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L’anti-espion
La Presse
Né en 1955, informaticien de formation, Gilles Brassard vient de terminer un doctorat en cryptographie à l’Université Cornell. Il se baigne dans l’océan à Porto Rico, en marge d’un congrès où il devait être conférencier, lorsqu’un inconnu l’aborde.
« Il m’a approché et m’a dit qu’il savait utiliser la mécanique quantique pour créer des billets de banque qui ne pouvaient pas être copiés, raconte M. Brassard. Je l’ai écouté avec intérêt et le temps de revenir à la rive, j’avais pensé à une façon d’améliorer l’idée. »
L’inconnu s’appelle Charles H. Bennett, et les deux hommes sont encore de proches collaborateurs.
Avec M. Bennett, Gilles Brassard s’intéresse à la cryptographie quantique. Les informations quantiques ne peuvent être ni copiées, ni même mesurées sans qu’elles soient perturbées. Toute interception par un espion devient donc détectable, d’où l’intérêt pour la cryptographie.
Leurs efforts débouchent sur un prototype à la fin des années 80.
« Nous sommes des théoriciens, notre application n’était pas commerciale. D’autres ont suivi avec des prototypes plus évolués, et la technologie en est venue à être commercialisée. Ce n’était plus intéressant pour moi, j’aime faire des choses de “science-fiction”. »
Le projet de « science-fiction » de M. Brassard est la téléportation quantique. La première expérience réussie survient dans ses bureaux, à Montréal, en 1992.
Il ne faut pas confondre téléportation quantique et la téléportation des œuvres de science-fiction comme
. La première ne déplace pas de matière, seulement de l’information. Sa principale utilité est d’allonger la distance possible entre l’émetteur et le récepteur d’un message codé avec la cryptographie quantique, jusque-là limitée à environ 100 kilomètres.MM. Brassard, Bennett et William Wootters signent un article scientifique sur la téléportation quantique dans
.Gilles Brassard devient titulaire de la Chaire de recherche du Canada en informatique quantique.
L’agence de presse Thomson Reuters évoque le nom de Gilles Brassard et ses coauteurs de l’article de 1993 à titre de candidats au prix Nobel de physique. L’écart de 19 ans depuis la parution de l’article est dans les normes, selon M. Brassard, et les prévisions de Reuters sont généralement bien avisées.
« Ils ne prévoient pas nécessairement qui va gagner l’année même, mais qui devrait gagner dans les prochaines années. »