Crise forestière

Chantiers Chibougamau est sortie plus forte de la crise

CHIBOUGAMAU

 — De toutes les entreprises forestières que j’ai visitées au Saguenay–Lac-Saint-Jean, en Mauricie ou dans l’Outaouais, Chantiers Chibougamau aurait normalement dû être la plus durement touchée par la crise. Scierie indépendante, située en forêt boréale bien au nord du lac Saint-Jean, Chantiers Chibougamau a pourtant traversé la tempête de belle façon, en perçant de nouveaux marchés, en agrandissant ses installations et en investissant à fond dans la troisième transformation.

Ce qui frappe à première vue, quand on arrive à proximité du site de Chantiers Chibougamau, c’est la gigantesque montagne de copeaux qui trône dans l’une des cours du complexe industriel de l’entreprise forestière.

« L’accumulation de copeaux, c’est notre problème numéro un, m’explique Frédéric Verreault, porte-parole de Chantiers Chibougamau. L’effondrement de la demande pour le papier nous touche durement. Durant la crise, on n’arrivait pas à vendre nos copeaux aux papetières et c’est la seule raison pour laquelle on a dû fonctionner à un seul quart de travail. »

Ce constat résume combien l’entreprise familiale a réussi à déjouer les aléas de la crise et à trouver preneur pour ses produits malgré l’affaissement de la demande américaine.

« Quand on a vu le marché américain s’effondrer, on est partis à la conquête de nouveaux débouchés de remplacement. Dans l’Ouest canadien, à Calgary, à Toronto. En cinq ans, on a récupéré nos volumes d’expédition, mais là, on va pouvoir desservir, en prime, le marché américain qui semble redémarrer sur des bases solides », poursuit le porte-parole.

Transformer la ressource

Chantiers Chibougamau a été parmi les premiers producteurs forestiers à la fin des années 90 à produire des poutrelles en I. En démarrant une usine d’aboutage (jointage) – c’est-à-dire fabriquer des planches à partir de morceaux de 2 par 4 que l’on recolle –, Chantiers Chibougamau a aussi pu très tôt optimiser l’utilisation de la ressource.

« On utilise la tige au complet. On garde la surlongueur pour faire des planches de 1 par 2 qui sont jointées.

« On s’est associés en 1998 avec Louisiana Pacific pour fabriquer des poutrelles en I, puis on s’est rendu compte que l’on pouvait tout faire nous-mêmes. En 2000, on a commencé à produire nos poutrelles en I et, pour mieux percer le marché américain, on a créé la marque Nordic. Durant la crise, on s’est attaqués au marché de la construction commerciale et industrielle », explique Frédéric Verreault.

Ainsi, en 2009, en pleine crise du bois d’œuvre, Chantiers Chibougamau a investi 18 millions pour agrandir son unité de production de poutres de bois lamellé-collé.

Puis en 2010, avec l’appui du Fonds de solidarité, Chantiers Chibougamau a investi 12 millions pour se lancer dans la production de poutrelles de bois lamellé-croisé qui peuvent se substituer aux dalles de béton pour la fabrication de planchers et de cloisons murales. Forte de cette expertise unique en conception et en fabrication de bois d’ingénierie, Chantiers Chibougamau a soumissionné pour participer à la construction de la structure de la toiture du nouvel amphithéâtre de Québec avec ses poutres de bois lamellé, mais l’entreprise a été cavalièrement évacuée du processus d’appel d’offres.

L’optimisation du matériau noble

Pourtant, quand on visite l’unité de production de ces poutrelles de bois lamellé-croisé, on a le souffle coupé par l’architecture et la chaleur des lieux, mais surtout par l’imposante armature toute fabriquée à partir de notre matériau noble.

D’immenses poutres en bois se chevauchent ainsi pour soutenir les murs et la toiture de l’usine et pour former un ensemble qui constitue une véritable cathédrale industrielle, d’un autre temps mais à la fois éminemment design et moderne.

« On vient de décrocher le contrat de fabrication de tous les ponts qui vont enjamber la route qui va mener à la mine Stornoway, dans les monts Otish. On parle d’une vingtaine de ponts qui vont facilement supporter le poids de plusieurs camions super poids lourds et qui vont démontrer toute la force du bois d’ingénierie », relève avec enthousiasme Frédéric Verreault.

L’entreprise, propriété de la famille Filion de Chibougamau, emploie 630 travailleurs dans cette petite localité du Nord québécois. Au plus fort du boom immobilier, leur nombre a atteint 700 et est tombé à 525 pendant la crise immobilière américaine. Les activités de sciage occupent 160 employés, tous les autres travailleurs sont affectés aux activités de deuxième et de troisième transformation de la ressource.

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