Relations de couple

« Les scripts sexuels ont changé »

En février 2014, le New York Times Magazine publiait un article-fleuve de 6000 mots qui allait faire jaser dans les chaumières. Son titre : « Est-ce qu’un mariage plus égalitaire signifie moins de sexe ? » On y rapportait les résultats d’une étude publiée en 2013 qui concluait que les couples plutôt traditionnels (monsieur tond le gazon, madame s’occupe de la maison) avaient une vie sexuelle plus active et plus satisfaisante que les couples qui partageaient plus équitablement les tâches ménagères.

L’étude avait cependant un défaut : elle se basait sur des données datant de 1992 à 1994. D’autres chercheurs ont donc voulu savoir si les choses avaient changé depuis 20 ans. Leur réponse : oui. Complètement, même.

« On a comparé les couples des années 90 à ceux de 2006, et on a découvert que les couples d’aujourd’hui qui partagent les tâches ménagères de façon relativement équitable ont en réalité plus de sexe que tous les autres », résume Amanda Miller, deuxième auteure de l’étude et professeure associée en sociologie à l’Université d’Indianapolis. Par tâches ménagères, on comprend la préparation des repas, la vaisselle, le ménage, l’épicerie et le lavage.

Ces couples plus « égalitaires » sont même les seuls qui font l’amour plus souvent qu’avant, note Mme Miller. Ces couples sont aussi tout aussi satisfaits que ceux qui occupent des rôles plus traditionnels dans la maison, ce qui n’était pas le cas dans les années 90.

Fin juin, l’équipe a présenté les résultats de son étude lors d’un congrès au Texas en attendant sa publication officielle, cet été, dans The Journal of Marriage and Family. En voici quelques-uns : 

COUPLES QUI PARTAGENT LES TÂCHES MÉNAGÈRES ÉQUITABLEMENT

Début années 90 :  6,0 relations sexuelles par mois

2006 :  6,9 relations sexuelles par mois

COUPLES OÙ LA FEMME FAIT AU MOINS LES DEUX TIERS DES TÂCHES MÉNAGÈRES

Début années 90 :  6,8 relations sexuelles par mois

2006 :  6,2 relations sexuelles par mois

COUPLES OÙ L’HOMME FAIT AU MOINS LES DEUX TIERS DES TÂCHES MÉNAGÈRES

Début années 90 :  6,7 relations sexuelles par mois

2006 :  4,9 relations sexuelles par mois

NOUVEAUX « SCRIPTS SEXUELS » ?

« Dans les années 80 et 90, les gens présumaient qu’il fallait un yin et un yang, qu’il fallait des rôles divisés pour trouver l’autre sexuellement attirant, croit Amanda Miller. Mais aujourd’hui, les gens ont l’air de vouloir des relations beaucoup plus égalitaires que dans le passé. On pense que les scripts sexuels ont changé. »

Donc, les femmes sont excitées par autre chose, aujourd’hui ?

« C’est la théorie la plus répandue, oui », répond Amanda Miller. 

« Il y a plusieurs années, on pouvait trouver ça sexy quand son mari travaillait pour gagner des sous ou tondait la pelouse. Mais aujourd’hui, les femmes trouvent ça sexy quand les hommes prennent un balai et une vadrouille ! »

— Amanda Miller

Les femmes (tout comme les hommes, d’ailleurs) sont aussi plus satisfaites lorsque leur réalité correspond à leurs attentes, souligne Amanda Miller. « Si tu souhaites que les tâches soient divisées et qu’elles le sont, cela tend à se traduire par une plus grande satisfaction… et par plus de sexe. »

PAS DE LIEN CAUSAL

Professeure au département de sociologie de l’UQAM, Chiara Piazzesi constate que les femmes, aujourd’hui, aspirent à une plus grande égalité, tant dans la sphère sexuelle (accès au plaisir, expression des besoins, etc.) que dans la sphère des tâches ménagères.

Mais de là à affirmer que le partage des tâches constitue un excitant sexuel, il y a un pas qu’elle se garde de franchir.

« À mon avis, le fait que les deux aspects se présentent ensemble et fassent partie de la même transformation n’établit pas encore de lien causal entre eux, dit Chiara Piazzesi. Le couple est quand même un système très complexe et il me semble trop simpliste de voir la répartition du travail domestique comme la cause qui déclenche une plus haute fréquence des rapports sexuels dans le couple. »

CŒUR CONTRE SEXE

Sa collègue Marie Hazan, du département de psychologie de l’UQAM, trouve elle aussi le couple et la sexualité plus complexes que ne semble l’indiquer l’étude. Il arrive encore, dit-elle, que le cœur et le sexe s’opposent.

« D’un côté, la plupart des femmes souhaitent l’égalité des chances, des salaires et le partage des tâches ménagères. De l’autre, il peut arriver que certaines soient attirées par ceux qui sont moins gentils, les bad guys, pour les sauver, par exemple, tout en le regrettant et en souhaitant un compagnon agréable et parfait. »

« Quant aux hommes, poursuit Marie Hazan, Freud formule leur sexualité ainsi : “Là où ils aiment, ils ne désirent pas.” Est-ce encore vrai ? En partie, au moins, si l’on en croit la consommation de pornographie essentiellement masculine. »

83 MINUTES

C’est le nombre de minutes par jour que les hommes consacraient aux tâches ménagères, aux États-Unis, en 2012. En 1965, ces derniers en consacraient seulement 34 minutes. Malgré cette amélioration, les Américaines demeurent les grandes championnes des tâches ménagères en y investissant 141 minutes par jour. En revanche, les Américains… regardent 34 minutes de télévision de plus par jour que les Américaines.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.