Chronique

Le temps des surplus

Le gouvernement péquiste de Pauline Marois a terminé son ménage préélectoral en annonçant hier la conclusion d’une entente d’approvisionnement énergétique à long terme avec Alcoa. Le producteur d’aluminium continuera de profiter de tarifs préférentiels pour une quinzaine d’années, soit le temps estimé qu’il faudra à Hydro-Québec pour écouler ses abondants surplus d’électricité.

Depuis que le gouvernement Marois a dévoilé sa politique économique, en octobre dernier, il était écrit dans le ciel qu’il était condamné à reconduire son entente d’approvisionnement en électricité à tarif préférentiel avec Alcoa, qui menaçait de fermer ses trois alumineries au Québec et de mettre un terme aux 3000 emplois qui s’y rattachent.

Dans sa politique économique, le gouvernement a décidé d’utiliser les surplus d’Hydro-Québec comme levier pour attirer de nouveaux investissements industriels en offrant aux entreprises énergivores des tarifs d’électricité préférentiels, inférieurs au tarif moyen exigé aux grandes entreprises.

Les nouveaux venus allaient donc pouvoir profiter des avantages tarifaires dont bénéficiaient les alumineries depuis une trentaine d’années alors que ces dernières seraient contraintes de payer, à partir de 2015, le tarif L, ce qui n’avait pas de sens dans le contexte actuel.

Un contexte radicalement modifié

On le sait, les alumineries ont profité durant une trentaine d’années d’ententes secrètes qui leur assuraient des tarifs d’électricité préférentiels modulés en fonction du prix mondial de la tonne d’aluminium.

Ces ententes ont été renégociées en 2008 lorsque le prix de la tonne d’aluminium a atteint un sommet historique à 3300 $US.

Le gouvernement libéral avait alors obtenu que les alumineries acceptent de se soumettre, à partir de 2015, au tarif L, soit le tarif moyen de 4,6 cents le kilowattheure que paient les grandes entreprises. Sur papier, il s’agissait d’une grande victoire.

Depuis 2008, beaucoup d’eau a coulé dans les barrages d’Hydro-Québec, et le contexte d’apparente opulence dans lequel semblaient évoluer les alumineries n’est plus du tout le même qu’il y a six ans.

Parallèlement, l’omnipotence d’Hydro-Québec a été considérablement réduite par un nouvel environnement tarifaire mondial nettement plus concurrentiel.

Non seulement la crise de 2008-2009 a-t-elle  fait totalement basculer la demande mondiale et les prix de la tonne d’aluminium, mais encore les coûts de production ont subi une importante pression à la baisse dans de nombreux pays où les prix de l’énergie sont devenus plus avantageux qu’au Québec.

De 3300 $US, le prix de la tonne d’aluminium est tombé jusqu’à 1200 $US pour se maintenir aujourd’hui aux alentours de 1850 $US.

De passer d’un prix de 2,8 cents le kilowattheure à 4,6 cents en 2015 aurait constitué un choc tarifaire trop violent pour Alcoa, m’expliquait hier Martin Brière, PDG d’Alcoa Canada Groupe Produits primaires, qui accueille avec soulagement le dénouement des négociations.

Des négos convenues

L’entente avec Québec va permettre à la multinationale de continuer de profiter d’un tarif préférentiel – inférieur au tarif L – jusqu’en 2030 pour ses alumineries de Bécancour et Deschambault et jusqu’en 2036 pour ses installations de Baie-Comeau.

Le prix du kilowattheure sera toujours modulé en fonction de celui de la tonne d’aluminium, mais il est prévu que l’ascenseur remonte plus rapidement qu’il ne le faisait, advenant un raffermissement des prix du métal.

Ainsi, en 2008, alors que le prix de l’aluminium atteignait des sommets historiques, les alumineries payaient tout de même un tarif inférieur au tarif L. Ce ne sera plus le cas. Selon la nouvelle entente, le rattrapage se fera plus rapidement.

Québec a décidé d’utiliser les importants surplus d’Hydro-Québec pour satisfaire les demandes d’Alcoa, le calcul étant que ces surplus disparaîtront à peu près au moment où se terminera l’entente avec l’aluminerie.

De son côté, Alcoa a confirmé qu’elle ne procédera pas à la modernisation de ses installations à Baie-Comeau, où elle s’était engagée à investir 1,2 milliard pour hausser sa production annuelle de 300 000 à 450 000 tonnes.

« La demande mondiale n’est tout simplement plus au rendez-vous. On est dans un processus de réduction de production dans toutes nos installations à travers le monde », déplore Martin Brière.

À titre de consolation, la fonderie de Baie-Comeau va augmenter considérablement sa production de feuilles d’aluminium destinées aux grands manufacturiers automobiles américains. On va doubler à 200 000 tonnes la quantité d’aluminium transformée sur place.

À quelques jours du déclenchement d'élections générales, il n’était pas question que le Parti québécois laisse en plan quelque 3000 emplois hautement rémunérés en région. Il faut maintenant s’attendre à ce qu’une entente semblable à celle d’Alcoa soit annoncée pour l’aluminerie Alouette, à Sept-Îles.

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