Réseau électrique métropolitain

« On n’a aucune idée des délais »

Louise Guilbault et Daniel Picard vivent dans l’attente. Les jeunes retraités, installés depuis 11 ans dans une coquette maison de Laval-Ouest, au bord de la rivière des Mille Îles, ont reçu un avis d’expropriation il y a plus d’un an. Leur terrain, ont-ils appris, pourrait être requis pour faire place au Réseau électrique métropolitain (REM). Ou pas.

À quelques mois du lancement prévu du mégachantier de 6 milliards de dollars, les deux Lavallois ne savent toujours pas à quoi s’attendre. « On a appelé au Ministère la semaine passée car on a besoin de faire des rénovations de 70 000 $ sur la maison, a expliqué Mme Guilbault. Ils nous ont dit qu’à l’heure actuelle, nous n’étions pas expropriés, mais ils ne peuvent pas nous le garantir par écrit. »

Daniel Picard souligne ne rien avoir contre le projet de train automatisé de 67 kilomètres, mis de l’avant par la Caisse de dépôt et placement du Québec. Mais il déplore l’absence d’information fournie aux citoyens touchés au premier plan, comme sa femme et lui. « On n’a aucune idée des délais, on pense qu’ils sont dans le flou eux-mêmes. Ils sont supposés commencer les travaux à l’automne, mais ça m’étonnerait beaucoup. »

163 lots touchés

CDPQ Infra, une filiale de la Caisse de dépôt, devrait annoncer cet automne les entreprises retenues pour la construction du REM. Le consortium choisi pourra dès lors « amorcer les grandes étapes de la période de réalisation » du chantier, a indiqué hier le porte-parole Jean-Vincent Lacroix.

Plusieurs changements ont été apportés au REM depuis l’annonce officielle du projet en avril 2016, dont l’ajout de stations au centre-ville et certains ajustements au tracé. Selon de nouvelles données publiées par la Caisse après une demande d’accès à l’information, 163 lots seront « potentiellement affectés » le long du tracé et « pourraient être requis » en vue de construire le REM, soit : 

13 lots résidentiels ;

16 lots commerciaux ou industriels avec un bâtiment ;

47 lots municipaux ;

87 lots vacants sans bâtiment.

Des accords de gré à gré ont déjà été conclus pour racheter 6 des 13 terrains résidentiels, et l’objectif de CDPQ Infra est de s’entendre avec tout le monde sans expropriation, a souligné Jean-Vincent Lacroix.

« Plusieurs des lots ne sont nécessaires que partiellement seulement ou temporairement pour la période des travaux. De nombreux efforts ont été entrepris pour limiter ce nombre en ajustant le tracé. »

— Jean-Vincent Lacroix

Le porte-parole ajoute que « la responsabilité d’acquérir les terrains requis pour le projet du REM » revient au ministère des Transports du Québec (MTQ), en vertu d’une entente-cadre conclue en janvier 2015. Le Ministère n’a pas été en mesure de fournir d’explications à La Presse, hier, sur les délais déplorés par certains citoyens.

Craintes à Deux-Montagnes

À quelques kilomètres au nord de Laval-Ouest, des citoyens de Deux-Montagnes vivent aussi dans l’incertitude en attendant la venue du REM. CDPQ Infra pourrait avoir besoin de plusieurs terrains pour construire de nouvelles infrastructures près de la gare Grand-Moulin, présentement utilisée par les trains de banlieue du Réseau de transport métropolitain. Tout autour, on trouve un mélange hétéroclite de jolies maisons de campagne, de condos neufs et d’immeubles locatifs.

« Tout ce qu’on sait, c’est qu’il va y avoir un viaduc ici, mais on n’arrive à avoir aucune autre information, même s’ils sont supposés commencer la construction à l’automne », a déploré George Brabant, rencontré pendant son jogging matinal sur le boulevard du Lac.

« Est-ce qu’ils vont détruire toutes ces belles petites maisons ? a pour sa part demandé Lorraine Leroux, une autre résidante du secteur. Si c’est le cas, je serais contre, mais je sais que le train est très apprécié par la population. »

Soulagement à Griffintown

Malgré l’incertitude qui persiste chez plusieurs citoyens et commerçants, certaines expropriations ont pu être évitées assez tôt dans le processus. Dans le quartier Griffintown, une série de bâtiments patrimoniaux ont été sauvés du pic des démolisseurs, dont le New City Gas et l’édifice Rodier. CDPQ Infra a réussi à limiter les destructions en rachetant un viaduc du Canadien National qui mène vers la gare Centrale.

L’école privée la Nouvelle Vague, située à deux pas de ces immeubles rescapés, a elle aussi évité le pire. Marie-Andrée Mallette, présidente du jeune établissement, a racheté le bâtiment en décembre 2015 et venait de lancer d’importants travaux de rénovation lorsqu’elle a reçu un « avis d’abandon » par huissier quelques mois plus tard. Choquée, mais tout de même favorable au projet de REM, elle a tout de suite pris contact avec la procureure du MTQ en vue d’entamer un dialogue.

« Après la surprise initiale, on a décidé de prendre le taureau par les cornes et finalement, après deux semaines de travail avec leur personnel, qui a été très collaboratif, ils nous ont signifié que nos terrains n’étaient plus requis », a expliqué avec satisfaction Mme Mallette. Elle s’apprête à accueillir une première cohorte d’élèves à la fin du mois.

Détails attendus

Le porte-parole de CDPQ Infra souligne que le consortium qui sera retenu l’automne prochain déterminera lui-même les techniques de construction du REM, ce qui permettra alors d’avoir « une idée précise des travaux et de leurs impacts ».

La coalition Trainsparence, composée de groupes environnementaux, de citoyens et d’un grand syndicat, souhaite toutefois faire dérailler le projet avant le lancement officiel des travaux. Le groupe espère faire bloquer l’adoption du projet de loi 137 à la rentrée parlementaire, a indiqué hier Lisa Mintz, une porte-parole. Ce projet de loi prévoit entre autres les termes des expropriations et des indemnisations.

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