La personnalité de l’année  Peter Simons

Unis derrière la même vision

Le président-directeur général de La Maison Simons, Peter Simons, a marqué l’année 2018 dans le monde des affaires avec l’annonce de projets futuristes majeurs. Pour saluer cette audace d’embrasser la révolution numérique et technologique qui ébranle les fondations de tant de nos univers, Peter Simons est la personnalité de l’année de La Presse.

Le courage de regarder l’avenir et d’agir

Semaine du 10 juin

Peter Simons

Le président-directeur général de La Maison Simons, Peter Simons, a marqué l’année 2018 dans le monde des affaires avec l’annonce de projets futuristes majeurs pour son entreprise de commerce de détail. Mais c’est aussi un message inspirant à toute la société québécoise qu’il a lancé en s’alliant avec le gouvernement et avec des investisseurs issus de la collectivité pour créer des emplois, encourager le développement technologique et, ce faisant, renforcer la capacité de son entreprise à concurrencer les plus grands des géants américains.

« Notre plan avance. On coule des dalles. On va commencer à installer la mécanique et les robots en janvier… », explique Peter Simons au bout du fil, puisque l’homme d’affaires de 54 ans n’est pas à Montréal, mais à Québec, où est solidement installé le siège social du groupe. « On prévoit toujours la mise en marche au mois d’août 2020. »

Ce dont parle le PDG de La Maison Simons, c’est le tout nouveau projet de son entreprise annoncé à la fin du printemps 2018 : la construction d’un centre de traitement des commandes des magasins Simons, un entrepôt intelligent, robotisé, qui sera à la fine pointe de la technologie et qui permettra une gestion ultra-efficace des stocks.

Le but de tout cela : être capable d’offrir un service qui fera concurrence aux Amazon et autres colosses en ligne de ce monde. (Un objectif qui va de pair avec son combat pour l’équité fiscale entre les entreprises, qui l’avait conduit en 2017 à faire une sortie publique remarquée en compagnie de Québec solidaire.)

Pour ce plan audacieux, La Maison Simons, une des plus anciennes entreprises familiales du Canada, a ouvert sa propriété à la Caisse de dépôt et à Investissement Québec, et est aussi allé chercher l’appui du fonds immobilier de la FTQ. En tout, la société a réussi à recueillir 145 millions, en plus de ses propres investissements, pour un projet qui totalise 215 millions et parle de 450 emplois.

Mais ce projet ne vise pas seulement l’amélioration du fonctionnement du service de vente en ligne de la chaîne. C’est aussi un projet d’investissement dans les plus petites entreprises qui vont permettre les améliorations technologiques de Simons. C’est aussi un projet qui parle aux fournisseurs de la grande entreprise québécoise, qui pourra ainsi avoir une fonction d’incubateur. Ce n’est pas l’affaire d’une seule personne ni même d’une seule société. Peter Simons le répète souvent : tout cela est réellement un travail d’équipe.

Et en plus, Simons continue d’investir dans les infrastructures traditionnelles qui desservent directement les communautés, puisqu’en 2018, la chaîne a annoncé qu’elle ouvrirait un nouveau grand magasin dans l’Ouest-de-l’Île, un 16e pour la chaîne. Il sera construit à Pointe-Claire, aux deuxième et troisième étages d’un ancien Sears, un projet de 100 000 pi2 avec Cadillac Fairview et Ivanhoé Cambridge.

Cinq conseils pour réussir dans les affaires

La Presse a demandé à Peter Simons comment il voyait l’avenir, ce qu’il expliquerait à de jeunes entrepreneurs désireux de se lancer dans les affaires. Voici les thèmes qu’il a abordés.

1. Ne jamais oublier qu’aujourd’hui, les plus importants actifs d’une entreprise ne sont pas comptés dans la comptabilité officielle.

On compte la valeur des immeubles, de la machinerie, l’argent à la banque, les dettes, les comptes à recevoir. Mais deux importants actifs ne se retrouvent pas dans les chiffriers. D’abord, il y a la quantité et la qualité des compétences des gens qui travaillent dans l’entreprise. Et ensuite, il y a la quantité et la qualité des données que l’on détient sur tout, autant sur l’évolution des marchés que sur ce que veut la clientèle de l’entreprise. Dans le cas d’Amazon, ça se reflète sur sa capitalisation boursière. « Mais la vérité, c’est que souvent, les investisseurs veulent savoir si on a des camions qui fonctionnent, pas si nos employés sont heureux. Or, c’est très important. »

2. Tout change très vite, et il faut l’accepter et l’embrasser.

Chaque matin, il faut s’interroger soi-même et se faire interroger. Il faut avoir le courage d’exprimer ses idées et l’humilité de les voir remises en question par d’autres. « Je crois beaucoup à la vigueur des hybrides, l’enrichissement par les croisements », dit l’homme d’affaires.

3. La croissance est dans l’intangible, et c’est un immense changement.

Dans le numérique, dans les idées, dans les façons de faire, dans la transformation de nos acquis… Cela veut dire que tout dans la société change et, malheureusement, les politiciens ne le comprennent pas. « Je crois que ce qu’on voit en politique en France, en Hongrie ou même aux États-Unis est le reflet du fait que les politiciens ne comprennent pas. » Parce que la migration vers l’intangible change tout, insécurise, force l’adaptation, le changement du travail, des modes de vie, de tout. La migration vers l’intangible crée aussi carrément des besoins en politiques publiques, notamment un ajustement de la fiscalité. Il faut apprendre, inventer comment taxer la valeur de l’intangible pour poursuivre les missions de partage et d’investissements sociaux des gouvernements. « Il faut se demander, comment, maintenant, on finance nos projets de société. » C’est à tout le monde d’y penser.

4. Être proactif

Il ne faut pas attendre les crises pour réagir. Il faut essayer de prévoir l’évolution des phénomènes.

Par exemple, le journalisme est en danger parce que les modèles d’affaires anciens sont remis en question, il faut en parler maintenant. « Les journalistes, on ne pense pas en avoir besoin jusqu’à ce qu’on en ait besoin… On est juste au début du problème avec Netflix [et la question des taxes] et La Presse [qui doit étudier son financement]. C’est juste la première vague. Le tsunami s’en vient. Il faut imaginer les changements, voir comment ça va évoluer et agir avant. » Même chose pour tout ce qui touche l’environnement et les conditions de travail. Ça fait partie du paysage maintenant. Dépense-t-on trop d’énergie, produit-on trop de déchets, notamment avec les emballages, les processus de fabrication et de distribution sont-ils non polluants, les conditions de travail chez les fournisseurs à l’étranger sont-elles bien vérifiées ? Les questions sont nombreuses. Et doivent être posées maintenant. Il faut même penser aux questions que les consommateurs ne posent pas encore, mais qu’ils vont probablement poser en 2019.

5. Humilité et passion

« La passion parce que ça prend beaucoup de courage et de conviction et cette énergie pour avancer. » L’humilité pour savoir corriger le tir, accepter d’entendre les autres, s’adapter.

— Propos recueillis par Marie-Claude Lortie, La Presse

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