Personnalités de la semaine

Les Drs Nada Jabado et Jean-Pierre Farmer

Leur travail d’équipe a permis de sauver un jeune patient atteint d’une tumeur cérébrale tout en réalisant une percée médicale grâce à un traitement expérimental. La Dre Nada Jabado, hémato-oncologue, et le Dr Jean-Pierre Farmer, neurochirurgien à l’Hôpital de Montréal pour enfants, sont nos personnalités de la semaine.

En août dernier, le jeune Karl Lefebvre, 6 ans, fait une chute en jouant et se plaint d’une douleur à la main. Il ressent des engourdissements. Ses parents croient d’abord à une élongation, mais à l’Hôpital de Montréal pour enfants, on découvre qu’il a un gangliogliome, tumeur bénigne située dans le tronc cérébral. C’est la partie du cerveau qui contrôle la respiration et les nerfs moteurs. La tumeur de Karl fait 10 cm de long.

« Ces tumeurs dans le tronc cérébral sont très difficiles à enlever complètement, dit le Dr Farmer. Il peut en rester, et s’il en reste, la tumeur va recommencer à grossir. De plus, la chirurgie était risquée, car l’incision pratiquée aurait pu déstabiliser sa colonne cervicale. »

Normalement, les patients atteints de ce genre de tumeur subissent une opération pour la retirer, suivie de traitements de radiothérapie et de chimiothérapie. Or, selon les études réalisées par la Dre Jabado, qui est chercheuse au sein du programme en santé de l’enfant et en développement humain à l’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill (IR-CUSM), 80 % de ces gangliogliomes présentent une mutation qui les fait réagir à un médicament existant utilisé dans le monde pour traiter les mélanomes.

« Nous avions déjà eu l’occasion de traiter deux autres enfants qui avaient des gangliogliomes avec ce médicament, mais c’était en deuxième et en troisième recours, après l’échec d’autres traitements et bien des séquelles. »

— La Dre Jabado

« Nous nous étions dit que si un nouveau cas se présentait, nous allions procéder différemment. Nous pensions que si la tumeur de Karl avait cette mutation, il y avait alors 80 % des chances qu’elle réponde au médicament, et qu’on pourrait l’essayer en premier. Compte tenu de la menace, il fallait trouver ce qui pourrait fonctionner le plus vite possible. »

Karl a donc été l’un des premiers patients au monde atteint d’un gangliogliome à être traité avec ce médicament en premier recours. Auparavant, il a tout de même fallu réaliser une biopsie au tronc cérébral, une chirurgie d’une dizaine d’heures pratiquée par le Dr Farmer pour faire analyser la tumeur et voir si elle présentait bel et bien la mutation. Le petit Karl a eu de la chance, puisque c’était le cas et que sa tumeur a bien répondu au traitement. Il est aujourd’hui de retour à l’école.

« C’est cette transition de la recherche au chevet du patient qui représente pour nous la plus grande victoire. »

— Le Dr Farmer

« La recherche permet de comprendre comment et à quoi réagissent les différents types de tumeurs, dit la Dre Jabado. À travers le monde, le pronostic n’est pas très bon pour les enfants atteints d’un gangliogliome. Notre expérience et notre travail d’équipe nous ont permis de franchir le pas et d’aller de l’avant, avec l’autorisation des parents. »

Soulignons que le prix du médicament en question étant de près de 9000 $ par mois, ses coûts ont été assumés par la Fondation de l’Hôpital de Montréal pour enfants.

La Dre Nada Jabado est née au Liban et a grandi en France, où elle a fait ses études de médecine. Elle vit au Québec depuis 16 ans. Le Dr Jean-Pierre Farmer, originaire de l’Ontario et diplômé de McGill, travaille à l’Hôpital de Montréal pour enfants depuis 25 ans.

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