L’arrière-boutique
Ambitions internationales
La Presse
Une jeune femme au visage délicat et aux longs cheveux noirs nous ouvre la porte. C’est ici, dans ce petit une-pièce d’une tour près du centre-ville, que se trouve le pied-à-terre de la designer Karen Quirion à Montréal. Son atelier, lui, est installé à Thetford Mines, son patelin natal, où sa mère possède une usine de confection.
« Lorsque j’ai voulu lancer ma gamme, Montréal était mon premier choix et je voulais tout faire par moi-même », raconte celle qui a vécu à Québec, Milan et Buenos Aires avant de lancer sa première collection au printemps 2013. « Mais j’ai vite réalisé que ma meilleure option était de profiter des installations de l’usine, où j’ai accès à tout pour faire des produits de qualité. J’ai de la chance, et je le réalise ! »
C’est ainsi qu’elle a installé son atelier de confection à Thetford Mines, où elle conçoit et fabrique des pièces aux lignes épurées, taillées de façon irréprochable dans des matières de qualité comme le cuir ou la soie, et où le noir domine. « Je me réclame davantage d’une esthétique minimaliste à l’européenne, avec des coupes plus androgynes, d’inspiration masculine. Mais j’essaie toujours d’ajouter de petits détails qui se remarquent lorsqu’on regarde la pièce de près », explique-t-elle tout en nous montrant un pantalon droit avec ouvertures aux genoux, des vestons avec surpiqûres ou pièces de cuir appliquées au niveau des épaules.
Karen Quirion a fait quelques détours – fort utiles ! – avant de démarrer sa marque KQK en 2012. Si elle a toujours eu un tempérament artistique et était attirée par la mode, elle n’était pas certaine de vouloir devenir designer au départ, raconte-t-elle. « Quand j’ai terminé mes études secondaires, je cherchais où je voulais me diriger, mais je savais que je voulais voyager, découvrir d’autres cultures. »
Lorsqu’elle découvre que le campus Notre-Dame-de-Foy, à Québec, offre un DEC en design de mode, son intérêt est piqué. Il faut dire que, comme sa mère possède une usine de confection où elle aimait se rendre lorsqu’elle était jeune, elle a baigné un peu dans le milieu.
Mais une technique n’est pas suffisante pour les « idées de grandeur » de la jeune femme, qui semble carburer aux défis plus grands que nature. « J’aime bien faire les choses, me perfectionner à 100 % », lance-t-elle. Encore incertaine du chemin qu’elle veut emprunter, elle demeure à Québec durant encore une année pour apprendre de nouvelles langues. Au programme : mandarin, espagnol et italien. C’est là que, peu à peu, un projet se forge dans son esprit : celui d’aller étudier dans les grandes écoles de mode italiennes, à Milan.
Armée de son italien fraîchement appris, Karen Quirion étudie d’abord le marketing et la commercialisation de la mode à la Nuova Accademia di Belle Arti (NABA), puis réussit à être admise à l’Istituto Europeo di Design, où elle fait une maîtrise en communications et relations publiques en mode. En tout, elle vivra deux ans à Milan ; elle réussira même à faire un stage au
, une expérience qui lui confirme qu’elle désire avant tout créer ses propres pièces.Si ces domaines d’études ne sont pas liés directement au design, la créatrice constate à quel point ses connaissances lui servent aujourd’hui. « Pour moi, être designer, c’est aussi être libre, autonome, et pouvoir donner vie à ma vision. Les communications sont très importantes lorsqu'on démarre sa marque pour comprendre l’image qu'on veut promouvoir. Avant même de commencer à faire mes premiers sketches, j’avais une idée précise de ma direction. »
De retour au Québec, elle décide de partir de nouveau ouvrir ses horizons, à Buenos Aires, afin de perfectionner son espagnol durant deux mois. « C’est en Argentine que ma vision est devenue claire. J’aurais voulu lancer mon entreprise en Europe, mais je savais que ce n’était pas possible, car je n’aurais eu aucun soutien. C’est un marché très difficile à percer. »
Si elle démarre finalement sa marque au Québec, l’influence de son séjour en Europe et d’une certaine vision de la mode « à l’européenne » transparaît dans ses pièces sobres, monochromes, aux lignes épurées. Bref, elle est l’enfant d’une certaine idée du minimalisme à l’européenne, qui s’oppose à la
, et où .« Quand j’étais en Europe, je me promenais souvent dans les rues et j’observais l’architecture, les gens, ma musique dans les oreilles. Ces moments m’ont permis de mieux définir mon univers qui est très sobre, minimaliste, mais urbain », explique celle qui s’est rendue à Stockholm cet automne et qui dit s’être vraiment reconnue dans l’épuration à la scandinave.
Karen Quirion ne s’en cache pas : elle caresse le rêve de percer le marché européen. Pour le moment, elle s’occupe à faire connaître sa marque au Québec… et à dénicher ses premiers points de vente. Mais, avec son ambition et sa capacité à relever les défis, notre petit doigt nous dit qu’on n’a pas fini d’entendre parler d’elle.