OPINION SANTÉ PUBLIQUE

Comment diminuer l’espérance de vie

Les gouvernements font une erreur en diminuant notamment le financement en prévention

La recette est si simple. Se laisser submerger par des épidémies, diminuer nos efforts de lutte contre les maladies infectieuses, vacciner moins. Limiter l’accès à la première ligne de soins de santé et s’assurer que les cliniciennes et cliniciens au front n’ont plus le temps de faire de la prévention.

Par ailleurs, il ne faut surtout pas intensifier la lutte contre le tabagisme. On peut aussi s’assurer de ne pas être prêt lorsqu’une urgence sanitaire survient. Mais, plus efficace que tout pour diminuer de façon durable l’espérance de vie : s’assurer d’ébranler les piliers fondamentaux d’une bonne santé tels que des revenus suffisants, des logements salubres et adéquats, un milieu de travail sain, un système d’éducation permettant à nos enfants de développer leur plein potentiel.

Cela n’est pas de l’ironie. Cette semaine, l’Institut de la statistique du Québec annonce que les gains d’espérance de vie progressent au Québec. Partout au Canada, depuis un siècle, on vit environ 30 années de plus et en meilleure santé.

De ces 30 années d’espérance de vie gagnées, 25 sont dues à des actions en prévention des maladies. Ces données sont attestées par les très réputés Centers for Disease Control et l’Association canadienne de santé publique. 

Pourtant, une tendance alarmante est en cours à travers le Canada.

On affaiblit massivement la prévention ; la santé publique est rétrogradée au sein de plusieurs gouvernements provinciaux ; on sape l’indépendance des directrices et directeurs de santé publique et leur capacité à s’exprimer sur des questions d’intérêt pour la santé de la population ; on demande trop souvent aux professionnels de santé publique de s’occuper de soins individuels plutôt que de s’atteler à prévenir en amont les problèmes de santé ; et les gouvernements réduisent le financement en prévention. Exactement comme si on cherchait à diminuer l’espérance de vie.

Je fais partie d’un groupe d’universitaires et de médecins, auteurs d’un éditorial de la Revue canadienne de santé publique qui vient de paraître. Nous y décrivons l’affaiblissement de la santé publique en cours et proposons des pistes de solution à cette crise.

À l’heure actuelle, différents ordres de gouvernement partout au Canada manquent réellement à leur devoir.

Affaiblir la santé publique, c’est menacer la santé de la population et mettre en péril la viabilité du système de soins de santé. Nous croyons qu’il est pressant de mener une enquête nationale sur l’état de la santé publique. Surtout, il est urgent pour nos gouvernements de remettre en application le proverbe que tous nos ancêtres, qui vivaient pourtant beaucoup moins longtemps que nous, connaissaient fort bien : mieux vaut prévenir que guérir.

* Professeure adjointe de clinique à l’École de santé publique de l’Université de Montréal

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