Nouvelles politiques d’immigration

Si les jeunes diplômés québécois représenteront la principale source de nouveaux travailleurs pour les prochaines décennies, les immigrants combleront une part grandissante des besoins.

Face à la pénurie de main-d’œuvre qui s’aggrave, Québec a annoncé cette semaine d’importantes modifications à son système de sélection des nouveaux venus.

Le délai de traitement des demandes sera fortement revu à la baisse pour les travailleurs qualifiés, et le gouvernement aura plus de latitude pour sélectionner des candidats en fonction des besoins socioéconomiques des différentes régions.

Un pas de plus dans la bonne direction, tant pour l’intégration des immigrants que pour l’impact positif anticipé sur le marché de l’emploi.

Éditorial Maxime Bergeron

PÉNURIE DE MAIN-D’ŒUVRE Le Québec doit faire de la place aux « vieux »

Madonna aura 60 ans ce mois-ci. L’icône de la pop est en pleine forme, mais elle ne se fait pas d’illusions : « vieillir est un péché » dans l’industrie de la musique, a-t-elle affirmé lors d’une remise de prix récente. Elle reconnaît froidement que ses nouvelles chansons ont bien peu de chances d’être diffusées à la radio en raison de son âge.

La diva n’est pas à plaindre, avec la fortune colossale qu’elle a accumulée au fil de sa carrière. Mais son découragement, lui, est bien réel. Et représentatif d’une situation vécue par trop de gens d’âge « mûr », qui veulent continuer à travailler – peu importe leur métier – tout en se butant à des portes closes. Le Québec n’échappe pas à cette tendance et sera confronté à une crise de l’emploi encore plus grave si des changements ne sont pas apportés par les employeurs et les gouvernements.

La province n’a plus le luxe de se priver de l’apport des travailleurs expérimentés qui veulent encore contribuer au marché de l’emploi.

Plein emploi

La bonne nouvelle : l’économie québécoise va bien. Très bien, même, au point que plusieurs régions sont aujourd’hui en situation de plein emploi. Plus de 200 000 postes ont été créés depuis quatre ans et le taux de chômage navigue à un creux historique, soit 5,4 %. De plus en plus d’industries se retrouvent en pénurie de main-d’œuvre, de l’Outaouais jusqu’en Gaspésie.

5 % Taux de chômage à partir duquel on parle de plein emploi

Les mentalités changent toutefois trop lentement par rapport à la nouvelle dynamique du marché de l’emploi. « Même si on est rendu dans le mur, on dirait que le mur n’a pas assez fait mal encore », illustre le grand patron du Conseil du patronat du Québec, Yves-Thomas Dorval.

Revirement rapide

Rares sont ceux qui auraient pu prédire un revirement aussi rapide. Il y a quelques années à peine, on s’inquiétait encore du chômage élevé et des perspectives de placement pour les jeunes diplômés. Le « choc démographique » restait une notion bien évanescente même si on entendait parler depuis des années du vieillissement de la population québécoise.

Le réveil des autorités a été tardif. Québec a publié en mai dernier sa Stratégie nationale sur la main-d’œuvre 2018-2023, dotée d’un budget de 810 millions. Parmi les huit grandes priorités énoncées : faire grimper le taux d’emploi des Québécois de 60 à 69 ans (33,7 %) pour qu’il se rapproche de celui du reste du Canada (39,7 %).

1,3 million Nombre de postes à pourvoir au Québec d’ici 10 ans 

Si Québec atteint sa cible, cela pourrait se traduire par environ 30 000 travailleurs supplémentaires sur le marché de l’emploi. Un apport plus que bienvenu dans le contexte actuel. Le gouvernement Couillard a annoncé quelques mesures dans son dernier budget pour parvenir à ses fins, incluant une bonification du crédit d’impôt pour les « travailleurs d’expérience ».

Cette mesure a toutefois une portée limitée. Un travailleur de 65 ans qui gagne 40 000 $ par année a désormais droit à un crédit d’impôt de 1352 $, à peine 150 $ de plus que l’an dernier. S’il gagne 75 000 $, la valeur totale du crédit baisse à 600 $. Pas la mer à boire pour convaincre un employé âgé de rester en poste – ou de regagner le marché du travail.

Paradoxalement, alors que la pénurie de personnel devient de plus en plus criante, nombre d’employeurs rechignent encore à considérer des candidats plus âgés pour les postes à pourvoir.

Ils devront changer – et vite – leurs façons de faire et montrer plus d’ouverture quand vient le temps de recruter. Offrir des aménagements de travail flexibles, comme des semaines écourtées, et plus de formation. « Nous sommes vraiment rendus à un point de bascule », résume une recruteuse spécialisée dans le placement de cadres supérieurs.

Il ne s’agit pas ici de prôner un rehaussement de l’âge pour être admissible aux prestations de retraite comme l’avait proposé l’ancien gouvernement de Stephen Harper. Ceux qui ont l’envie de partir tôt et les capacités financières pour le faire doivent bien sûr saisir cette chance. L’espérance de vie plus longue leur donne la possibilité de mener de front plusieurs projets après la fin de leur carrière.

Les employeurs et l’État partagent cependant la responsabilité d’inclure un maximum de citoyens – immigrants, autochtones, handicapés, personnes plus âgées – qui souhaitent participer au marché de l’emploi. Avec davantage de mesures ciblées pour atteindre ces objectifs (comme des encouragements fiscaux plus alléchants) et une révision des vieilles façons de recruter.

Les choses changent pour le mieux, mais il faudra accélérer la cadence avant que le « mur » démographique ne heurte sérieusement l’essor économique du Québec.

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