2007.

Grâce à la médication, il a pris son TDAH par les cornes. Le voilà en outre père de deux enfants, à qui sa conjointe et lui font l’école à la maison.

Autant de choix de vie qui prennent leurs racines dans le passé trouble de l’humoriste, qui a lui-même fréquenté six écoles secondaires. Et qui trouvent écho dans son premier spectacle.

« Je parle de mon déficit d’attention, de mon parcours scolaire, du système d’éducation en général, de mes enfants… C’est ce qui lie le show, parce que c’est ce qui lie ma vie », analyse-t-il.

À ce compte, où est donc le Chaînon manquant ?

Sur scène, tout simplement.

« Ça a l’air prétentieux, mais je l’assume : je trouve que je suis le chaînon manquant en humour, explique Mathieu Cyr. Je me vois comme le pont entre la gauche et la droite. J’essaie d’apporter des idées à saveur sociale, mais de les intégrer dans des anecdotes accessibles. »

« Tsé, je le sais que j’ai la face d’un gars qui a été baptisé sur un motocross ! », s’esclaffe-t-il.

Celles et ceux qui ont vu un de ses numéros sur scène, dans des soirées ou des galas d’humour, ont sans doute assisté à un barrage de blagues, lancé par un humoriste bruyant et volubile.

Or son spectacle ne soutient pas un rythme aussi effréné, assure-t-il.

« Dans mes premiers rodages, j’y allais à 100 % dans l’efficacité. En me réécoutant, je constatais que c’était drôle, mais que je voulais dire quelque chose de plus. Ç’a été dur, mais je voulais aller dans des choses plus personnelles, plus profondes. »

— Mathieu Cyr

Pour ça, il fallait donc moduler le rythme, varier les plaisirs. Ce qu’il a fait, en accouchant d’un peu moins de 90 minutes qui pourraient bien être l’introduction à « une trilogie de shows », tellement il a accumulé de matériel au cours des années.

Pour arriver à cette première, la route de Mathieu Cyr a été longue. Mais l’attente en a valu la chandelle.

« J’aurais pu y aller en 2010, en 2015, mais je n’avais pas l’expérience de vie, le regard que j’ai aujourd’hui sur la société. Maintenant, je l’ai. Ça aura pris ce temps-là. »

Et le spectacle qu’il livre au public est le meilleur qu’il pouvait offrir, promet-il, pas peu fier de regarder le chemin parcouru par le décrocheur qu’il a longtemps été.

« Je trouve ça fou d’être rendu là. Et ce n’est pas la fin. Ça commence ! »

À la Cinquième Salle de la Place des Arts, les 15 et 16 janvier, puis partout dans la province

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