ÉLECTIONS MUNICIPALES 2017 CHRONIQUE

Et maintenant ?

Les élections municipales montréalaises ont été historiques par leur dénouement spectaculaire, la victoire de Valérie Plante à laquelle personne ne croyait il y a à peine un mois, et le fait que le 45e maire de Montréal sera, pour la première fois, une mairesse.

Cela ne fait pas pour autant une bonne nouvelle pour la métropole. Cette campagne électorale a permis de découvrir Valérie Plante, son énergie, sa détermination, ses talents politiques manifestes, tout comme sa courbe d’apprentissage impressionnante pour maîtriser avec autorité des dossiers complexes.

Mais l’apprentissage n’était pas terminé. À mon avis, Valérie Plante n’était pas prête à prendre le pouvoir.

Le scénario idéal aurait été que Denis Coderre qui, malgré tous ses défauts, a été un excellent maire, puisse obtenir un second mandat et terminer ce qu’il avait entrepris, en sachant que la nouvelle venue dirigerait une opposition forte tout en se préparant à assurer la relève.

On doit se demander pourquoi Denis Coderre a perdu et pourquoi Valérie Plante l’a emporté. Mais il faut aussi se demander quelles seront les conséquences de sa victoire.

Voici, selon moi, trois grandes inconnues qui entourent son arrivée à l’hôtel de ville.

Un parti de gauche

La première, c’est que Projet Montréal est un parti de gauche. Il s’agit donc d’une première grande victoire pour la gauche au Québec. On en a très peu parlé en campagne, sauf avec les allusions répétées de Denis Coderre à Luc Ferrandez. Mais n’oublions pas que le parti provincial qui a le plus applaudi à la victoire de Valérie Plante, c’est Québec solidaire. Amir Khadir, dimanche, s’est exclamé : « Ce soir, Montréal a tourné le dos à la vieille classe politique. Prochaine étape : le Québec ! Bravo Valérie, mettons-nous au travail ! » N’oublions pas non plus que c’est la gauche du parti qui a permis à Mme Plante de prendre la direction de Projet Montréal.

Si vous avez le cœur à gauche, c’est une excellente nouvelle. Mme Plante arrivera au pouvoir avec la créativité de Projet Montréal, ses idées pour la ville.

Mais elle devra aussi tenir compte des limites d’un mandat qui reste fragile : 51,4 % des 42,11 % des citoyens qui se sont exprimés, ça donne des appuis réels de 21,64 %. En campagne, elle a fait preuve d’une modération qui, on l’espère, se reflétera dans la composition de son comité exécutif.

Cet esprit de gauche, on l’a vu avec sa promesse phare, la ligne rose, qui incarne le droit au rêve. Mais cette promesse, au-delà de ses très sérieuses imprécisions, repose sur un grand mensonge. « La fenêtre d’opportunité est ouverte, l’argent est là », a-t-elle encore répété dimanche soir dans son discours de victoire. C’est faux. On n’arrive pas à voir comment Ottawa et Québec, qui paieront la note, auront encore des milliards à réserver à Montréal après avoir financé les deux grands projets déjà prévus pour la métropole, le REM et le prolongement de la ligne bleue.

L’économie

La deuxième grande inconnue, c’est l’économie, un thème dont Mme Plante a peu parlé et qu’elle ne maîtrise pas, sauf sur un mode très micro, avec des allusions aux commerces de quartier ou aux petites entreprises. Cela pose problème à deux niveaux.

D’abord, comment l’expérience de Projet Montréal, une logique d’arrondissement, va se transposer au niveau de la ville et de la métropole ? Quel sera l’impact d’une culture de consultation, de réglementation, parfois d’obstacles – la façon de fonctionner du Plateau n’est pas une légende urbaine – sur une activité économique qui a besoin de prévisibilité ?

Mais plus profondément, le succès économique d’une ville a quelque chose d’insaisissable. Au-delà du béton, de l’acier et de l’argent, il dépend d’une dynamique fragile, tributaire des perceptions, du climat, des réseaux, un écosystème que Mme Plante ne connaît pas et que son arrivée perturbe. Le succès repose aussi sur des enjeux stratégiques, comme la recherche ou l’enseignement supérieur, qui ne sont pas sur son radar.

La proximité

Le troisième élément, c’est l’envers de ce qui a été au cœur de la campagne de Valérie Plante : la proximité. En voulant parler aux gens de ce qui les préoccupe, elle a beaucoup moins parlé de ce qui ne les intéresse pas. C’est particulièrement vrai pour la question, centrale, du pouvoir de la métropole.

L’influence d’un maire de Montréal, indispensable pour réussir, ne vient pas de façon automatique avec la fonction, comme l’a montré Gérald Tremblay. Elle nécessite des outils, comme le statut de la métropole, pour lequel Mme Plante n’a pas manifesté d’intérêt.

Il tient au poids de la Communauté métropolitaine, que préside le maire de Montréal, une fonction à mille lieues de l’expérience de Mme Plante. Il vient de l’alliance Montréal-Québec tissée entre M. Coderre et Régis Labeaume, qui risque de ne plus être aussi solide. Il tient aux rapports de force avec Ottawa et Québec, qui seront plus difficiles à établir parce que la mairesse n’a pas d’atomes crochus avec le gouvernement Couillard et encore moins avec la Coalition avenir Québec.

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