Environnement

Toutes les bouteilles consignées dès 2022

Verre, métal, plastique, carton : tous les contenants de boissons prêtes à boire sont visés. Le plan du gouvernement Legault s'attire des louanges, mais suscite aussi des réserves.

Environnement

« Des normes du XXIe siècle »

Qu’ils soient faits de verre, de métal, de plastique ou de carton, tous les contenants de boissons prêtes à boire seront consignés au Québec à compter de 2022. Objectif : augmenter le taux de récupération de ces contenants qui se retrouvent bien souvent dans les dépotoirs à l’heure actuelle.

« L’année de l’environnement »

Le gouvernement Legault a dévoilé un plan de consigne élargie jeudi, en marge d’une réunion du caucus caquiste pour préparer la rentrée parlementaire. « Ce qu’on veut, c’est marquer le pas. L’année 2020, pour le gouvernement de la CAQ, ce sera l’année de l’environnement », a lancé le premier ministre François Legault. L’élargissement de la consigne, « c’était une demande qui était faite depuis longtemps, il y a beaucoup de gouvernements qui se sont essayés, mais il y a toujours des groupes de pression qui s’y opposent, mais on y a résisté. On y a résisté parce que c’est le souhait de la population de vivre enfin avec les normes qu’on devrait se donner au XXIe siècle », a-t-il ajouté. En plus d’augmenter le taux de récupération des contenants visés, la mesure fera en sorte d’améliorer la qualité des matières récupérées dans les centres de tri. À l’heure actuelle, la présence de bouteilles de toutes sortes dans le bac bleu accroît la présence de contaminants dans le papier, ce qui diminue sa valeur de revente.

La responsabilité de l’industrie

Le déploiement du réseau de récupération est confié aux entreprises concernées, du fabricant au détaillant, une mesure généralement bien accueillie par le milieu. Les entreprises qui mettent en marché les contenants de boisson « auront la responsabilité financière, opérationnelle et communicationnelle » du nouveau système à travers un organisme reconnu par RECYC-QUÉBEC. Elles auront un an pour déposer un plan de déploiement de la consigne. « Ce plan devra proposer un réseau accessible et efficace de récupération présent sur tout le territoire », accessible à la population, précise le gouvernement. Les entreprises devront s’assurer que 75 % des contenants consignés seront récupérés et recyclés en 2025 et que 90 % de ces contenants le seront en 2030. Elles subiront des pénalités si elles n’atteignent pas les cibles.

Le financement du système

Québec s’attend à ce que la consigne représente 437 millions de dollars par année. Comme on prévoit qu’une part des contenants ne seront pas retournés par les consommateurs (25 % en 2025 et 10 % en 2030), il calcule que les sommes qui ne sont pas remboursées serviront à mettre en place le système. On parle de 110 millions environ au départ et de 43,7 millions à compter de 2030. Une part de ces sommes sera utilisée pour mieux financer la collecte sélective et compenser les centres de tri pour la perte de matières.

L’Association canadienne des boissons dit avoir « quelques réserves » avec le concept des centres de dépôt « en raison des coûts engendrés », dit le porte-parole Martin-Pierre Pelletier. Ailleurs au pays, des frais de manutention sont imposés en plus de la consigne pour financer la récupération. « On pense que c’est quelque chose qui devra être envisagé », dit M. Pelletier. Le Ministère a d’ailleurs indiqué jeudi qu’il était « possible que des frais de quelques sous par contenant, pouvant varier de 0,01 $ à 0,03 $ selon le type de contenant, soient appliqués par les producteurs ».

Les détaillants et restaurateurs s’inquiètent

Si l’annonce a réjoui les municipalités, aux prises avec des centres de tri qui débordent, les détaillants et restaurateurs ont manifesté leur inquiétude pour la gestion de tous ces contenants consignés. « Le gouvernement nous demande de devenir des centres de tri, le tout dans un environnement alimentaire », a déploré jeudi l’Association des détaillants en alimentation du Québec (ADA). Celle-ci annonce qu’elle collaborera au plan de déploiement « pour s’assurer que les détaillants ne soient pas floués ».

Les restaurateurs, de leur côté, sont particulièrement préoccupés par la gestion des bouteilles de vin vides si elles ne sont pas reprises par la SAQ. Pour Louise Hénault-Éthier, de la Fondation David Suzuki, « il faut absolument qu’il y ait un très grand souci de dispersion équitable [des lieux de collecte] sur le territoire pour simplifier la vie des consommateurs », dit-elle. Même préoccupation chez l’Association canadienne des boissons, dont certains produits sont déjà consignés. « On parle maintenant d’un plus grand volume de contenants consignés. Faudra-t-il augmenter la fréquence des collectes en magasin ? Est-ce que l’ajout de centres de dépôt est la solution pour soulager les détaillants ? », se demande son porte-parole, Martin-Pierre Pelletier.

« C’est nébuleux »

Plastrec, le plus gros recycleur québécois de plastique destiné au secteur alimentaire, s’est montré sceptique devant le plan. L’entreprise de Joliette, qui achète sa matière première auprès des centres de tri, se demande si elle aura accès aux bouteilles consignées, et comment les centres vont composer avec cette baisse de revenus. « Les dépôts vont fonctionner comment ? On n’en a pas la moindre idée. La matière première va aller où ? C’est nébuleux », a fait valoir le vice-président directeur général de Plastrec, Louis Robitaille, en entrevue à La Presse jeudi matin. L’entreprise n’est pas convaincue par l’idée de mandater un gestionnaire de consigne. « C’est déjà comme ça et ça ne fonctionne pas pour la totalité de l’industrie, pour ceux qui sont transformateurs ! », déplore la directrice des ventes et achats de Plastrec, Jennifer Dubé. Actuellement, la grande majorité des bouteilles de boisson gazeuse en plastique consignées rapportées par les consommateurs aboutissent dans un même centre, et les embouteilleurs qui en sont propriétaires décident à qui cette matière récupérée sera revendue.

À qui le plastique ?

Boissons gazeuses environnement (BGE), l’organisme qui gère la consigne des boissons gazeuses, ne sait pas si c’est lui qui aura le mandat des futurs contenants consignés, ni comment ce sera organisé « On ne sait pas encore où ça va aller, donc c’est difficile de déterminer quels vont être les propriétaires de la matière », dit le président de BGE, Normand Bisson. Mais dans le système actuel, « il n’y a aucune place où ça dit que c’est interdit à quelqu’un de faire une proposition », dit-il. Plastrec compte continuer à acheter des centres de tri québécois puisque plusieurs contenants de polyéthylène téréphtalate (ou PET, entrant dans la fabrication de bouteilles d’huile d’olive, de pots de beurre d’arachide, etc.) ne seront pas consignés. Mais M. Robitaille s’inquiète de voir ses fournisseurs privés d’une partie de leur matière et, donc, de leurs revenus. « Le prix du ballot qu’ils vont avoir ne sera certainement pas le même parce qu’il n’aura pas le même contenu », prévoit-il.

La SAQ désormais « enthousiaste »

Longtemps opposée à une consigne sur les bouteilles de vin et de spiritueux, la Société des alcools du Québec (SAQ) se dit maintenant « enthousiaste ». Présente à l’annonce, sa présidente Catherine Dagenais a soutenu que « la population est rendue là » et qu’on ne peut plus continuer de « mettre nos trucs dans le bac pour se faire dire que ça va à l’enfouissement ». « Ça fait 30 ans qu’on travaille à récupérer le verre. On a réussi la récupération, mais force est de constater que le dernier mille, le plus important, le recyclage et la réutilisation du verre, ce n’est pas un succès. On est à 30 % de la matière qui est recyclée. Alors on doit penser à autre chose », a-t-elle affirmé.

La nouvelle consigne en bref

Quoi ?

La consigne actuelle de 0,05 $ sur les bouteilles de bière et de boisson gazeuse de même que sur certaines canettes en aluminium reste en vigueur. Québec l’élargira à tous les contenants de boisson prête à boire de 100 millilitres à 2 litres, qu’ils soient en plastique, en verre, en métal ou en carton. Plus de quatre milliards de contenants seront désormais consignés chaque année, estime Québec.

Quand ?

La consigne élargie entrera en vigueur progressivement à compter de 2022 (deux ans plus tard pour les contenants de type carton multicouche), soit après les élections générales. « C’est un peu plus loin, mais évidemment, il faut faire les choses dans l’ordre », a fait valoir M. Legault. D’ici là, et probablement dès cette année, des projets pilotes seront mis sur pied dans certaines municipalités pour tester le système.

Combien ?

La consigne sera de 0,25 $ pour les bouteilles de vin et de spiritueux et de 0,10 $ pour tous les autres contenants. Le consommateur devra payer cette consigne lors de l’achat d’une bouteille, somme qui lui sera remboursée lors du retour. « Évidemment, on vient d’une certaine façon ajouter au prix du produit, mais ce n’est pas un coût additionnel puisque c’est remboursable à 100 % », a souligné M. Legault.

Où ?

Un réseau constitué de points de récupération chez des détaillants et de 400 centres de dépôt sera déployé. On y retrouvera des « gobeuses » permettant de faire le tri des différents contenants. Les détaillants comme les épiceries et les succursales de la SAQ ne sont pas tous obligés d’avoir des gobeuses, a précisé Québec.

Consigne

Qu’est-ce qui changera ?

En réformant la consigne, Québec espère entraîner des changements majeurs dans la performance de notre système de recyclage, tout en ayant le moins d’impact possible sur le quotidien des citoyens. Voici ce qui pourrait changer.

Est-ce que les contenants seront davantage recyclés ?

« Moi, je dirais que oui », avance Louise Hénault-Éthier, chef des projets scientifiques à la Fondation David Suzuki. « J’ai la certitude qu’en triant à la source nos matières, on va atteindre un meilleur taux de recyclage », dit-elle, expliquant qu’en mettant les contenants de boissons dans le bac de récupération, comme c’est le cas à l’heure actuelle, les matières de bonne qualité se retrouvent mêlées à des matières de mauvaise qualité, ce qui les rend plus difficiles à recycler. « C’est le mode de récupération qui permet le plus haut taux de recyclage, partout à travers le monde », s’exclame Karel Ménard, directeur général du Front commun québécois pour une gestion écologique des déchets.

Où faudra-t-il apporter les contenants ?

L’industrie devra proposer un plan concret d’ici un an, mais Québec évoque la création de points de récupération chez des détaillants existants ou l’ouverture de centres de dépôts, comme il en existe en Nouvelle-Écosse et en Ontario, notamment. « Souvent, le point de dépôt, c’est la porte à côté du Liquor Store », illustre Louise Hénault-Éthier, qui a visité les installations de ces deux provinces. « C’est assez efficace, ça roule pas mal plus qu’à la caisse d’une épicerie », dit-elle. « Ça va vraiment prendre des lieux dédiés, avec équipements assez développés », ajoute Karel Ménard, qui « espère qu’on va sortir la consigne des dépanneurs ».

Les centres de tri sont-ils perdants ?

Tout dépend à qui on pose la question. Éco Entreprises Québec, l’organisme sans but lucratif qui représente les entreprises qui financent la collecte et le tri des matières recyclables, déplore que cette réforme privera les centres de tri de contenants ayant une bonne valeur de revente, alors que l’industrie est en crise. Mais Louise Hénault-Éthier pense plutôt que la réforme de la consigne soulagera les centres de tri en réduisant le volume de matières qu’ils reçoivent. « Ça va permettre un meilleur tri des matières qui vont rester dans le bac », dit-elle, se disant par ailleurs persuadée que Québec a pris en compte cet aspect dans l’élaboration de sa réforme du système de la collecte sélective, qui doit être annoncée dans quelques semaines.

Est-ce que cela permettra le recyclage au Québec ?

La réforme favorisera le développement d’une industrie québécoise du recyclage, croit Louise Hénault-Éthier. « C’est très simple : si vous avez une consigne, vous allez avoir des flux [de matières] très, très propres et purs, qui vont être très, très attrayants pour des recycleurs locaux », estime-t-elle. Mais il faut aussi que l’État impose un seuil minimal de contenu recyclé dans les produits neufs, notamment dans les plastiques, afin de stimuler la demande, dit-elle. « Ça n’a aucun bon sens que la résine vierge soit moins chère que la résine recyclée ! » Karel Ménard pense toutefois qu’il faudra du temps pour développer une telle industrie. « On importe de la matière de l’étranger, on la consomme ici, mais on ne la fabrique pas ici, dit-il. Il va falloir diversifier les marchés. »

Et les bouteilles de bière ?

Les bouteilles de bière produite ici font partie d’un système de consigne différent, celui des contenants à remplissage multiple. Ce système, entièrement privé, existe depuis 200 ans et affiche aujourd’hui un taux de récupération de 95 %. Il n’est pas concerné par la réforme annoncée par Québec, qui vise uniquement le système public de consigne sur les contenants à remplissage unique, comme les boissons gazeuses, les canettes de bière ou les bouteilles de bière importée. L’Association des brasseurs du Québec s’inquiète toutefois de l’impact que pourrait avoir sur elle la réforme de la consigne publique, dont elle tire aussi des revenus, explique son directeur général, Patrice Léger Bourgoin, évoquant les 837 millions de contenants de la consigne publique que ses membres ont récoltés, en 2018.

Actualités

Environnement Canada met le plastique sous haute surveillance

Près de 90 % du plastique utilisé au pays finit dans les sites d’enfouissement

L’utilisation massive du plastique par les Canadiens, plastique qui finit au dépotoir dans près de 90 % des cas, interpelle Environnement et Changement climatique Canada, qui recommande la réduction de son utilisation et lance un programme de recherche visant à mieux connaître son impact sur la santé humaine.

Le gouvernement est notamment préoccupé par les microplastiques, ces particules de plastique de 5 mm ou moins qui se retrouvent dans l’environnement, dont dans des produits de consommation courante.

« Des microplastiques ont été détectés jusque dans 93 % des échantillons d’eau embouteillée importée au Canada, note Environnement Canada. Dans le cas de l’eau du robinet, des microplastiques ont été détectées lors de certaines études. »

Quant aux macroplastiques, soit des particules de plastique de plus de 5 mm, le Ministère est d’avis qu’il « cause des dommages physiques aux animaux et à la faune ». Il recommande au gouvernement d’agir pour réduire à la fois les macro et microplastiques qui se retrouvent dans l’environnement.

« Nous savons que les macroplastiques causent des dommages physiques aux animaux et à la faune, et c’est pourquoi nous demandons à ce qu’il y ait une réduction de leur utilisation », a expliqué en point de presse Tariq Francis, évaluateur principal pour Environnement et Changement climatique Canada.

« Notre avis sur les microplastiques, c’est qu’il faut aussi réduire leur utilisation et privilégier l’approche de précaution en attendant que les études nous donnent l’heure juste. »

— Tariq Francis, évaluateur principal pour Environnement et Changement climatique Canada

Parmi les problèmes causés par le plastique, M. Francis note que des scientifiques ont observé un oiseau dont le tube digestif était obstrué par le bouchon d’une bouteille de plastique à usage unique, et qui en est mort. « Les scientifiques ont aussi récupéré une tortue de mer dont le tube digestif était rempli de divers objets de plastique entremêlés. Une fois le plastique retiré, la tortue a retrouvé la santé. »

Interdiction des plastiques à usage unique

Le gouvernement canadien pourrait s’appuyer sur ces recommandations pour réaliser son objectif d’interdire les plastiques à usage unique à partir de 2021 au pays.

Au Canada, moins de 10 % du plastique utilisé est recyclé et, sans changement dans leurs habitudes, les Canadiens jetteront pour 11 milliards de produits en plastique d’ici 2030. En 2016, 3,3 millions de tonnes de plastique ont été mises aux ordures – c’était une quantité 12 fois supérieure à la quantité de plastique qui a été recyclé. Environ le tiers du plastique utilisé au Canada sert à des fins d’emballage.

Un exemple de macroplastiques qui se retrouvent dans l’environnement peut être du plastique à usage unique qui n’est pas jeté à la poubelle. Du côté des microplastiques, il s’agit entre autres des matières plastiques qui se détachent des vêtements et se retrouvent dans l’eau lors du lavage.

En juin dernier, le premier ministre Justin Trudeau avait fait part de l’intention de son gouvernement d’éliminer des objets de plastique à usage unique tels les sacs d’épicerie, les couvercles pour le café, les pailles et les bouteilles. Il avait affirmé que le gouvernement mènerait des recherches pour déterminer le meilleur plan d’action, fondé sur des preuves scientifiques en vertu de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement.

Pour combler certaines lacunes identifiées dans la recherche dans l’évaluation scientifique de la pollution plastique, Environnement Canada financera dès ce printemps des projets d’étude, à hauteur d’un maximum de 200 000 $ par étude, sur une période de deux ans.

Lors du sommet des pays du G7 tenu en 2018 dans la région de Charlevoix, le Canada et quatre autres grandes économies ont signé une charte selon laquelle, d’ici 2040, tout le plastique produit dans leur pays sera réutilisé, recyclé ou brûlé pour produire de l’énergie.

— Avec La Presse canadienne

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