Énergie et ressources

Une aide financière de 38 millions

Québec relance le projet d’Enerkem à Varennes

Le gouvernement du Québec accorde 38 millions d’aide financière à Enerkem et à son partenaire Ethanol Greenfield pour construire leur usine de transformation de déchets en méthanol à Varennes.

Le Conseil des ministres a approuvé hier la contribution qui devrait finalement faire décoller ce projet annoncé il y a cinq ans, selon des informations confirmées hier à La Presse par le ministre de l’Énergie et des Ressources naturelles, Pierre Moreau.

Cette contribution sera versée sous deux formes. Investissement Québec souscrira 20 millions au capital-actions d’Enerkem et une subvention de 18 millions sera accordée par le ministère de l’Économie, de la Science et de l’Innovation à la coentreprise formée par Enerkem et Ethanol Greenfield. Le gouvernement fédéral avait promis une aide financière de 40 millions.

Investissement Québec, pour sa part, a déjà mis 20 millions dans Enerkem en 2013 pour faire avancer ce projet alors estimé à une centaine de millions.

La nouvelle usine, dont le coût est maintenant estimé à 200 millions, sera adjacente aux installations d’Ethanol Greenfield, qui produit déjà de l’éthanol à base de maïs à Varennes.

Il s’agit d’un projet qui a eu un très long cheminement. Il a d’abord été annoncé en 2012 par les ministres de l’époque, Clément Gignac et Sam Hamad, qui avaient promis une aide financière de 27 millions pour aider Enerkem à transformer les déchets en biocarburants.

Avec le temps, le projet a évolué. Il n’est plus question de transformer les matières résiduelles résidentielles, mais plutôt les résidus commerciaux et industriels, comme les déchets de construction et de démolition.

L’usine produira d’abord du méthanol, un produit chimique dont la valeur commerciale est moindre, avant de pouvoir produire de l’éthanol pouvant servir de carburant. Les biocarburants sont considérés comme un outil important dans la transition vers un monde sans pétrole, mais leur production à grande échelle est encore anémique.

En Alberta, où Enerkem a inauguré sa première bioraffinerie en 2014, la production d’éthanol à grande échelle n’est toujours pas commencée. La Ville d’Edmonton, qui a investi 40 millions dans un centre de tri et financé l’usine à hauteur de 80 millions, vient de réinvestir 10 millions pour améliorer la production de l’usine d’Enerkem.

Comme à Edmonton, Enerkem et son partenaire veulent produire annuellement 50 millions de litres d’éthanol dit de seconde génération, c’est-à-dire dont la matière première ne sert pas à l’alimentation – comme le maïs ou la canne à sucre.

Plus de 300 millions en capital de risque ont déjà été investis dans Enerkem depuis 2003. L’entreprise veut exporter son modèle aux États-Unis et en Europe.

Quelle transition énergétique ?

Le Québec se targue d’avoir entrepris une transition énergétique vers un monde sans pétrole, mais les statistiques prouvent le contraire, a déploré hier Pierre-Olivier Pineau, de HEC Montréal, lors de la publication de l’État de l’énergie au Québec, le bilan annuel de la Chaire de gestion du secteur de l’énergie.

Comme l’an dernier, l’État de l’énergie constate que les Québécois achètent des véhicules plus gros et consomment de plus en plus d’essence. Ils construisent des maisons de plus en plus grandes, ce qui annule les gains réalisés en efficacité énergétique. « Alors qu’on parle de transition, les ventes d’essence ont augmenté de 8 % de 2015 à 2016 et on bat des records de vente de camions », a-t-il illustré.

Le professeur doute beaucoup que le Québec réussisse à atteindre ses objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre, mais le ministre de l’Énergie et des Ressources naturelles, Pierre Moreau, qui assistait à l’évènement d’hier, se dit convaincu du contraire.

La Chaire de gestion du secteur de l’énergie de HEC Montréal a reçu une subvention de 1 million de dollars de Transition énergétique Québec pour continuer à suivre de près l’évolution de la consommation et de l’utilisation de l’énergie par les Québécois.

Énergie et ressources

La feuille de route d’Enerkem

2000 Fondation d’Enerkem, qui se décrit comme un chef de file dans le développement de biocarburants cellulosiques : « La technologie propre de gazéification et de catalyse d’Enerkem transforme les déchets solides municipaux triés et les résidus forestiers en éthanol et autres biocarburants. »

2006 Annonce d’une percée majeure en Angleterre. La technologie de gazéification des déchets d’Enerkem est retenue pour produire 10 mégawatts d’électricité qui seraient vendus à une usine de Ford. Le projet ne s’est pas réalisé.

2008 Annonce d’une entente avec la Ville d’Edmonton pour la construction d’une usine de 70 millions devant produire 38 millions de litres de biocarburants. La production d’éthanol ne commencera pas avant la fin de 2015.

2009 Annonce d’une percée aux États-Unis avec la construction d’une usine de production de biocarburants de 75 millions de litres par année à Potontoc, au Mississippi. Le projet, admissible à une aide du gouvernement américain de 110 millions, est toujours au point mort.

2010 Enerkem reçoit 53,8 millions en capital de risque de différents investisseurs, dont Waste Management et Cycle Capital. Début de la construction de l’usine d’Edmonton, dont le coût a grimpé à 80 millions et dont la mise en production est prévue pour 2011.

2011 Enerkem reçoit une autre injection de 88 millions en capital de risque et accueille de nouveaux investisseurs, dont Valero et Fondaction CSN.

2012 Enerkem annonce son intention d’inscrire ses actions au NASDAQ pour récolter 125 millions US. Le projet est abandonné quelques mois plus tard. Enerkem annonce la construction d’une usine d’éthanol cellulosique à Varennes, en partenariat avec Ethanol Greenfield. Le projet, qui reçoit une aide financière de 27 millions du gouvernement québécois et de 39,8 millions du gouvernement fédéral, est en gestation.

2013 Enerkem reçoit une nouvelle injection de 50 millions en capital de risque, dont 7 millions du Fonds de solidarité FTQ et 20 millions d’Investissement Québec.

2014 Inauguration de l’usine d’Edmonton, dont la construction a commencé en 2010 et dont le coût est maintenant estimé à 100 millions. L’usine produira du méthanol, un produit intermédiaire ; un module de production d’éthanol devrait être ajouté plus tard.

2015 Une nouvelle ronde de financement auprès d’investisseurs publics et privés rapporte 150 millions à Enerkem.

— Hélène Baril, La Presse

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