SÉRIE RANDONNÉE AU QUÉBEC

Seuls au monde

PARC RÉGIONAL DU MASSIF DU SUD — Les jeunes pousses sont intactes. Le sol est moelleux, recouvert d’une épaisse couche de feuilles mortes, de mousses et de fougères vert tendre. Depuis plusieurs dizaines de mètres déjà, c’est tout juste si le sentier que l’on emprunte, pourtant bien balisé, semble avoir déjà été piétiné. Et il en sera ainsi sur des centaines de mètres encore. En effet, le Parc régional du Massif du Sud est loin de souffrir d’un trop-plein de visiteurs.

Officiellement créée il y a 16 ans, cette gigantesque réserve écologique au sud de Montmagny – jouxtant la station de ski du Massif du Sud – est une gamine en comparaison des parcs plus célèbres de la province, comme celui du Mont-Tremblant dont la fondation remonte à plus de 100 ans ! Une proportion importante des 71 km de sentiers a été tracée dans une forêt peu fréquentée (les autres suivent des sentiers multifonctionnels, pour le ski de randonnée ou la motoneige, entre autres), si bien que certains n’ont que quelques mois à peine, débroussaillés à main d’homme dans un labyrinthe de sapins ou de bouleaux jaunes l’automne dernier. Étroits, ils ne montrent pas de signes de fatigue ou d’érosion causée par le passage répété des marcheurs.

« C’est un paradis pour un agent de développement comme moi : il y a tout à faire, ou presque, dit Philippe Toussaint, chargé du développement du plein air. Les gens peuvent encore revenir d’un été à l’autre et découvrir de nouveaux sentiers. »

C’est ainsi qu’il y a deux ans, le parc a inauguré le sentier des Géants, « celui de tous les superlatifs », raconte Philippe Toussaint. C’est celui qui rejoint le plus haut sommet du parc, et de la région, le mont Magloire (917 mètres d’altitude), celui où l’on fréquente les plus imposants des arbres – majestueux merisiers – et, surtout, celui où l’on croise le plus d’orignaux puisque le parc hébergerait la deuxième concentration en importance de la province, après la réserve faunique de Matane, secret bien gardé s’il en est un.

Pour y accéder, il faut suivre le ruisseau Beaudoin, puis monter graduellement dans le sentier des Ravages pendant un peu plus d’une heure et demie. Le secteur est l’un des chouchous des cervidés, et les traces de leur présence ne manquent pas : en se reposant, ils ont écrasé d’immenses talles de fougères et tapissé le sol d’excréments et d’empreintes profondes. Le travailleur qui a défriché le sentier, le printemps dernier, à l’époque des mises bas, n’en croyait pas ses yeux : « C’est une vraie pouponnière ! Il y a des petits partout ! » Manque de pot, notre équipée n’en verra pas, mais une journée de pluie battante aura certainement joué en notre défaveur…

PROTÉGER L'HABITAT

En franchissant la limite des 800 m d’altitude, le sentier des Géants devient parfois si étroit qu’on n’y passe qu’à la file indienne. La taille des arbres a été strictement limitée pour protéger l’habitat de la grive de Bricknell, une espèce à statut vulnérable. On verra et entendra décoller plusieurs perdrix ; elles aussi aiment visiblement le secteur.

Au faîte du mont Magloire, il faut grimper tout en haut de la tour d’observation pour voir se dessiner sur la ligne d’horizon l’île d’Orléans d’un côté, le mont Gosford de l’autre, les États-Unis au loin. La forêt sur la gauche est vierge ; c’est celle de la réserve écologique Claude-Mélançon, protégée depuis 1988 par Québec qui y interdit toute forme d’exploitation. Les randonneurs n’y ont pas accès.

La portion suivante – courte, heureusement – emprunte un sentier multifonctionnel plus large et moins intéressant. Les pales d’une vingtaine d’éoliennes plantées un peu plus bas tournoient doucement sous l’effet d’un vent commun ici. « Tout le monde ne les aime pas, convient Philippe Toussaint, mais elles nous permettent de financer une partie des activités du parc, et donc d’offrir des sentiers aux randonneurs. » Un mariage de raison, donc.

La foulée s’allonge ensuite alors que les courbes faiblissent tout doucement pour rejoindre, deux heures de marche plus bas, deux plateformes de camping ou la yourte déposée sur les berges du ruisseau du Milieu. Pour les novices, cette dernière est la meilleure option disponible. Pas besoin de traîner de réchaud, de matelas, de gamelles ni même d’ustensiles : tout est là, et en bon état. Les réserves de bois sont bien garnies pour alimenter le poêle dans la yourte ou le barbecue extérieur, et bien qu’il n’y ait pas d’eau courante, un gros bidon d’eau potable est livré chaque jour avant l’arrivée des clients. Mieux : on peut même faire transporter aussi des bagages (moyennant un supplément de 30 $) et des provisions pour s’offrir un repas autrement plus festif et savoureux que ne le permettent les pochettes de nourriture lyophilisée.

COUP DE CŒUR

Après la marche, l’eau fraîche et cristalline du ruisseau du Milieu n’a pas son pareil pour apaiser les pieds endoloris. Son lit de grosses roches, blanc clair, rappelle les plus jolies rivières des régions montagneuses de la Nouvelle-Angleterre. Coup de cœur du parc.

Le lendemain, ce sont l’état de fatigue générale et la météo qui dicteront le déroulement de la journée. Pour plus d’action, on grimpe vers le pic du mont du Midi, à 915 m d’altitude, que le parc partage avec la station de ski du Massif du Sud. L’autre option n’est pas une mince consolation : l’ascension du mont Chocolat (717 m d’altitude) offre aussi certains des plus beaux panoramas du secteur, quand le sentier des palissades longe des parois rocheuses de quelque 50 m. La construction de maisons cossues à flanc de montagne ternit l’un des panoramas du sommet, mais le second, de l’autre côté, est magnifique, ouvert sur une mer vert émeraude de forêts protégées, où l’on ne distingue pas de traces de l’homme. C’est bien la meilleure des raisons de randonner.

FICHE DESCRIPTIVE

Niveau de difficulté : difficile

Distance : 21,2 km pour la boucle proposée, avec le mont Chocolat ; 27,4 km en ajoutant l’ascension du mont du Midi

Dénivelé : jour 1 : 467 m, jour 2 : 170 m vers le mont Chocolat ou 365 m vers le mont du Midi

Durée : deux jours de marche

Chiens admis : oui

Lieu de départ : centre d’accueil du Parc régional du Massif du Sud (300, route du Massif, à Saint-Philémon)

Droit d’entrée : adultes : 5 $, 7 à 17 ans : 3,50 $, 0-6 ans : gratuit

Stationnement : gratuit

Services : toilettes sèches au début du sentier et près des hébergements. Aucun point d’eau. Les indications sont claires. Des cartes sont fournies gratuitement au bureau d’information.

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