OPINION DÉVELOPPEMENT COMMUNAUTAIRE

Monsieur le maire, contrôlez vos contrôleurs !

Le 18 juillet dernier, après des années d’efforts, nous avons enfin pu rencontrer deux fonctionnaires de la Ville pour discuter d’un projet de lutte à la pauvreté.

Ce projet, nous l’avions soumis dès 2010 à Denis Coderre, alors député de Bourassa, à Montréal-Nord, là où nous comptions le réaliser. Nous espérions un soutien financier de sa part, même symbolique, mais davantage un soutien moral pour aider à ouvrir les portes barrées qui se multiplient pendant la réalisation d’un tel projet.

Il s’agissait d’un projet en développement communautaire et social que nous avions mis au point en utilisant toute notre expertise cumulée de dizaines d’années de travail dans le domaine communautaire, du local jusqu’à l’international, sans compter notre engagement dans l’enseignement à tous les niveaux dans sept universités québécoises.

Au départ, nous avions été invités à organiser un événement dans Montréal-Nord par le curé de la paroisse Saint-Vital qui espérait que, dans la foulée de la mort du jeune Fredy Villanueva, abattu par un policier, on puisse encore parler de Montréal-Nord comme d’un endroit où il faisait bon vivre. L’organisation d’une simple soirée interculturelle pourrait permettre ensuite, nous l’espérions, de lancer un vaste programme de développement social en vue d’ouvrir des brèches dans les cloisons qui séparent les communautés culturelles de l’endroit, dont certaines vivent misérablement.

Après des mois de travail sur le terrain, nous avons ensuite entrepris inutilement le siège du bureau de circonscription du député Coderre. Or en février dernier, le député devenu maire a déclaré que la lutte à la pauvreté devait être une priorité à Montréal. Nous l’avons donc relancé. Cinq mois plus tard, nous avons pu être reçus par deux fonctionnaires de la Diversité sociale de la Ville, que nous avions tellement hâte d’embrasser !

FACES DE BOIS

Hélas, ils nous en ont vite coupé l’envie. En arborant la face de bois convenue, ils nous ont immédiatement demandé de produire tous les rapports des diverses activités que nous avions organisées au cours de dizaines d’années. Leurs collègues devaient les éplucher à l’aide de leurs grilles comptables pour savoir ce qu’elles avaient « rapporté ». Sinon, pas question de nous prendre au sérieux.

Nous sont alors revenus à l’esprit tous ces gens du communautaire qui s’épuisent à compléter de plus en plus de rapports et à organiser des cascades de réunions pour en faire état dans d’autres rapports. Pendant ce temps, on coupe leurs subventions annuellement et leurs effectifs ne cessent de diminuer. Au cours d’une réunion, un responsable d’une « table de concertation » a déjà dit qu’il ne luttait plus contre la pauvreté à cause de tous les rapports à compléter pour les contrôleurs de la Ville, en train de le bouffer vivant.

Mais alors où vont les fonds pour la lutte à la pauvreté à Montréal ? Eh bien, M. Coderre, ils vont peut-être à l’engagement de plus en plus de contrôleurs pour lire les rapports des gens du communautaire bien obligés de se fendre en quatre pour leur en fournir autant qu’ils en demandent !

En conclusion, pour lancer un bon projet en développement communautaire et social à Montréal, il vaudrait mieux oublier tous les contrôleurs de la Diversité sociale de la Ville et leurs semblables. Plutôt, il faudrait suivre l’exemple de notre cousine, Kim Lamarre, qui a réussi par ses propres moyens à se hisser sur un podium à Sotchi, envers et contre tous les contrôleurs du sport organisé qui lui barraient le chemin.

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