Québec encadre le recours aux agences de placement

Québec — Le gouvernement lance une série de mesures pour mieux encadrer le recours aux agences privées de placement. La main-d’œuvre indépendante ne devra être utilisée qu’en « dernier recours ». Un encadrement salué par les agences, qui réclamaient la fin de l’« anarchie » qui règne dans le réseau depuis la pandémie.

Après avoir affirmé mardi vouloir « s’affranchir » des agences de placement, le gouvernement Legault a présenté mercredi son plan pour limiter le recours à la main-d’œuvre indépendante, qui a explosé ces derniers mois.

Sept premiers grands établissements de santé (Montréal, Laval, Montérégie, Laurentides, Lanaudière, Capitale-Nationale et Chaudière-Appalaches) sont d’abord visés par une nouvelle directive. Le déploiement à l’échelle de la province doit se faire progressivement au cours des prochains mois.

Les PDG des CISSS et CIUSSS doivent soumettre un plan de transition vers un modèle où l’utilisation du personnel de la santé des agences sera « une solution de dernier recours » au plus tard le 1er décembre. « C’est très intense, ce qu’on annonce », a fait valoir mercredi le ministre de la Santé et des Services sociaux, Christian Dubé.

Les meilleurs quarts de travail seront d’abord offerts au personnel du réseau public et les moins avantageux (soir, nuit et fin de semaine) devront être « imposés » à la main-d’œuvre indépendante conformément à des ratios déterminés selon la région. Le ministre Dubé a indiqué qu’il ne voulait pas de ratios « mur à mur ».

M. Dubé a par ailleurs réitéré la création d’un mécanisme de dépannage interne, annoncé mardi, qui se traduira essentiellement par la transformation de la plateforme « Je contribue ! » en banque de remplaçants qui ne seront pas issus des agences.

La Fédération interprofessionnelle de la santé (FIQ) aurait souhaité davantage de précisions sur le fonctionnement de cette nouvelle banque. « On aurait voulu des engagements fermes, plus clairs. Avant de créer des équipes de remplaçantes, il aurait fallu prioritairement [pourvoir] des postes non comblés », a dit Isabelle Groulx, de la FIQ.

Resserrement des contrats

Le renouvellement des contrats avec les agences devra se faire sur une période maximale de six mois et les établissements devront les justifier, a indiqué M. Dubé. La directive précise que le recours à la main-d’œuvre indépendante doit « faire l’objet d’une entente contractuelle écrite » liant un établissement à une agence.

La nouvelle réjouit l’association des Entreprises privées de personnel soignant du Québec (EPPSQ), qui demandait au gouvernement de mettre fin à l’attribution de contrats de gré à gré, qui a beaucoup crû pendant la crise sanitaire. « Il y a eu une anarchie depuis le début de la pandémie », a rappelé la présidente, Hélène Gravel.

« On demandait un encadrement très clair, […] les hôpitaux ont fait plein de gré à gré avec des agences qui ne sont pas soumises aux mêmes règles que nous. […] La grosse victoire, pour nous, c’est cette volonté de se passer du gré à gré. »

— Hélène Gravel, présidente de l’EPPSQ

Un établissement devra d’ailleurs solliciter du personnel d’agence uniquement auprès des entreprises retenues « au terme du processus d’appels d’offres effectué par le Centre d’acquisitions gouvernementales ».

Selon l’EPPSQ, le plan de Québec ne met pas en péril les activités des agences, mais vient surtout encadrer le recours au personnel indépendant. « [Le discours du gouvernement], ce n’est pas d’abolir les agences, c’est d’abolir la dépendance aux agences », nuance Mme Gravel, qui représente une quinzaine d’agences privées.

Québec solidaire et le Parti québécois ont salué « l’écoute » du gouvernement Legault dans le dossier. Le député solidaire Vincent Marissal prévient cependant que le ministre Dubé ne doit pas « seulement passer la patate chaude aux gestionnaires », mais qu’il doit aussi « surveiller la situation de près au jour le jour ».

« Le Québec a besoin d’un plan et d’un engagement clair pour cesser définitivement le recours coûteux aux agences de placement privées. On ne sent pas cette volonté actuellement », a réagi Joël Arseneau, du PQ.

Pas de « rebrassage » des structures

Le ministre Christian Dubé n’a pas l’intention de défusionner les CIUSS et les CISSS dans la « vaste décentralisation » du réseau de la santé et des services sociaux annoncée mardi. « Le principe, pour moi, ce n’est pas une question de structure, c’est une question de culture. Et de culture, ça veut dire comment on gère localement », a nuancé le ministre Dubé. Il n’a pas l’intention, donc, de détricoter complètement la réforme Barrette, mais il veut rapprocher le pouvoir décisionnel du terrain. « Il y a des choses qu’on doit changer. Dans la réforme Barrette, on a fait justement sauter toute la question de la gestion locale. On a ramené ça au CISSS et au CIUSSS. Ça, c’est sûr que ça n’a pas de bon sens. […] Mais ce n’est pas une question de CISSS et de CIUSSS, c’est une question d’organisation », a-t-il dit.

— Fanny Lévesque, La Presse

Vers une entente négociée avec les médecins ?

Le gouvernement Legault a réitéré mercredi son ultimatum aux omnipraticiens : « S’il n’y a pas une négociation qui permet d’atteindre nos objectifs, il y aura des gestes très forts qui vont être posés », a déclaré M. Dubé. Cela pourrait passer notamment par l’imposition des pénalités prévues dans la Loi favorisant l’accès aux services de médecine de famille et de médecine spécialisée de Gaétan Barrette. « La loi 20 a ses avantages et ses désavantages. Nous, on préfère une négociation avec les médecins, mais si on n’arrive pas à une solution, on pourrait passer par un moyen légal, mais pour le moment, ce qui est envisagé, c’est une négociation », a souligné M. Dubé. François Legault a indiqué pour sa part qu’il pourrait déposer un projet de loi si les discussions n’aboutissent pas. « Ça fait déjà trois ans qu’on discute avec eux autres. Ça commence à presser », a lancé le premier ministre en mêlée de presse.

— Fanny Lévesque, La Presse

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