Pas de panique, mais…
Non, Joey Saputo n’envisage pas de vendre l’Impact, même si de nombreuses villes américaines seraient sûrement désireuses de mettre la main sur la concession. Ce serait « très difficile » pour sa famille d’agir ainsi, explique-t-il, puisque le maintien d’une équipe de soccer professionnel à Montréal est depuis longtemps une de ses manières de redonner à la communauté.
Cela dit, M. Saputo l’avoue : il n’envisageait pas une progression aussi fulgurante de la Major League Soccer (MLS) lors de l’accession de l’Impact à ce circuit en 2012. Le prix des concessions atteint 150 millions US ; plusieurs équipes s’installent dans de nouveaux stades spectaculaires, qui sont autant de machines à maximiser les revenus ; le nombre de joueurs vedettes aux salaires généreux augmente sans cesse.
Ces changements sont les signes d’une ligue en santé. Mais pour reprendre l’expression du propriétaire-président de l’Impact, ils « interpellent » aussi les Montréalais à propos d’une réalité incontournable : l’organisation a raffermi sa place sur notre échiquier sportif depuis sept ans, mais elle fait du surplace à plusieurs égards. Si un coup de barre n’est pas donné, cela la laissera dans le sillage des organisations les plus performantes.
C’est pour expliquer cette réalité que M. Saputo, d’un ton calme et presque pédagogique, a dressé le bilan d’affaires de son organisation, hier midi, dans un intéressant entretien avec plusieurs journalistes.
Oui, sur papier, la plus-value économique réalisée sur l’investissement initial est gigantesque : l’Impact vaut aujourd’hui beaucoup plus que les 40 millions US versés pour accéder à la MLS. Mais cette transition a nécessité des investissements importants en infrastructures (agrandissement du stade Saputo et aménagement du Centre d’entraînement Nutrilait). Et les pertes d’exploitation, une moyenne de 11 millions par saison, sont importantes.
Comment expliquer ces déficits ? En clair, l’Impact ne touche pas les revenus espérés aux guichets. Le prix moyen d’un billet est inférieur de 10 $ à celui de la moyenne de ses rivales, et les abonnements saisonniers (moins de 10 000) n’atteignent pas l’objectif fixé (13 500). Quant aux partenariats corporatifs, ils ne sont pas assez nombreux.
Ironiquement, un des seuls domaines où l’Impact est un leader en MLS, c’est celui des ventes de groupe. « Mais je ne sais pas si cela me rend heureux », dit M. Saputo, rappelant que ces billets sont vendus au rabais. Il serait préférable que les sièges à prix ordinaire soient plus en demande.
« Nous devons régler le problème de déficit financier structurel et faire de l’Impact un club financièrement viable à long terme. »
— Joey Saputo, propriétaire de l’Impact de Montréal
Cet objectif est-il atteignable ? Si les partisans, les milieux d’affaires et la mairie de Montréal se mobilisent, l’affaire fonctionnera, estime M. Saputo. A-t-il raison d’afficher cet optimisme ? Si le passé est garant de l’avenir, la réponse n’est pas évidente.
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L’Impact nous a fait vivre quelques moments magiques depuis 2012, époque où son retentissement à Montréal s’est élargi au-delà du cercle des initiés. Aujourd’hui, les joies et drames de sa vie quotidienne sont soigneusement documentés par les médias. On peut même croire que l’équipe compte parmi celles de la MLS qui génèrent le plus de couverture dans son marché.
Pourtant, même si le stade Saputo compte moins de 21 000 sièges, l’Impact joue rarement à guichets fermés. Et il suffit de discuter avec des amateurs de sport pour constater que peu de ses joueurs sont vraiment connus. Après sept ans, cela pose problème. L’engouement espéré ne s’est pas matérialisé. Et comme l’explique le vice-président de l’équipe, Richard Legendre, beaucoup de gens se considérant comme des fans de l’Impact visitent peu le stade Saputo. « Il faut créer un plus grand attachement », dit-il.
M. Saputo espère faire des pas de géant à ce chapitre au cours des deux prochaines années. Il se dit convaincu que le milieu des affaires, que l’organisation sollicitera avec plus de vigueur, répondra présent. Des rencontres préliminaires lui donnent cet espoir.
Dans ce contexte, quel est son véritable objectif financier ? La famille Saputo est manifestement prête à vivre avec un déficit annuel récurrent, pourvu qu’il soit raisonnable. Elle sait aussi que dans notre marché, les dépenses en salaires n’iront pas en diminuant. Montréal aime les têtes d’affiche, ces joueurs de renom qui attirent l’attention. Et ces gars-là coûtent de plus en plus cher.
Bref, pour suivre la parade, l’Impact devra dépenser davantage. La nécessité d’augmenter ses revenus devient donc essentielle.
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Dans ses dossiers prioritaires, M. Saputo souhaite obtenir un allègement de la Ville de Montréal à propos de son compte de taxe foncière (stade Saputo et Centre Nutrilait), présentement de 2 millions par année. Il a rencontré Valérie Plante à ce sujet la semaine dernière. La mairesse s’est placée en mode « écoute ».
M. Saputo a des arguments en sa faveur. L’organisation est imposée sur des équipements dont elle n’est pas propriétaire et qu’elle a financés en bonne partie.
Ce dossier sera néanmoins difficile à vendre dans l’opinion publique. M. Saputo le sait très bien et entend prendre son bâton de pèlerin pour exposer ses arguments. Quant à la Ville, un porte-parole m’a précisé hier que les deux parties avaient « convenu de poursuivre la discussion afin de travailler à trouver des solutions qui conviendront à la fois au club et à la Ville ».
Dans ses cartons, M. Saputo a un projet d’agrandissement de 50 millions du stade Saputo financé privément. On ajouterait des étages à la tribune le long de la rue Sherbrooke à l’intention d’une clientèle disposée à payer davantage pour profiter de sièges de luxe et d’une offre alimentaire bonifiée. Il est impressionné par le modèle du stade de la Juventus de Turin, où une minorité de sièges génèrent l’immense majorité des revenus. Mais si cet investissement double le montant de ses taxes, il estime que le jeu n’en vaut pas la chandelle.
Les débats à propos de toute forme d’aide à une équipe sportive professionnelle sont toujours émotifs. Et celui-ci ne fera pas exception à la règle.
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Je retiens de la rencontre d’hier que Joey Saputo est plus que jamais déterminé à faire de l’Impact un succès sur les plans sportif et d’affaires. Et qu’il multipliera les efforts en ce sens, conscient que son organisation a tenu jusqu’ici trop de choses pour acquises. Il faudra travailler fort pour augmenter la popularité de l’équipe.
Souhaitons que M. Saputo, qui évalue à 189 millions ses investissements dans l’aventure de l’Impact depuis la construction du stade, relève ce défi. C’est nécessaire pour la santé du sport professionnel à Montréal. Par contre, si la progression souhaitée n’est pas au rendez-vous et si les revenus de billetterie stagnent toujours dans deux ans, son discours deviendra sûrement plus alarmiste. Pour l’instant, il n’y a pas de panique. Mais si les choses ne changent pas…