Impact de Montréal

Ballou doit passer de la promesse aux actes

Lors du camp d’entraînement, son maillot de l’Impact était floqué d’un « B. Tabla ». Mais il suffit de se limiter au premier prénom de Ballou Jean-Yves Tabla pour le désigner adéquatement et faire pleuvoir les superlatifs.

Ballou, c’est l’alliage de la virtuosité et de la précocité ; une pépite qui a poussé Mauro Biello, habituellement très prudent, à offrir une déclaration osée au milieu de la présaison : « En 30 ans, je n’ai pas encore vu ce talent au Québec. »

Pas encore majeur, Ballou s’aligne, cette saison, avec l’équipe première montréalaise, où il devrait très rapidement obtenir ses premières minutes de jeu. Et si ça devait arriver en deuxième mi-temps, dès ce soir, à San Jose ? Ce serait sans le moindre papillon dans le ventre, assure-t-il, mais davantage avec l’excitation qui accompagne les grandes premières.

« La présaison m’a vraiment relaxé. En fait, j’avais plus de stress pendant le camp d’entraînement qu’avant ce premier match. Je suis correct, je me sens bien, j’ai hâte et, s’il faut entrer, je vais le faire en donnant le maximum », raconte le principal intéressé en entrevue.

« Je sais ce dont je suis capable, alors pourquoi être un joueur si c’est pour se stresser ? Il faut que je m’amuse. »

— Ballou Jean-Yves Tabla

De prime abord, Ballou Jean-Yves Tabla, son nom au complet, n’est pas du genre à verser dans le sentimentalisme. Alors, au moment de fouler les terrains de la MLS pour la première fois, on ne l’imagine guère prendre quelques secondes pour se remémorer sa trajectoire.

Avec, à son commencement, les rues du quartier de Yopougon, à Abidjan (en Côte d’Ivoire) en guise de terrain de jeu. « Ma passion pour le foot remonte à la Côte d’Ivoire. Depuis que j’ai 4 ans, mon père m’a toujours transmis cette passion. C’est vraiment dans la famille. Mes frères et même ma mère ont cet amour pour le foot.

« Là-bas, je n’étais pas dans une équipe, mais dans une sorte de groupe. C’était un coach qui faisait du bénévolat et qui prenait quelques jeunes joueurs pour les entraîner. Je faisais un peu d’extra avec mon père. On jonglait dans la cour ou on se faisait des passes. En arrivant au Québec à l’âge de 8 ans, j’ai vu que tout le monde avait des uniformes et des souliers. C’était beaucoup mieux organisé », explique-t-il.

Au Québec, terre d’adoption de sa famille, sa passion du ballon rond se transforme vite en objectif de vie. Il accumule les expériences, avec un premier passage par l’Académie de l’Impact à l’âge de 13 ans, et marque chacun des protagonistes qu’il rencontre. Les honneurs se succèdent aussi puisqu’à 15 ans, il évolue déjà avec la sélection canadienne des moins de 17 ans. Finalement, l’an dernier, il a été élu joueur de l’année des moins de 20 ans.

« Il avait un tempérament très compétitif, le souci de bien faire et une grande application. Il était aussi ouvert à l’exercice, se remémore l’entraîneur privé Pierre-Richard Thomas, qui a prodigué ses conseils, un été, lorsque l’adolescent évoluait avec le club de Panellinios, dans Parc-Extension. Aujourd’hui, je trouve qu’il sait un petit peu mieux faire ce qu’il savait déjà très bien faire à l’époque : la percussion, les duels en un-contre-un, la conduite de balle ou la vision du jeu. C’est le joueur offensivement complet. »

« J’ai tout de suite remarqué sa maturité. Dans ce domaine-là, plus tu es mature et plus ça aide. Ballou a vraiment la tête sur les épaules pour réussir. »

— Serge Epoh

« Dès que Ballou était petit, sa famille, surtout le papa, a su qu’il avait du talent, poursuit son représentant Serge Epoh. Le plus important, pour le père, était qu’il soit bien encadré pour que ce talent-là continue à avancer.

« Il y en a eu beaucoup de jeunes joueurs pour qui ça n’a pas marché. Je donne toujours l’exemple de Fredy Adu, qui a commencé à l’âge de 13 ans et dont on n’entend plus trop parler. Il faut vraiment éviter ça. »

2016, une année d’apprentissage

Si la saison 2017 marque ses débuts dans la MLS, l’année 2016 a également été charnière dans le parcours de Ballou.

En se joignant au FC Montréal (USL), avec qui il a inscrit cinq buts et cinq passes décisives en 21 matchs, il a déjà pu avoir un avant-goût des exigences du monde professionnel. Puis, au terme de la saison, les événements se sont accélérés : signature d’un premier contrat professionnel en octobre, entraînement quotidien avec l’équipe première jusqu’à l’élimination à Toronto, puis stage d’une dizaine de jours à Bologne.

En étant membre de l’Impact depuis l’automne, il a vécu une transition en douceur. « Comme l’équipe disputait encore des matchs, je pouvais assister aux différentes rencontres collectives et individuelles ou aux séances vidéo. Je regardais et je retenais tout ça pour être prêt. C’était vraiment une bonne idée. »

Ballou a également trouvé quelques visages bienveillants vers lesquels se tourner dans le vestiaire. Quand on est né et on a grandi en Côte d’Ivoire, on ne peut pas faire autrement que de classer Didier Drogba dans la catégorie des légendes vivantes, voire un peu plus.

« C’était une relation grand frère, petit frère. Il me donnait des conseils et tout. Depuis que je suis petit, Didier est vraiment un dieu pour moi. Il m’a vraiment pris en charge. Il me parlait, il me donnait des conseils, pas seulement de football, mais aussi de la vie quotidienne. Il me racontait ce qu’il avait vécu, j’allais chez lui, on mangeait, on sortait. On a eu beaucoup de plaisir et, encore, aujourd’hui, on se parle sur WhatsApp. »

Préférence à gauche

En attendant l’arrivée de Blerim Dzemaili, le onze montréalais devrait être une copie conforme de celui qui a atteint la finale d’association, au mois de novembre. Sur le banc, la hiérarchie sera toutefois différente avec plusieurs mouvements parmi les milieux offensifs. Ballou a donc une belle carte à jouer après un camp d’entraînement qu’il juge positif. Ses entraîneurs et ses coéquipiers sont aussi admiratifs, mais n’hésitent pas à rappeler que le chemin est encore long.

« Il a beaucoup d’habiletés techniques, il aime percuter, il va tout le temps vers l’avant, et c’est difficile pour les défenseurs de le contenir. »

— Hassoun Camara, à propos de Ballou Jean-Yves Tabla

« Maintenant, ça reste un jeune joueur. Il doit encore beaucoup travailler pour pouvoir avoir le volume de jeu nécessaire à la gestion d’un match MLS, prévient Hassoun Camara. C’est quand même différent, le niveau est plus élevé. Mais il a tout le potentiel pour pouvoir s’affirmer, et j’espère qu’il le démontrera. »

Où le fera-t-il sur le terrain ? Dans un 4-2-3-1, il peut évoluer aux quatre postes offensifs, mais c’est sur le côté gauche qu’il possède davantage de repères. Suivant la logique de la présaison – et parce que Nacho Piatti joue à gauche –, il devrait davantage se retrouver sur l’autre flanc. Pas de problème, réplique le droitier.

« Ça demande une certaine adaptation et un peu plus de temps de jeu. À gauche, j’aime bien couper dans l’axe et tirer. À droite, je peux entrer sur mon pied gauche, mais c’est davantage pour combiner que tirer. Par contre, j’ai marqué la plupart de mes buts avec mon pied gauche. »

Le soccer n’en est pas à un paradoxe près. À ce chapitre, il trouverait plutôt étrange que « B. Tabla » reste inscrit dans son dos pour sa première saison. « Le président [Joey Saputo] veut que je mette Ballou, et moi aussi. En plus, tout le monde m’appelle Ballou dans le vestiaire. »

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