Philanthropie

Donner aux plus riches

Le Québec est la province qui accorde les crédits d’impôt les plus généreux à ceux qui donnent. L’ensemble des contribuables paie donc pour encourager la tranche la plus riche de la société à donner à ses causes préférées et en retirer tout le crédit. Doit-on continuer dans cette voie ?

La question se pose, alors que le gouvernement Marois vient d’augmenter encore l’aide fiscale aux donateurs dans le secteur de la culture. C’était une des principales recommandations du groupe de travail sur la philanthropie culturelle au Québec. Le groupe était composé de représentants du monde des affaires, dont Pierre Bourgie, un des grands mécènes du Québec, et Sophie Brochu, présidente et chef de la direction de Gaz Métro.

C’est pourtant au Québec que les crédits d’impôt sont les plus généreux, puisqu’ils permettent de récupérer près de la moitié des dons de 200 $ et plus. Récemment, le gouvernement québécois a bonifié ce crédit d’impôt pour les premiers dons au secteur culturel. Un don de 5000 $ ne coûtera que 1162 $ et un don de 25 000 $ reviendra à 6519 $ avec l’aide fiscale bonifiée.

Les plus riches de la société devraient-ils être ainsi encouragés par l’ensemble des contribuables à faire des dons qui augmentent leur notoriété et qu’ils feraient peut-être de toute façon ?

C’est une question légitime en cette période de détresse budgétaire. L’aide fiscale aux dons coûte chaque année 185 millions au trésor québécois.

Pour avoir beaucoup réfléchi à cette question, le professeur Comeau pense que ce n’est pas cher payé pour tisser des liens sociaux précieux. « La philanthropie fait en sorte que des liens de confiance s’établissent dans la société, dit-il. Sans ça, c’est chacun pour soi dans la société, et je n’aimerais pas vivre dans cette société-là. »

Donner rend heureux

Les Québécois donnent par compassion, parce qu’ils croient à une cause ou parce qu’ils désirent contribuer à la société. Dans cet ordre, selon Statistique Canada et l’Institut de la statistique du Québec.

Seulement 16 % des donateurs disent que leur générosité est motivée par les crédits d’impôt.

Des scientifiques ont déjà établi que donner rend heureux et réduit le stress. Il y a toutes sortes de bonnes raisons pour donner, mais la principale est aussi la plus simple, selon le financier Stephen Jarislowsky. « C’est parce qu’on a trop d’argent, c’est tout », dit-il.

Seuls les « fanatiques » auront toujours besoin de plus d’argent pour consommer davantage, selon lui. « Moi, je donne parce que j’ai trop d’argent », admet-il sans ambages.

Stephen Jarislowsky et sa femme Gail sont des philanthropes bien connus à Montréal pour leur contribution au secteur de l’éducation, aux arts aussi.

Ce n’est pas le genre de Stephen Jarislowsky de vouloir avoir son nom sur un édifice, mais il réclame les crédits d’impôt auxquels ses dons lui donnent droit.

« J’ai peut-être trop d’argent, mais j’estime qu’il y en a déjà beaucoup trop qui va au gouvernement », dit-il.

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