Forme physique

Populaire… et efficace

Le philosophe allemand Nietzsche disait à qui voulait l’entendre que « les seules pensées valables viennent en marchant ». Va pour la créativité ou la prise de décisions… mais la marche a-t-elle autant de bienfaits que les sports plus intenses, comme la course ?

« Si vous le faites vraiment 5 fois 30 minutes par semaine, on se reparlera dans six mois pour voir si c’est un sport ! », lance, moqueur, Jean-Pierre Després, titulaire de la Chaire internationale sur le risque cardiométabolique à l’Université Laval.

Une étude publiée en 2014 dans le Journal of the American College of Cardiology a d’ailleurs détaillé les différences entre les effets physiques de la marche et de la course à pied. Or, il semble que 15 minutes de marche apportent les mêmes bienfaits physiques qu’une course de 5 minutes. De même, 105 minutes de marche équivalent à environ 25 minutes de course.

« Ça travaille beaucoup le corps : on ne réalise pas ce que ça peut nous faire si on marche pour la peine. Je vois la différence dans mon cardio si j’arrête de marcher un moment », explique Judy Séguin. La femme de 56 ans a intégré la marche à son quotidien il y a quelques années. Elle est retraitée depuis peu, mais marcher 3,7 km dans son quartier chaque matin avant de se rendre au travail a été salutaire pour la planificatrice financière. 

« Quand je travaillais, je faisais 2 fois 12 heures d’affilée le mercredi et le jeudi, alors le vendredi, c’était la journée où la marche était le plus bénéfique. Ça me donnait l’énergie pour faire ma journée, alors j’y allais, beau temps mauvais temps. Il y a de réels effets », assure-t-elle.

Et si l’on opte pour la marche, à quelle fréquence doit-on chausser ses chaussures sport pour atteindre le sommet de sa forme physique ?

« Cette question que vous posez là, on fait des congrès internationaux là-dessus, et à la fin, après 48 heures de débats, on se dit : “Bon, les journalistes nous attendent à la sortie, alors on va se mettre d’accord pour dire que déjà, bouger un peu, c’est mieux que pas du tout”, résume M. Després avec humour. N’oublions pas qu’on a au moins le tiers de la population qui ne fait strictement rien. Une fois que ça, c’est dit, moi, je peux ajouter qu’une marche d’une demi-heure par jour, cinq fois par semaine, fait en sorte qu’on va chercher 150 minutes d’activité physique modérée, et l’impact sur la santé sera très important. »

Popularité croissante

Chez Rando Québec, l’organisme voué à la promotion de la marche au Québec, les intervenants interrogés sont formels : il y a de plus en plus d’adeptes de la marche, sous toutes ses formes, au Québec.

« C’est en augmentation. On ressent une augmentation de fréquentation dans le milieu du plein air au Québec, et cette hausse amène de plus en plus de marcheurs », explique Olivier Bélanger, directeur technique chez Rando Québec.

Et pourquoi ? 

« C’est une activité très peu coûteuse et dont les bénéfices pour la santé sont importants. C’est le premier pas pour se remettre en forme, si on est sédentaire. »

— Olivier Bélanger

Il précise que la popularité de la marche entraîne même un déplacement de nombre d’adeptes du ski de fond vers la raquette. « Il y a vraiment quelque chose qui se passe à ce niveau », résume le directeur, lui-même adepte de la marche en forêt.

La promotion d’un mode de vie sain joue un rôle dans la pratique accrue de la marche urbaine et de la randonnée pédestre. « La marche, c’est la forme d’activité physique qui est la plus naturelle. On estime qu’il y a des milliers d’années, avant qu’il ne devienne sédentaire, l’homme marchait probablement 15 à 20 km par jour, juste pour survivre. On est configurés pour marcher ! C’est certainement la forme d’activité physique dont les bénéfices sont les plus sous-estimés », ajoute Jean-Pierre Després.

Les jeunes et le dépassement

Si la clientèle des clubs de marche est toujours majoritairement âgée de 45 ans et plus, les jeunes sont de plus en plus nombreux à s’y joindre. « On voit quand même de plus en plus de jeunes dans la trentaine, constate Nicole Blondeau, rédactrice en chef chez Rando Québec. Ces jeunes sont conscients qu’il faut faire de l’activité physique régulièrement. C’est bien de faire de la randonnée pédestre la fin de semaine, mais ce n’est peut-être pas suffisant. Ils ont alors tendance à se joindre à un club de marche plus urbain. Ils ajoutent alors une ou deux sorties par semaine en soirée, après le travail. »

Son collègue Olivier Bélanger remarque que chez les jeunes familles, la marche a de plus en plus la cote. Lui-même nouveau père, il compte maintenant intégrer la marche au quotidien de sa famille. « On essaie de marcher le plus souvent possible. On fait de courtes sorties en milieu urbain, en ce moment. Et cet été, je vais m’équiper d’un sac à dos avec porte-bébé intégré pour faire de la randonnée en moyenne montagne. »

Il ajoute que les jeunes sont davantage attirés par des défis : ils marchent, oui, mais ils visent des sommets, des montagnes plus importantes. « Comme ce n’est pas un sport de compétition, la marche va toujours rester à un niveau contemplatif dans l’imaginaire des gens, croit-il. Ce n’est pas le sport le plus flashy, mais il y a vraiment beaucoup de niveaux à la marche. »

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