Thaïlande

Visite à l’usine

SAMUT SAKHON, Thaïlande

 — Lorsque Choopong Luesukprasert, le grand patron de Marine Gold Products, arrive à notre rendez-vous, il a l’air si jeune, si relax, qu’il est difficile d’imaginer que c’est lui le dirigeant de cette immense entreprise qui vend ses crevettes congelées un peu partout chez nous, de Metro à Sobeys, en passant par Costco et M & M.

Il parle parfaitement anglais, rit beaucoup, est fier du succès de son usine qui est si grande qu’il faut prendre la voiture pour aller du bureau de la direction aux lieux de transformation. Une BMW spectaculaire. Un bolide de 300 000 $ construit sur mesure en Europe, nous explique le jeune entrepreneur de 36 ans, père de quatre enfants, qui a lancé son entreprise à 24 ans.

Pour visiter l’usine, on emprunte un couloir suspendu, une passerelle fermée avec des hublots qui permettent d’observer de haut toute la chaîne de production. Sur le plancher, des centaines d’ouvriers s’affairent à décortiquer, trier, placer, emballer les crevettes. Ils sont habillés de tons pastel, différents selon qu’ils travaillent les crevettes crues ou cuites – les deux groupes sont si distincts qu’ils ont chacun leur cafétéria – et selon leur position dans la chaîne de transformation des crustacés. Ils sont parfois debout, parfois légèrement assis sur des appui-fesses. Ils sont couverts de la tête aux pieds, avec des numéros sur leurs vêtements comme des athlètes dans une course. « Comme ça on sait qui est qui », explique Choopong Luesukprasert.

L’usine compte 3000 employés, dont une forte proportion est d’origine birmane, des gens qui sont nourris sur place, dont on fait la lessive et qui, contrairement à ceux de bien d’autres entreprises, sont payés en respectant les règles du salaire minimum. « Mon taux de roulement est de 6 % », explique le directeur général de l’usine, qui affirme que dans le secteur le taux est souvent de 30 %.

Ces gens, nous explique le propriétaire, sont payés comme le veut la loi :  300 bahts par jour, soit environ 10 $ selon le taux de change actuel. Ceux qui pèlent les crevettes plus rapidement ont droit à 25 bahts de plus.

L’usine transforme normalement 60 tonnes de crevettes par année. Mais actuellement, les problèmes de production des fermes touchées par le EMS, un mal qui frappe la crevette blanche, empêchent l’entreprise de fonctionner à plein régime.

Tout est impeccablement propre. Impeccablement rodé. Lorsqu’on regarde l’usine rouler avec ses milliers d’employés tous en uniformes, on dirait une fourmilière, une scène de James Bond d’où sortent non pas des lingots d’or ou des armes nucléaires produites par un vilain spectaculaire, mais plutôt de parfaites couronnes de crevettes à cocktail qui s’en vont directement chez Costco. Ou Sobeys. Ou Metro.

« Mais je peux vous garantir que ceci n’est pas représentatif de l’industrie en général », tient à préciser M. Luesukprasert. Son usine est plus moderne. Plus efficace.

« Et tout le monde me dit que c’est un des bons endroits, où on traite bien les gens, confirme Andy Hall, défenseur des droits des travailleurs immigrés. Ce n’est pas comme ça partout. »

M. Luesukprasert est catégorique : «  Je dois prendre soin des gens qui travaillent ici. J’ai été immigrant moi-même à Singapour. Je sais ce que c’est. Et puis, la vérité, c’est qu’aucune machine ne peut remplacer les travailleurs que vous avez vus. Nous avons besoin d’eux. »

L'usine en chiffres

24 heures : temps maximum entre la sortie de l’eau des crevettes et la congélation et l’emballage.

30 jours : nombre maximum de jours entre le départ en bateau de Thaïlande des paquets de crevettes congelées et l’arrivée au Canada.

60 tonnes métriques : quantité de crevettes qui passent par l’usine chaque année.

25 000 m2 : superficie de l'usine

3000 : nombre d'employés

300 bahts : salaire de base des 3000 travailleurs, soit environ 10 $ par jour. Certains peuvent gagner 325 bahts (10,85 $) s’ils travaillent vraiment rapidement.

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