Fleurs comestibles

De la plate-bande à la cuisine

« C’est encore plus une curiosité qu’une réelle popularité, mais il est vrai que les gens ont tendance à les utiliser davantage à la maison. Toutefois, pour le moment, ils se contentent encore souvent de la capucine, mais ne développent pas plus loin leurs goûts. Ils essaient de plus en plus, mais lentement », explique Hélène Baril, horticultrice et auteure du livre Fines herbes et fleurs comestibles : Pour les jardiniers gourmands (Bertrand Dumont éditeur).

En fait, le phénomène des fleurs comestibles est exactement le même que celui des fines herbes il y a quelques années. Les consommateurs les utilisaient séchées, puis peu à peu ont apprivoisé, d’abord, le persil frais et ensuite, de nouvelles fines herbes. Désormais, elles ne servent pas qu’à décorer une soupe, elles sont intégrées directement dans les recettes et nombreux sont les gens qui en cultivent dans leur cour ou même sur leur balcon.

DE LA DÉCO AUX CUPCAKES

Si les fleurs comestibles sont de plus en plus populaires, c’est, entre autres, parce qu’en cuisine, on mise de plus en plus sur l’originalité et la créativité. Mais pour Marie Châtillon, propriétaire des Jardins de Marichat, c’est plus qu’une mode. « Les gens ont besoin de se retourner vers la nature. De plus, ils se rendent compte qu’il y a beaucoup de choses présentes dans leur nature, même dans leur jardin, qu’ils n’utilisent même pas », explique-t-elle.

Les gourmands et les cuisiniers sont intéressés par les fleurs, car elles permettent d’épater les convives et de travailler avec des goûts nouveaux. L’entreprise Les Jardiniers du chef a débuté il y a 20 ans dans le domaine des fleurs comestibles. Sa production de fleurs comestibles est réalisée en serre 12 mois par année. Pour elle, l’engouement du grand public est tout de même récent, mais bien présent. « Le chemin est tracé. Les gens cherchent la nouveauté. Avec nos mélanges de salades à base de pousses et de fleurs, fini les salades qui ne goûtent rien et que l’on noie de vinaigrette », explique Louise Lafond, directrice générale des Jardiniers du chef.

« Chaque bouchée est différente selon le calibre des différentes pousses qu’on y trouve. C’est beaucoup plus santé, car on n’a qu’à rajouter juste un peu d’huile d’olive ou un vinaigre de miel. »

— Louise Lafond

En effet, Les Jardiniers du chef offrent, entre autres, le mélange Mesclun Fleurs qui comprend des jeunes pousses de mini-roquette, de mini-moutarde, des feuilles de betterave et de céleri en plus de fleurs de soucis, de dianthus et de centaurées.

Étonnamment, c’est le goût des fleurs comestibles – et ses possibilités nouvelles – qui attire les curieux, mais c’est aussi celui-ci qui peut rebuter les moins audacieux. « Les fleurs comestibles, ça ne goûte pas le parfum ! », spécifie Martine Gingras, blogueuse réputée qui partage ses trucs culinaires, ses talents de jardinière et son art de vivre autrement sur son blogue Banlieusardises. « C’est parfois une idée préconçue qui empêche certaines personnes d’oser goûter, parce qu’elles s’attendent à une forte saveur florale. Mais en fait, les fleurs ont des goûts très variés. Même le brocoli est une fleur comestible ! Donc, dire qu’on n’aime pas "les fleurs comestibles", ça n’a pas plus de sens que de ne pas aimer "les légumes" ou "les fruits". C’est un monde à découvrir et si on n’en a pas aimé une, il y en a encore et encore et encore d’autres à essayer. »

UNE PRATIQUE SÉCULAIRE

Les plaisirs des fleurs comestibles sont donc multiples et se transposent autant dans la redécouverte de variétés connues que l’exploration d’inédites, et ce, autant à la cuisine qu’au jardin. Tous les étés, Élise Durocher, propriétaire de Fleurs & Délices, un jardin de fleurs comestibles établi à Terrebonne depuis 14 ans, offre des ateliers aux curieux : une visite découverte qui permet une exploration des fleurs et des saveurs, une dégustation gourmet pour essayer différents produits artisanaux exclusifs, une expérience hémérocallissimo pendant la floraison des hémérocalles et dégustations de plats les mettant en vedette, ou une expérience écologique ou gourmande.

« Avec toutes les émissions de cuisine à la télévision, les gens veulent agir comme de grands chefs chez eux et proposer des assiettes particulières. Désormais, ils ne veulent plus juste déposer une jolie fleur sur une soupe, ils en veulent plus. J’ai même créé un petit livret de recettes pour apprendre à se servir des fleurs de la soupe jusqu’au dessert et comment aussi utiliser les produits fins faits à base de fleurs. On se laisse souvent tenter par un petit pot de gelée, mais une fois qu’on l’a utilisé en accompagnement avec du foie gras, le pot finit dans le fond du frigo et on le jette, quelques mois plus tard quand on le retrouve », souligne Élise Durocher.

Manger des fleurs et des herbes ne date pas d’hier : de nombreuses civilisations en consommaient autant pour leurs arômes que pour leurs vertus médicinales, et on en retrouvait même sur les tables des rois au Moyen-Âge. On peut dire que croquer les fleurs est un art naturel, autant culinaire que botanique, retrouvé. La table est dressée, il ne reste plus qu’à jouer avec audace, avec leurs parfums et leurs couleurs !

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