Opinion  Saint-Valentin

Valentine et ocytocine

Je voudrais vous parler un peu de la chimie de l’amour, mais avant, je dois préciser que même si cette part des molécules existe bien dans nos célébrations amoureuses, comme l’a déjà dit le biologiste nobélisé François Jacob, « toutes les découvertes démontrent que l’être humain est programmé, mais programmé pour apprendre ».

On apprend à aimer, à embrasser, à respecter et à vieillir ensemble en toute sérénité. Cependant, et depuis toujours, cette part de la culture et de l’éducation dans nos comportements côtoie aussi celle des gènes qui nous composent et de leurs dérivés moléculaires bien actifs dans la chimie de nos émotions. La sagesse populaire avait aussi raison de parler de la bonne ou de la mauvaise chimie entre deux personnes.

Selon Barnard Sablonnière, auteur de La chimie des sentiments, le désir et l’amour romantique ne semblent pas obéir aux mêmes messagers cérébraux. Orienté vers le sexe, le désir passionnel doit en grande partie à la dopamine et peut s’évanouir dans la nature une fois la récompense obtenue. L’amour romantique, quant à lui, nous pousse vers une relation durable qui est favorisée en partie par une autre molécule cérébrale appelée l’ocytocine. 

Si cette molécule est apparue très tôt au cours de notre longue évolution, c’est dans un premier temps pour favoriser la survie des bébés. L’ocytocine, qui signifie en langue grecque « travail rapide », contrôle les contractions de l’utérus pendant l’accouchement. Après la délivrance, l’augmentation de l’activité et du taux d’ocytocine sanguin décuple les performances olfactives et aiguise les sensibilités tactiles et auditives de la nouvelle maman. Autrement dit, grâce à ce médiateur moléculaire, la mère entend mieux le bébé, a envie de le consoler et est capable de mémoriser plus facilement ses particularités olfactives.

En plus de favoriser l’attachement des parents aux enfants, l’ocytocine incarnerait, selon bien des scientifiques, la clé moléculaire du « vivre ensemble jusqu’à ce que la mort nous sépare ».

Après la passion amoureuse du début, elle déploie sa magie pour souder le couple. Il suffit alors de caresser l’autre pour qui on a eu un coup de foudre ; l’autre qu’on a jadis désiré intensément ; l’autre avec qui on a vécu des années de passion ; l’autre qui vieillit avec nous, pour qu’au bout de quelques minutes, les taux d’ocytocine grimpent dans son sang et dans le nôtre. 

Beaucoup d’expériences scientifiques semblent démontrer qu’en plus d’être un antistress, l’ocytocine potentialise la confiance envers l’autre, favorise l’empathie mutuelle et inhibe les sensations de peur et d’anxiété qui empêchent souvent de baisser totalement la garde et de s’abandonner à une autre personne. C’est en partie pour cette raison, croient certains spécialistes, que chez les personnes âgées, les maladies liées au stress sont beaucoup plus dommageables quand le ou la partenaire de vie qui leur tenait la main depuis si longtemps décède.

En cette fête consacrée au grand sentiment, mes pensées vont aux personnes âgées esseulées qui doivent apprendre à chercher en vain la main de la personne à qui elles avaient donné la leur il y a des lunes. Elles vont aussi à toutes ces personnes devenues tristement des étrangers pour leur partenaire de vie, comme à leur premier rendez-vous galant, parce que les traces de leur longue complicité conjugale ont été malheureusement effacées de leurs neurones par la maladie d’Alzheimer.

J’aurai bien aimé terminer ce texte sur une note plus joyeuse en parlant de fleurs, de chocolat et de restaurants, mais je préfère vous laisser sur ces histoires tristes, car on oublie souvent que la Saint-Valentin est, à bien des cœurs esseulés, ce que Noël est aux personnes sans famille.

Joyeuse Saint-Valentin quand même à tous les amoureux passionnés, aux amoureux romantiques et à ceux qui célèbrent leur couple dans la tendresse, l’ocytocine et les souvenirs d’enfants qui ont grandi beaucoup trop vite !

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