Festival d’été de QUébec
Ne jamais sous-estimer Éric Lapointe
La Presse
QUÉBEC — On le tient pour acquis. Éric Lapointe, une bête de scène. Une formulation convenue dont il ne faudrait pas oublier le sens.
Hier soir, il a fait regretter aux organisateurs du Festival d’été de Québec de l’avoir programmé sur le site du parc de la Francophonie d’une (beaucoup) trop petite capacité de 10 000 personnes. Les milliers de gens qui n’ont pu entrer étaient invités à regarder une rediffusion du spectacle sur un écran géant. La leçon à retenir : ne jamais sous-estimer Éric Lapointe.
Devant lui, une foule compacte, bruyante et festive…
comme un , pour reprendre les mots de Lapointe. Derrière lui, ses fidèles musiciens, son « vieux frère » guitariste Stéphane Dufour, un quatuor à cordes, une section de cuivres et sa choriste Rosa Laricchiuta, ancienne participante de .Éric Lapointe a fait son entrée en écrasant une cigarette pour chanter
.La voix rauque, il a enchaîné avec la puissante
, pièce où l’« indomptable » Lapointe s’avoue vaincu face à ses vices.Il a enlevé son veston pour empoigner une guitare et a expliqué avoir « monté un nouveau show sans nouvel album » grâce à son répertoire de plus de 100 chansons.
Il a alors interprété sa jolie ballade méconnue
, tirée de son album symphonique enregistré avec l’OSM sorti en 2011.« Êtes-vous lààààààààà ? », a-t-il beuglé ensuite avant de s’époumoner sur
.Éric Lapointe a interprété beaucoup de ballades hier soir, dont
et . Le rock a repris sa place plus tard, notamment avec la sulfureuse et .Éric Lapointe a aussi accueilli sur scène Travis Cormier, son protégé de la dernière saison de
, avec qui il a interprété de Bon Jovi.Quelques heures avant de monter sur scène hier, le rocker a accepté de se remémorer avec
des faits saillants de sa carrière. Notre entrevue a eu lieu après que les deux fils d’Éric, fraîchement débarqués à Québec avec leur grand-mère, lui sautent dans les bras. C’est par ailleurs au Festival d’été de Québec que Lapointe a saisi l’ampleur de son succès en 1994. Comme hier soir, les spectateurs ont chanté spontanément par cœur les paroles de . Mais remontons encore plus dans le temps...« J’avais 9 ans. À l’époque, on encerclait ce qu’on voulait pour Noël dans le catalogue Sears. Depuis l’âge de 5 ans, je faisais des shows pour ma famille. Je faisais aussi du lip-sync et j’avais encerclé une guitare en plastique. Mon père en a acheté une vraie et ce fut le début d’une histoire d’amour. Écrire des chansons a toujours été un besoin. Cela me fait du bien. »
À Sherbrooke, Lapointe a 15 ans quand il décroche un contrat pour jouer des reprises (Aznavour, Beau Dommage, Cabrel) dans un restaurant. Il part ensuite en voyage dans l’Ouest canadien et en Europe. À son retour, il se met à militer activement pour le Parti québécois et il rencontre Yves-François Blanchet, son futur imprésario et président de l’ADISQ (et futur ministre de l’Environnement au sein du gouvernement de Pauline Marois). « Je m’en souviendrai toujours. Je suis débarqué chez lui avec ma guitare et un sac de plastique avec un paquet de feuilles. C’était en 1991. »
Ensuite, Éric Lapointe a donné un spectacle produit par Blanchet dans une ancienne salle de la rue Jean-Talon appelée L’intro. « La foule était en délire », raconte-t-il. Le mot se passe. Rapidement, Lapointe obtient un contrat d’album pour la sortie d’
, dont le premier extrait est . « Un succès instantané. »« J’ai été emporté par un tourbillon », raconte Éric Lapointe. C’est l’été suivant, en 1994, au Festival d’été de Québec, qu’il saisit l’ampleur de son succès. « J’arrive ici avec Stéphane Dufour [son fidèle guitariste]. Nous n’avons même pas de chambre d’hôtel. On jouait dans un petit bar passé les portes appelé le Café Blues. Devant le Capitole, il y a une file d’attente. On approche, et je dis à mon gérant : ça va être plein. » Yves-François Blanchet lui répond : « Es-tu fou ? C’est déjà plein. Il y a 500 à 600 personnes qui ne peuvent pas rentrer. »
Quelques jours plus tard, plus de 30 000 personnes viennent le voir aux FrancoFolies. En 1996, Éric Lapointe a aussi eu la chance d’assurer deux premières parties des Rolling Stones à Paris. « Les Stones décident qui ouvrent », rappelle-t-il.
Lapointe a sorti sept albums. Il est le premier artiste québécois francophone masculin à avoir franchi le cap du million d’exemplaires vendus au Québec. « Je fais des disques pour monter sur scène, souligne Lapointe. C’est ma force et c’est là que les chansons prennent vraiment vie. Il y a l’adrénaline… la chimie avec la foule. Pour comprendre un artiste, il faut le voir sur scène. »
Il y a deux chansons que l’auteur-compositeur tient à interpréter à chacun de ses spectacles. La très « symbolique »
et , « ma préférée dans tout ce que j’ai fait ».Éric Lapointe se prépare par ailleurs à une session d’écriture intense, cet automne, en vue d’un huitième album qui pourrait sortir au cours de la prochaine année.
« Au départ, cela me faisait extrêmement peur. Mes affaires allaient bien et j’avais tout à perdre. Je ne voulais pas être démystifié, raconte Éric Lapointe.
a changé la perception qu’une partie du public avait de moi. Celle du rocker bourru alcoolique. Dans mes shows, je vois des nouveaux visages. Beaucoup de jeunes, mais aussi des gens âgés […]. Finalement, je suis content de m’être frotté à une aussi grosse machine et d’avoir rencontré autant de talent. Cela me reconnecte au feu sacré du métier avec des jeunes artistes qui ont faim. »Le feu sacré, Éric Lapointe l’avait hier soir au Festival d’été de Québec. À 23 h, il lui restait huit chansons de son généreux programme festivalier de 27 chansons.