Opinion  Aéronautique

Faut-il s’inquiéter des subventions à Bombardier ?

Le 20 octobre dernier, le gouvernement du Québec annonçait l’octroi d’une subvention d’un milliard en faveur de Bombardier afin de soutenir la production du C Series. La Caisse de dépôt et placement du Québec a imité cette mesure le 19 novembre dernier en investissant 2 milliards dans Bombardier Transport.

Accueillies favorablement par une bonne partie de l’opinion publique et la classe politique, ces mesures de soutien posent certes des questions d’opportunité en temps d’austérité. Mais surtout, c’est leur légalité qui inquiète. Ni le gouvernement ni la Caisse de dépôt ne semblent s’être posé de questions à cet égard. Or, les subventions pourraient être illicites au regard des règles du commerce international et plus précisément celles de l’Accord sur les subventions et mesures compensatoires (SMC) de l’Organisation mondiale du commerce (OMC).

S’AGIT-IL DE SUBVENTIONS ?

Le gouvernement et la Caisse de dépôt soutiennent qu’il ne s’agit pas d’une subvention. Pourtant, Québec a annoncé le versement d’un milliard de dollars à l’entreprise, et un investissement de 2 milliards a été réalisé par la Caisse en l’échange de 30% des parts de Bombardier Transport. Pour l’OMC, il y a subvention lorsque deux conditions existent. Premièrement, il faut contribution financière du pouvoir public ou d’un organisme public. Cette contribution peut prendre la forme d’un transfert de fonds, comme dans le cas d’un prêt, d’un don ou encore d’une participation dans le capital social de l’entreprise. Deuxièmement, il faut qu’un avantage soit conféré. Considérant la situation financière de Bombardier et la mise en danger de la poursuite du projet C Series, on peut certainement penser qu’un avantage découle du transfert de fonds. Force est de conclure que nous sommes bien devant une subvention.

DES SUBVENTIONS ILLICITES ?

L’OMC ne condamne pas toute forme de subvention. Seules celles qui sont considérées comme spécifiques à une entreprise ou à certaines entreprises peuvent être contestées. Du fait que Québec et la Caisse de dépôt prêtent uniquement à Bombardier, il y a sans doute « spécificité ». En outre, pour être contestée, la subvention doit produire certains effets dommageables sur la concurrence internationale.

En l’occurrence, le versement de plusieurs milliards de dollars à Bombardier lui permettra de continuer son projet de C Series, tout en demeurant compétitif devant la concurrence étrangère.

Certes, Porter Airlines se dotera du C Series pour desservir l’aéroport Bishop de Toronto. Il n’en demeure pas moins que l’avion est destiné au marché mondial et entre en compétition avec d’autres projets de Airbus, Boeing ou Embraer.

RISQUE DE CONTESTATIONS ?

Tout État membre de l’OMC peut contester les subventions à Bombardier. Le Canada serait visé en raison des agissements de sa province. Les États atteints par les subventions pourraient alors adopter des mesures de rétorsion, rendant nul l’effet des mesures de soutien à Bombardier. Plus encore, ces États pourraient être tentés de poursuivre le Canada devant le juge de l’OMC pour obtenir sa condamnation.

Le gouvernement n’avait peut-être pas le choix d’aider Bombardier. De nombreux emplois sont en jeu et toute la grappe aéronautique du Québec se trouverait ébranlée par l’échec de Bombardier. Certes, le moment était bien mal choisi pour investir un montant aussi considérable dans l’entreprise privée, alors que les coupes dans le secteur public se multiplient. Mais surtout, il serait extrêmement malheureux que l’octroi des subventions à Bombardier par le Québec et la Caisse de dépôt ne puisse réellement produire son effet si dans les mois prochains, la compétition décide d’user des moyens juridiques à sa disposition pour réagir à un geste contraire aux règles du commerce international.

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