LE COURRIER AMOUREUX DE MADAME CHOSE

Madame Chose se confie à vous autres

Chers jeunes femmes et hommes modernes,

Cette semaine, c’est moi qui me confie. C’est un courrier du cœur, mais à l’envers. Si j’ai décidé de vous écrire, en ce samedi matin, c’est pas juste parce qu’il fait -1000 dehors pis que je n’ai rien de mieux à faire. J’ai deux enfants en bas âge, un délicieux mari, un colley et deux chats pas de poil dont il faut que je m’occupe, après tout. Faudrait que je passe le balai en dessous de mon lit pis que je fasse le ménage du sous-sol, aussi. Mais je m’égare. Si j’ai décidé de vous écrire, mes chers*, c’est pour vous dire merci.

Je dois l’avouer, quand ma truculente future patronne m’a demandé si je voulais tenir un courrier du cœur dans un journal publié sur les internets, j’ai ri jaune. Je n’étais pas du tout certaine que c’était une bonne idée. Premièrement, parce que je ne ressemble pas à Louise Deschâtelets (je n’ai pas de teinture blonde pis je ne suis pas comtesse). Deuxièmement, parce que mon niveau d’empathie se situe juste un peu en haut de celui de Ted Bundy. J’exagère peut-être un peu. Malgré ça, j’ai accepté la proposition de Truculente Patronne. J’ai dit oui parce qu’elle m’a promis que ce courrier du cœur serait à mon image pis que ça me tentait d’écrire dans un journal. Je suis de même, vaniteuse et opportuniste.

Tout ça pour vous dire que je n’étais pas grosse dans mes culottes quand j’ai commencé à recevoir vos lettres pour de vrai. Je me demandais ce que j’allais bien pouvoir vous dire. Au début, il n’y en avait pas beaucoup. Des lettres, je parle. Pis il y en a eu de plus en plus. Vous m’avez raconté pas mal d’histoires d’adultère. Tellement que je me suis mise à m’imaginer que tout le monde trompait tout le monde. Je pense que délicieux mari a essuyé quelques interrogatoires abusifs à cause de vous autres. D’ailleurs, vous devriez vous excuser. J’ai eu pas mal de courriels de divorcés, aussi. Des courriels où vous me racontiez que personne ne s’intéresse à vous, j’en ai reçu une pochetée. J’ai joué les entremetteuses pas mal de fois rapport à ceux-là. J’ai même formé un petit couple pis ils vont se marier dans pas long. Mais non, je niaise. Mais avouez que ça aurait été cute. Non, je ne savais pas quoi vous dire, au début. Ça fait que j’ai essayé de vous dire ce que je pensais pour de vrai. Sans mettre de gants blancs.

Au fil des semaines, j’ai souvent ri de vous. Je vous ai malmené souvent pis je vous ai dit vos quatre vérités. Mais vous avez toujours été bons joueurs et les lettres ont continué de pleuvoir dans ma boîte de réception. Il y en a dont je ne vous ai pas parlé, par exemple. Des lettres trop tristes ou trop graves pour être publiées. Des longs courriels où vous me racontiez que votre mari vous fesse dessus jour et nuit. Des paragraphes et des paragraphes où vous me décriviez en détail comment votre oncle, votre frère ou votre père abusait de vous. Des courriels de trois phrases où vous me confiiez votre envie d’en finir. À ces missives désespérées, je n’ai pas répondu dans le journal. Parce que je ne trouvais pas les mots pour le faire publiquement, mais surtout parce que je ne suis pas une intervenante ni une psychologue. À vous, je vous ai répondu personnellement. Du mieux que je pouvais. Parfois, nous avons échangé longuement. D’autres fois, vous avez préféré le silence. Ça m’a fait m’inquiéter. Ça m’a réveillée en pleine nuit. J’ai passé plusieurs heures, dans le noir de ma chambre, à me demander ce qui arrivait avec vous.

Non, je ne pensais pas qu’un courrier du cœur dans le journal me ferait pareil effet. Et je ne pensais surtout pas que vous me feriez confiance à ce point-là. Ça ne m’était jamais arrivé de recevoir autant de confidences. Vous m’avez raconté vos vies. On a parlé des vraies affaires. Pis grâce à vous, mon cœur s’est ouvert un peu plus grand. Merci.

Bonne année pis à l’année prochaine, pour un prochain courrier du cœur à l’endroit le 4 janvier.

* Dans la langue française, le masculin l’emporte sur le féminin, c’est pas de ma faute.

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