Imbroglio financier dans le milieu artistique

Bori et les Productions de l'onde émergent

Contre toute attente, depuis un mois, Edgar Bori dort bien. « Je pose ma tête sur l’oreiller, je ferme les yeux et je pars, résume le chanteur. Mais je suis déboussolé par moment. Je ne cours plus depuis trois semaines. Mon corps accuse le coup. Je dois monter un spectacle bientôt, mais je n’ai pas encore répété. Je ne suis pas démoli, mais habité. »

Le fondateur des Productions de l’onde a le nez plongé ailleurs. Dans des factures et de la documentation juridique, notamment. Depuis un mois, il cherche les morceaux d’un casse-tête qu’aucun entrepreneur ne souhaite faire dans sa vie : le puzzle d’un revirement d’affaires malheureux. « Il ne nous manque que quatre ou cinq morceaux, estime-t-il. On va vraiment avoir un bon portrait de la situation bientôt. Au moins, on a colmaté la fuite. » 

De 40 000 $ à - 400 000 $

Depuis que Bori et sa conjointe Cathie Bonnet ont repris la direction des Productions de l’onde, ils vont de découvertes en mauvaises surprises. En vendant leur entreprise à Nicolas Asselin et Steve Desgagné de NSF Média, en juin dernier, ils ne se doutaient pas que quatre mois plus tard, ils reviendraient à la tête d’une entreprise avec un trou de 400 000 $. 

« Alors qu’au 12 juin, il y avait 40 000 $ dans le compte de banque, affirme Bori. On a découvert que deux billets de saison de hockey d’une valeur de 13 600 $ avaient été achetés. Il y a environ 100 000 $ en fournisseurs et 80 000 $ en comptes de cartes de crédits impayés. »

Disparition

On reste toujours sans nouvelles officielles de Nicolas Asselin depuis plusieurs semaines. Pendant ce temps, les Productions de l’onde, d’autres producteurs, des artistes et une quarantaine de municipalités du Québec prennent aujourd’hui la pleine mesure des dégâts financiers causés à la suite de la mise sur pied du RIME (Regroupement indépendant de la musique émergente) par Nicolas Asselin, qui promettait une tournée de spectacles dans de petites villes. 

Celui-ci, selon des proches et TVA, aurait pris la fuite au Maroc en octobre. Il serait disparu alors que des municipalités auraient notamment versé 2500 $ au tandem Asselin-Desgagné pour l’organisation des spectacles.

Pour l’instant, de ce côté-ci de l’Atlantique, les petites villes impliquées n’ont pas encore porté plainte à la Sûreté du Québec. Certaines avaient retenu leur dépôt de 2500 $, d’autres plus chanceuses ont eu leur spectacle avec les chanteurs Dumas et Daniel Boucher, entre autres. Le RIME a toutefois évoqué l’idée d’un recours collectif. Et Steve Desgagné, non joignable au téléphone malgré plusieurs appels, aurait vendu toutes ses actions dans l’entreprise NSF Média la veille de la disparition de M. Asselin, selon nos informations.

Productions de l’onde, que NSF Média avait achetée pour soutenir la tournée, est probablement le plus grand perdant dans cette histoire. 

Pourquoi avoir rapidement repris l’entreprise qui croule sous les dettes ? « C’est notre bébé qu’on a mis au monde en 1992, répond Bori. Je souhaitais sa pérennité. Nous défendons les artistes émergents. Et on ne voulait pas les laisser dans une bouette juridique. Dans le contrat, il y avait une clause de reprise de l’entreprise dès un défaut de paiement par les nouveaux propriétaires. »

Une solution bientôt ?

Edgar Bori tient à rassurer les artistes pour qui l’entreprise agit comme producteur. « On veut redresser la situation, dit celui qui n’est pas en cause dans cette histoire. On veut que les artistes récupèrent leur dû, mais c’est compliqué, car parallèlement, il faut rembourser les créanciers. »

Depuis le 21 octobre, Bori et Bonnet travaillent d’arrache-pied pour trouver des sommes à rembourser. « On est en train de départager qu’est-ce qui est légal pour savoir qui va poursuivre qui, explique Bori. À date, j’ai appelé tous les créanciers connus pour leur expliquer la situation, pour leur demander du temps afin de démêler tout ça. On a rencontré la SODEC, Musicaction, la Caisse de la culture… On veut que celle-ci puisse dégeler les comptes. On prépare un plan de relance et de restructuration, mais je veux m’assurer que les artistes et artisans, pour qui 4000 $, c’est beaucoup, soient payés. »

Mais comment trouver l’argent ? « Si on est incapables d’éponger les dettes, on pense à une levée de fonds. Sinon, deux personnes sont intéressées à reprendre l’entreprise pour éponger les dettes. On est en intenses discussions avec eux. Ce serait un débouché heureux. Le nom resterait et le RIME disparaîtra complètement. »

En attendant, Bonnet et Bori aimeraient récupérer tout le matériel qui leur appartient. Depuis que NSF Média a déménagé les locaux de Productions de l’onde des rues Hutchison à Falardeau, à Montréal, on a laissé au propriétaire du local deux ou trois mois de loyers impayés ! « Nous devons payer pour récupérer nos trophées, CD, affiches et tout le système téléphonique, s’attriste Bori. En attendant, on travaille dans des bureaux de fortune sur Iberville. »

Au moins, l’honneur personnel est sauf. « Personne ne regarde Productions de l’onde autrement que comme une victime, constate Bori. Tous les fournisseurs et créanciers savent qu’on est à notre affaire. »

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