Lutte contre le cancer

Une technique prometteuse testée au CHUM

La thérapie cellulaire promet d’être de plus en plus efficace pour traiter des cancers métastatiques, en particulier les mélanomes (cancers de la peau). Le Centre de recherche du CHUM mise gros sur une nouvelle technique qui permettra de sélectionner les cellules immunitaires les plus efficientes à l’intérieur d’une tumeur, de les multiplier jusqu’à atteindre 1 milliard et de les réinjecter dans le patient. Explications.

Les lymphocytes T à la rescousse

Les thérapies cellulaires existent sous différentes formes depuis le début des années 2000, nous rappelle le Dr Simon Turcotte, chirurgien oncologue et chercheur en immunologie du cancer au CHUM. Le principe de base ? « On transfuse au patient des cellules immunitaires qui s’appellent des lymphocytes T. Ce sont des cellules qui reconnaissent les infections, mais on a découvert depuis une quinzaine d’années qu’elles pouvaient aussi reconnaître des cellules cancéreuses », explique-t-il. Depuis, les recherches en immunothérapie progressent extrêmement vite, notamment pour traiter des cancers du sang.

Efficacité limitée

« La thérapie cellulaire actuelle – qui vise plutôt des cancers solides – consiste à prendre tous les lymphocytes T que l’on retrouve dans une tumeur cancéreuse, d’en faire un produit de transfusion et de le redonner au patient, résume le Dr Turcotte. Mais il n’y a aucune sélection, précise-t-il. On croise les doigts pour que les bons lymphocytes T s’y trouvent. Dans des cas de cancers de la peau, un patient sur deux répond bien à cette thérapie. Un patient sur cinq a une réponse complète et durable, ce qui est déjà encourageant. »

Sauvé par la thérapie cellulaire

Frédéric Tremblay est de ceux qui ont bien réagi à cette thérapie cellulaire. Le jeune homme de 38 ans a un mélanome de stade 4 depuis 2013. Après deux traitements infructueux aux immuno-modulateurs, il a reçu ce traitement de thérapie cellulaire à Toronto (au Princess Margaret Cancer Centre). C’était en 2015. Sa maladie n’a pas progressé depuis. « Sans ce traitement, on ne serait pas ici aujourd’hui », nous a dit son oncologue, la Dre Rahima Jamal. Frédéric Tremblay, qui attend un garçon, recommencera à travailler en juillet après un arrêt de travail qui aura duré quatre ans.

Des cellules plus combatives

Pour augmenter l’efficacité de la thérapie cellulaire, les chercheurs ont misé sur la sélection des lymphocytes T les plus combatifs. « On a appris depuis quatre ou cinq ans qu’à peine 5 % des lymphocytes T reconnaissent vraiment la tumeur et sont utiles pour combattre un cancer. Les autres sont attirées sur place par l’inflammation, mais 95 % d’entre elles ne font pas grand-chose, on les appelle des cellules “bystanders” [spectatrices]. L’objectif est d’obtenir un concentré de lymphocytes T efficaces. » En les combinant à un traitement aux immuno-modulateurs, les chercheurs sont convaincus de pouvoir freiner la maladie.

Un premier appareil au Québec

Le trieur cellulaire, premier appareil du genre au Québec, permet justement d’identifier les 5 % de lymphocytes T anti-tumoraux. « Concrètement, on enlève la tumeur du patient, on la transforme en forme liquide, on marque les cellules avec des anticorps en les couplant à une molécule fluorescente et on met la soupe dans le trieur cellulaire pour aller chercher les lymphocytes T qui nous intéressent, énumère le Dr Turcotte. Il y a trois lasers du trieur qui interrogent les cellules une à une. Les cellules qui ne fluorescent pas sont bloquées, les autres poursuivent leur chemin grâce à une valve qui s’ouvre 30 000 fois par seconde. »

La multiplication des cellules

Grâce à cette technique, il est possible de prélever environ « 500 000 cellules anti-tumorales », détaille le Dr Turcotte. Mais ce n’est pas suffisant. D’où la chambre blanche, inaugurée récemment au CHUM, qui permettra de faire proliférer les lymphocytes T dans un incubateur. « C’est un processus qui dure environ 14 jours, poursuit-il. On arrive à les multiplier à plus de 1 milliard ! On espère pouvoir traiter des patients avec cette technique d’ici environ un an et demi. » Si le cancer de Frédéric Tremblay devait réapparaître, cette nouvelle technique de thérapie cellulaire serait certainement une « option intéressante », croit la Dre Jamal. Une avenue qui pourrait un jour être utilisée pour des cancers du côlon ou du sein, espère-t-elle.

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