Éducation

La peur de décevoir

L’anxiété de performance est associée à la peur de se faire juger et d’échouer. Les enfants craignent de ne pas atteindre les attentes de réussite de leurs parents. Ils ont peur de les décevoir et cette anxiété se développe dès la petite enfance.

« Ça dépend du tempérament de l’enfant, certains naissent avec des fragilités anxieuses. Sur le plan familial, les causes possibles de l’anxiété sont liées à la discipline et aux exigences trop grandes des parents parfois perfectionnistes », explique Geneviève Marcotte, psychologue spécialisée auprès des enfants et auteure d'Incroyable Moi maîtrise son anxiété (éditions Midi trente). Les relations entre frères et sœurs peuvent créer certaines angoisses. « Si on a un frère qui se qualifie pour les Jeux olympiques, il est certain qu’il y aura une volonté de se démarquer. Ça peut entraîner de l’anxiété tout comme vouloir se comparer aux amis », poursuit-elle.

Une certaine inquiétude

Sandrine Dubois-Faubert a 12 ans. Elle vient d’entrer au secondaire au collège Sainte-Anne de Lachine, une école privée. Elle a intégré le programme DéfiSports où elle pratique intensivement de nombreuses disciplines comme l’escalade, la plongée sous-marine et le volleyball… Pour réussir à intégrer le programme, elle a dû passer un test d’admission de culture générale ainsi qu’un test d’aptitudes sportives. « J’étais stressée par le test écrit. Je suis entrée dans une grande salle avec des gens que je ne connaissais pas, j’ai ressenti une certaine inquiétude, c’est vrai. Mes parents m’ont dit de faire de mon mieux, mais je savais que je devais réussir cet examen pour entrer dans l’école de mon choix. » Depuis la rentrée, Sandrine a rapidement remarqué que le secondaire est beaucoup plus strict. « J’ai beaucoup plus de devoirs qu’au primaire et je dois déjà me surpasser côté sport. J’ai un défi : courir 5 km en moins de 32 minutes. » Sandrine souhaite faire aussi bien que sa sœur, voire mieux. « Ma sœur est en 3e secondaire à la même école en concentration danse. Elle m’aide, mais j’ai envie d’avoir de meilleurs résultats qu’elle ! », s’exclame Sandrine.

La pression est-elle trop grande ? Même dans les activités parascolaires, la compétition règne. En natation, on se doit d’être Michael Phelps. Au cours de danse, on souhaite devenir une danseuse étoile. Au soccer, on veut être qualifié à la Coupe du monde. Il faut se dépasser et gagner constamment.

Marie-France a une fille de 11 ans qui vient de commencer son secondaire dans un collège privé de Montréal. Elle était plus stressée que sa fille lors des examens d’entrée. « J’étais très anxieuse alors que ma fille, qui a toujours eu de bonnes notes au primaire, avait une confiance quasi inébranlable. Je me disais que cet excès de confiance était peut-être de l’anxiété à l’envers ! »

« De plus en plus jeunes, les enfants sont aux prises avec la performance. Il existe des maternelles où on apprend deux ou trois langues et d’autres où il y a des examens d’entrée à 3 ou 4 ans ! Le jeu et la socialisation sont essentiels dans le développement d’un enfant. Il n’y a pas que le côté intellectuel », explique Geneviève Marcotte. Selon elle, les attentes des parents doivent être ajustées en fonction des enfants et de leurs capacités.

« Quand j’étais petite, mon père ne s’intéressait qu’à nos notes, à ma sœur et à moi. Tout ce qui était important à ses yeux, c'était la réussite scolaire. J’étais une bonne élève à l’école, mais j’étais anxieuse, je devais réussir. Aujourd’hui, comme mère de deux enfants de 5 et 10 ans, je fais très attention à ne pas mettre l'accent que sur la performance scolaire », confie Pascale, 38 ans.

Ces « enfants agendas »

« L’enfant doit avoir d’autres sources de valorisation que simplement la réussite scolaire ou sportive, ce qui contribue au stress et à l’anxiété. Les parents doivent penser au développement de l’estime de soi de leur enfant », juge Nadia Gagnier, psychologue spécialisée en troubles de l’anxiété. Elle voit dans son cabinet des familles à la limite du burn-out. « Le phénomène des "enfants agendas" existe. Ce sont des jeunes qui sont surchargés et qui font 1001 activités et qui doivent être performants. Il y a même des conflits d’horaire dans la famille parce qu’il faut être en même temps au cours de gymnastique de la petite et au tournoi de soccer du plus grand à l’autre bout de la ville. Et ils n’ont plus le temps de manger ! Si ça, ce n’est pas stressant, alors que le but de ces activités était de s’amuser, ça devient angoissant », avance Nadia Gagnier.

C’est la rentrée, il est temps de dresser un bilan. « Posez-vous les questions : est-ce que l’horaire de mes enfants est bien équilibré ? Est-ce que moi-même, je suis perfectionniste et obsédée de performance ? Quelle réaction ai-je devant l’échec ? On voit bien qu’il y a plus de problèmes liés au stress. On est dans une société où tout doit se faire plus vite et où on cherche toujours plus d’efficacité », estime la psychologue Nadia Gagnier.

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