Surf des neiges

Les Grondin : saut de puce en Corée

Bokwang — Jean-Francis Grondin admet volontiers qu’il n’est pas un grand voyageur. Il a déjà fait un voyage tout inclus dans les Caraïbes avec sa blonde, il est déjà allé aux États-Unis en auto. Il était toutefois prêt à se rendre à l’autre bout de la planète pour encourager son fils qui vivait, hier, son baptême olympique.

À 16 ans, Éliot Grondin est l’athlète masculin le plus jeune de la délégation canadienne en Corée. Il participait hier à l’épreuve de snowboard cross. Il a été éliminé dès les huitièmes de finale. Mais le résultat importait peu.

Encore sous l’effet de l’adrénaline, M. Grondin a accepté de nous rencontrer au bistro de son hôtel, quelques heures après le passage éclair de son fils sur la piste olympique. Le petit établissement, surmonté d’un écriteau en coréen, est situé à un kilomètre du site de compétition, juste après un restaurant de poulet BBQ, où des haut-parleurs diffusent de la musique pop dans la rue.

« On a réservé à la dernière minute. On aurait préféré séjourner en ville, à Gangneung, mais tout était plein. On est bien, mais j’ai cherché longtemps des œufs pour déjeuner dans le quartier. »

Il est arrivé il y a trois jours à peine. Il est accompagné de son fils Ismaël, 18 ans. « On est encore sous l’effet du décalage horaire. Il est très fatigué. » Ils quitteront la Corée dès dimanche, après un séjour de moins d’une semaine. Un saut de puce au pays du matin calme.

« C’est court, mais je voulais absolument voir Éliot. C’était important d’être ici sur place pour soutenir mon fils. Je sentais qu’il en avait besoin. Je voulais être ici. Je pense qu’il l’a apprécié. Il ne me l’a pas dit, on est des gars, on ne se le dit pas, mais je sens qu’il était content. Ismaël a lui-même demandé de venir. On se tient compagnie. »

— Jean-Francis Grondin, père d’Éliot

Ils ont croisé Éliot à peine 15 minutes la veille de la compétition. Ils ne l’avaient pas vu depuis la mi-janvier. L’athlète a depuis participé à des Coupes du monde en Turquie, en Bulgarie, en Allemagne. « C’étaient des retrouvailles. On assistait à son entraînement et on a pu lui parler de l’autre côté de la clôture. C’est compliqué de rencontrer des athlètes et ça fait bizarre quand c’est ton fils. Je voulais savoir comment il allait, comment il se sentait. Il n’était pas stressé, il semblait même zen. »

Jean-Francis Grondin, lui, était nerveux comme jamais. Sur Facebook, il a publié une photo de ses billets pour les Jeux : « Demain, c’est le grand jour ! »

« Je n’ai pas bien dormi. À 2 h, je me suis réveillé. J’ai à peine dormi une heure ou deux après. On pensait qu’il ferait les Jeux un jour, mais pas à 16 ans, c’est vraiment capoté ! »

Sous un soleil éblouissant, M. Grondin s’est installé dans la première rangée des gradins, a déroulé un drapeau du Canada et a regardé son fils vivre son rêve. « En dedans, j’avais un stress incroyable, mais ça ne paraissait pas. Éliot a bien descendu dès le début, ça m’a rassuré. L’ambiance était vraiment géniale. »

Le planchiste de Sainte-Marie, en Beauce, a pris part à deux manches de qualifications afin d’établir son rang de départ. En huitièmes de finale, il était quatrième de la septième vague. Son expérience a pris fin rapidement avec une chute, en bas de parcours. Il n’a pu franchir le fil d’arrivée et a été d’emblée éliminé.

« Ça se déroulait bien jusqu’à ce que je fasse une erreur parce que j’allais trop vite, mais je suis quand même content de ne pas m’être fait mal et d’être ici en ce moment, a dit Grondin après la course. J’ai eu un bon départ, ce qui m’a surpris d’être en avant en partant. J’ai essayé de garder le momentum, je me suis fait dépasser à quelques endroits. J’arrivais avec plus de vitesse que les autres. » Il s’est retrouvé en fâcheuse position dans les airs. « Sur le coup, je n’étais pas trop sûr de ce qui se passait. Je ne savais pas trop j’étais où dans les airs. Ma tête n’a pas cogné par terre, je suis content, j’aurais pu me faire vraiment mal. »

À chaque descente, le cœur de son père faisait trois tours. « Je souhaitais vraiment qu’il accède aux quarts de finale. Lui aussi, je crois. Il ne l’a pas encore fait, mais ça a passé proche. Il a vraiment travaillé fort, il a eu un bon départ. Il n’était pas loin. Avant qu’il tombe, il est rentré dans sa position pour avoir l’intérieur sur le Russe. Puis la bosse est arrivée trop vite. L’expérience de course manque et peut-être aussi 10-15 lb de muscles. Les gars, ce sont des hommes. On le voit à leur carrure. D’ici deux ans, Éliot devrait être plus fort. »

À 10 000 km de là, dans un rassemblement organisé au mont Orignal, au sud de Québec, Mélanie Turcotte savourait le moment. Exploitant une garderie en milieu familial, elle ne pouvait se libérer. Elle a regardé la compétition sur grand écran. Même le premier ministre Philippe Couillard était de la partie.

« Éliot n’avait rien à perdre, tout à gagner, nous a-t-elle dit, au bout du fil. C’est du bonbon pour lui d’être aux Jeux. Je voulais simplement qu’il soit content et qu’il finisse en un morceau, je crois que ça s’est bien passé. On a vu qu’il est prêt à jouer dans la cour des grands. Je lui ai parlé il y a quelques jours. Je lui ai juste dit de s’amuser. »

À la dernière minute

Éliot Grondin a appris à la dernière minute, le 30 janvier, qu’il ferait partie de l’équipe olympique. C’était inattendu. Il visait les Jeux de 2022 à Pékin. Nouveau membre de l’équipe de développement, il n’est pas encore dans l’équipe nationale. « Tout est allé vraiment vite, je n’ai pas encore réalisé que je suis aux Jeux olympiques. Ça devrait arriver bientôt je pense. Je suis content de l’expérience ici », a-t-il expliqué aujourd’hui.

Le jeune planchiste ne sentait aucune pression olympique. « Je suis resté fidèle à mon habitude. Je pars et je fais comme si c’était une descente d’entraînement. J’étais calme. Je ne suis pas quelqu’un qui me met beaucoup de pression dans la vie en général. C‘est l’fun, tout ce monde en bas qui applaudit, qui crie. » Il était content d’apercevoir, dans la foule, son père et son frère. Ils verront Éliot à l’aéroport où tous trois prendront le même vol vers la maison.

En principe, aucun membre de la famille ne devait être présent. « On n’avait pas les sous », dit M. Grondin, qui travaille dans l’entrepôt d’un fabricant de robinetterie. « On a reçu de l’aide des gens du coin. Le billet d’avion d’Ismaël a été offert par ses grands-parents. » Avant de faire les valises, il fallait d’abord remplir tous les papiers d’inscription, les formulaires d’autorisation. « Comme Éliot est mineur, il y a toute une procédure à suivre. Aux Jeux, il a un tuteur. » Le médecin de l’équipe, le Dr Rodney J. French, joue ce rôle. « C’est son père pendant les Jeux », dit M. Grondin en riant.

Éliot Grondin est bien conscient qu’il est le plus jeune en piste. « Ça ne me dérange pas. L’expérience va venir, ça va arriver vite. Dans les prochaines années, c’est moi qui serai en haut du podium. »

SURF DES NEIGES

Blessé, Baptiste Brochu déclare forfait

Baptiste Brochu, de La Baie, a subi deux microfractures au tibia gauche à l’entraînement. Il n’a pu prendre le départ de l’épreuve de snowboard cross. Après sa chute, il a été évacué en civière. Des tests d’imagerie médicale ont confirmé des fissures à deux endroits sur son tibia. « C’est beaucoup d’émotions. Je suis passé par une des pires journées de ma vie », a-t-il dit. L’équipe médicale de Snowboard Canada a rendu sa décision peu avant la séance de qualifications. « Je n’ai pas beaucoup dormi. » Sa saison est probablement terminée, a-t-il annoncé.

— Sophie Allard, La Presse

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