ÉLECTIONS PROVINCIALES ÉDITORIAL

immigratioN L’« échec » n’est pas si gros

L’immigration n’est pas l’« échec » que dénonce François Legault.

Depuis le début de la campagne, le chef caquiste répète que 26 % des nouveaux arrivants finissent par quitter le Québec.

Il en conclut que les capacités d’intégration du Québec seraient dépassées. Sa proposition : réduire temporairement le nombre d’immigrants afin de revoir leur francisation et leur intégration au marché de l’emploi.

Sur le principe, M. Legault a raison : rien ne sert d’accueillir des immigrants s’ils quittent le Québec. Mais les faits ne justifient pas cette inquiétude. Il y a une bonne nouvelle dont M. Legault ne parle pas : le Québec retient de plus en plus ses immigrants. Il se classe au quatrième rang au Canada, et ce, malgré le défi additionnel de la francisation. C’est ce que révèle une note de recherche publiée hier par l’Institut du Québec.

Bien sûr, le chef caquiste n’a pas inventé un chiffre. Quand il soutient que 26 % des nouveaux arrivants finissent par quitter le Québec après 10 ans, il reprend les données du ministère de l’Immigration.

Ce chiffre n’est toutefois qu’une estimation obtenue à partir des données du Régime d’assurance maladie. Cette méthode surévalue les départs – si un immigrant meurt ou s’il ne renouvelle pas sa carte, on considère qu’il a quitté le Québec. Et cette méthode ne permet pas de comparer les provinces entre elles.

En utilisant les plus récents chiffres de Statistique Canada, on obtient un portrait nettement plus positif.

Au début des années 2000, un quart des immigrants finissaient par quitter le Québec. Mais depuis quelques années, ce taux n’est plus que de 14 %. Durant la même période, le taux de l’Ontario ne s’est pas amélioré. Le Québec se rapproche donc de son voisin.

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Afin d’évaluer l’intégration des immigrants économiques (immigration non humanitaire), deux autres grands indicateurs doivent être évalués : le travail et la francisation.

Pour ce qui est du travail, encore une fois, le portrait s’améliore. Le taux de chômage des immigrants a diminué. Entre 2007 et 2015, il se situait entre 10 et 13 %. L’année dernière, il avait baissé à 8,7 % et il est maintenant à 6 %. Certes, cela s’explique en partie par la démographie et la croissance économique, qui font baisser le taux de chômage de tout le monde. Mais il y a plus. Les immigrants en ont plus profité que les natifs – l’écart entre les deux s’est réduit.

Pour ce qui est de la francisation, l’inquiétude de l’opposition est justifiée. La vérificatrice générale a démontré plus d’une fois les ratés de ces cours – ils sont éparpillés entre trois ministères, mal promus et peu suivis. À cet égard, les caquistes, péquistes et solidaires ont raison de critiquer le bilan du gouvernement Couillard.

Mais pour le reste, M. Legault devrait raffiner ses critiques. On le constate, dans l’ensemble, l’intégration n’est pas l’échec qu’il dénonce. Un jugement plus nuancé permettrait de proposer des solutions mieux adaptées à nos problèmes.

Quelques exemples : réformer l’offre de cours de francisation. Retenir davantage les étudiants étrangers et les travailleurs temporaires, une main-d’œuvre prête à contribuer à notre économie. Accélérer la reconnaissance et la mise à niveau des diplômes. Et trouver des solutions concrètes pour inviter plus d’immigrants en région.

Tout cela, M. Legault en parle un peu, mais le message se perd dans sa critique alarmiste sur le nombre d’immigrants que le Québec perd ou peut accueillir. Bref, il est temps de sortir des chiffres pour s’intéresser aux détails.

Il est vrai que cela attirera moins l’attention. Mais n’est-ce pas anormal que l’immigration prenne tant de place dans notre campagne électorale ?

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Taux de rétention des immigrants*

Ontario : 90,7 %

Alberta : 90,3 %

Colombie-Britannique : 86,7 %

Québec : 84,3 %

Manitoba : 78,9 %

Saskatchewan : 78,3 %

Nouvelle-Écosse : 65,3 %

Terre-Neuve-et-Labrador : 53,3 %

Ile-du-Prince-Edouard : 15,8 %

* Immigrants qui sont restés dans leur province d’accueil cinq ans après leur arrivée.

Source : Statistique Canada

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