Mon clin d'œil Stéphane Laporte

En ce 8 mars, femmes et hommes devraient prendre des égaux portraits.

Opinion

Les Américaines vont-elles avoir la peau de Trump ?

Lors de l’élection présidentielle de 2016, 54 % des femmes ont appuyé la candidate démocrate, alors que 41 % ont voté contre, pendant que 52 % des hommes optaient pour Donald Trump (sondages de sortie des urnes de CNN, 23 novembre 2016). Un tel écart ne s’était pas vu depuis 1972. 

On a expliqué cet écart par la présence d’une femme comme candidate à la présidence pour la première fois de l’histoire des États-Unis et par la misogynie affichée du candidat Trump. 

La grande manifestation organisée par plusieurs groupes de femmes au lendemain de l’investiture de Donald Trump comptait plus de 2 millions de personnes dans tout le pays. Un appel interprété comme un cri du cœur des femmes pour exprimer leur colère et leur frustration à l’égard du nouvel occupant de la Maison-Blanche. 

Plusieurs analystes n’ont pas hésité à décrire ces rassemblements comme un feu de paille. Pourtant, on assiste depuis un an à une mobilisation sans précédent des Américaines, non seulement contre Trump lui-même, mais aussi contre toutes les formes de violence faites aux femmes et en faveur du droit à la contraception, de l’égalité des chances, des salaires et des congés parentaux. Plus largement, cette mobilisation s’est aussi étendue aux enjeux sociaux et politiques qui affectent l’ensemble de la société américaine, y compris le maintien du fragile filet social (notamment la santé), le contrôle des armements, le droit de vote, le racisme, l’environnement, l’immigration et les inégalités.

Cette mobilisation s’est graduellement transformée en mouvement de masse, qui regroupe un grand nombre d’hommes, mais dont le leadership et la base sont dominés par les femmes.

Un mouvement qui s’appuie principalement sur des organisations et des actions locales, notamment par des coalitions de groupes existants. Plusieurs victoires notables ont été remportées, entre autres dans la défense de l’Obamacare, mais c’est sans aucun doute dans les élections partielles ou dans les législatures d’État que les résultats ont été les plus percutants.

En novembre 2017 dans l’État de Virginie, gagné haut la main par Trump en 2016, le candidat démocrate Ralph Northam a remporté l’élection au poste de gouverneur grâce à l’appui de 61 % de l’électorat féminin (contre 48 % chez l’électorat masculin). Les démocrates ont enlevé 16 sièges aux républicains à la Chambre des représentants, la plupart des nouveaux élus étant des femmes. Un mois plus tard, en Alabama, un château fort pour Trump et les républicains, le candidat démocrate Doug Jones a remporté une victoire surprise contre le républicain Roy Moore pour un siège au Sénat américain laissé vacant par Jeff Sessions, actuel ministre de la Justice. Le démocrate a eu l’appui de 57 % des femmes, et de seulement 42 % des hommes. Dans les deux cas, il faut souligner la participation décisive des femmes noires.

Le chemin parcouru

Lors de la deuxième grande manifestation nationale qui célébrait le premier anniversaire de l’investiture de Trump – qui comptait autant de participants que la première de l’année précédente –, on a pu constater tout le chemin parcouru d’un mouvement progressiste aux bases durables et aux objectifs politiques précis.

La campagne contre le harcèlement sexuel, incarnée par le mouvement #metoo, et les plus récents cas de violence conjugale dans la garde rapprochée de Trump ont également galvanisé le mouvement. Sans être inféodé au Parti démocrate, et pressentant toute l’urgence de la situation, le mouvement se concentre sur l’objectif de défaire les candidats républicains aux élections de mi-mandat en novembre (qui se tiendront au niveau national, des États et des municipalités), et de faire élire le plus grand nombre possible de femmes démocrates sous la bannière de « Power To The Polls ».

Une initiative musclée pour enregistrer 1 million d’électeurs dans les États clés a été mise sur pied. Le 21 janvier à Las Vegas 10 000 électeurs additionnels ont été enregistrés.

Une organisation de femmes en faveur du libre choix appelée Emily’s Choice a compilé une liste de 26 000 femmes intéressées à se porter candidates pour les élections, soit 20 fois plus que d’habitude.

Cela comprend plus de 400 candidates démocrates au Congrès. Des séances de formations intensives sont en cours ou prévues pour les candidates potentielles, et les campagnes de financement pour appuyer les candidates brisent tous les records.

Selon un sondage récent (Quinnipiac, 17 janvier 2018), 60 % des femmes se disent opposées à Donald Trump, en comparaison avec 47 % des hommes. Si les démocrates réussissent à créer un contrepoids au régime Trump en obtenant une majorité dans l’une des deux chambres ou les deux, on le devra dans une très large mesure à ce mouvement sans précédent piloté par des femmes américaines. Mais quel que soit le résultat des élections de 2018, les femmes n’auront pas dit leur dernier mot.

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