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Bodybag by Jude : 15 ans plus tard

Judith Desjardins a un parcours bien à elle et a su emprunter des chemins parfois inusités pour arriver où elle est aujourd’hui. Non, elle n’a pas étudié en mode, mais elle a appris de façon autodidacte. Très intuitive, elle se laisse inspirer par ce que la vie place sur son chemin. Et la naissance de sa marque, Bodybag by Jude, a un peu des airs de conte de fées qui se déroulerait dans un rave durant les années 90.

À cette époque, la culture rave est en plein essor. La jeune Judith Desjardins, entre ses cours en communications à l’UQAM, fréquente assidûment ce milieu, où il est de mise d’arriver vêtu des plus extravagantes tenues – jamais la même, bien sûr ! Ayant grandi avec une mère qui cousait, Judith a appris assez jeune à manier la machine à coudre et à créer des morceaux de vêtements à son goût. Elle se met donc à fabriquer ses propres habits pour les nombreuses soirées auxquelles elle assiste : « Je voyageais beaucoup pour assister aux différents raves et je me rendais souvent à New York. Bref, j’étais pas mal impliquée dans la scène rave à cette époque et j’ai rencontré plusieurs personnes », raconte-t-elle.

C’est à cette époque qu’elle croise le chemin du promoteur du groupe Deee-Lite (qui tentait de faire un retour à cette époque). Impressionné par ses créations, il lui propose de l’aider à se faire un nom à New York : « Finalement, il ne m’a pas aidée du tout ! se souvient-elle en riant. Mais je suis allée à New York faire le tour des boutiques de clubwear avec une petite collection et j’ai réussi à vendre quelques pièces. J’ai commencé comme ça. »

Du clubwear au prêt-à-porter

Avec quelques boutiques qui vendent ses créations à New York, la designer est précédée d’une rumeur favorable. Elle vend ses vêtements destinés aux raves dans des boutiques à Montréal, participe à des salons consacrés à l’industrie aux États-Unis. « Au début, je vendais plus aux États-Unis qu’au Canada ! Peu à peu, les boutiques canadiennes ont embarqué. »

Mais en 2005, avec l’ouverture des marchés et les sociétés qui commencent à produire en Asie des pièces vendues à bas prix, la designer doit prendre une décision quant à l’avenir de sa marque. « C’est une époque qui a fait mal aux gammes canadiennes de clubwear et de streetwear, car je n’étais pas toute seule dans ce créneau-là. J’ai donc décidé de prendre une tangente plus prêt-à-porter. D’ailleurs, parmi toutes ces entreprises, je suis pas mal la seule qui existe toujours », constate-t-elle.

Sa direction : « Jeune femme de carrière, mais avec un twist ! », lance-t-elle. La designer aime jouer avec les codes, adopter un style pour mieux le transgresser, en catimini. « J’aime cette idée de structure qu’on peut venir transgresser. Dans mes collections, j’aime mélanger le masculin et le féminin, prendre des tissus plus masculins pour créer des pièces féminines et vice-versa, ou alors mélanger la structure et la fluidité, le mou et le dur. J’aime les contrastes », affirme celle qui se dit inspirée autant par le côté propret d’Yves Saint Laurent que par la culture punk.

Elle avoue d’ailleurs adorer les uniformes, qu’elle vient « casser ». Cela tombe bien, car Bodybag a eu son tout premier contrat pour la société d’aviation DAC, afin de créer les uniformes de leurs pilotes et de leurs agents de bord. Un petit contrat qui mènera peut-être ailleurs ? Elle l’ignore, mais se laisse porter par ce que la vie lui apporte.

L’intuition de la création

Non, Judith Desjardins n’a rien d’une illuminée ! Mais elle a sa façon bien à elle de voir la vie. Et ce qu’elle constate, c’est que, bien souvent, ce sont des événements d’apparence anodine qui vont tout à coup l’inspirer et donner une direction à ses collections. Conscience collective, synchronicité ? Un peu de tout cela.

« Je n’ai pas étudié en design et je n’ai jamais travaillé ailleurs, donc je n’ai aucune idée de la façon dont fonctionnent les autres designers. Ma seule référence, c’est moi-même ! J’ai toujours fonctionné par intuition. Je n’ai jamais de thème précis habituellement lorsque je commence à créer. »

C’est en cours de création que surgissent ces petites coïncidences qui font naître une thématique, une collection qui se tient : une musique remarquée par hasard à plus d’une reprise qui l’amène sur une nouvelle piste, une couleur récurrente. Quelque chose qui a parfois à voir, croit Judith Desjardins, avec la conscience collective où circule un « flux d’idées et de tendances ».

Un processus angoissant, reconnaît la designer. « Lorsque se produit cet amalgame de coïncidences qui fait que tout se tient, c’est cool ! Mais c’est angoissant lorsque ce moment n’arrive pas. J’ai des styles, des tissus, mais rien ne semble fonctionner ensemble. Puis, un matin, j’arrive et hop ! tout se place. »

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En quelques mots

Judith Desjardins, 41 ans, designer

Lieu de naissance : Longueuil

Études : communications à l’UQAM et des cours complémentaires à l’École supérieure de mode.

Sources d’inspiration : la musique, les voyages, la vie!

Voyages récents : Sayolita (Mexique), Biarritz (France), San Sebastián (Pays basque-Espagne) et Montauk (État de New York).

Son obsession : le surf! Je suis pourrie, mais j’adore ça!

Ma griffe, en trois mots : contraste, confort, décalée

Points de vente : son atelier-boutique Jude Clothing, au 17, rue Bernard Ouest, ainsi qu’une vingtaine de points de vente dans la province.

Boutique en ligne : boutique.bodybagbyjude.com

Site web : bodybagbyjude.com

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Visite de l’atelier-boutique 

Judith Desjardins a réalisé un rêve en ouvrant son atelier-boutique, en 2006, rue Bernard Ouest. « Pour nous, ç'a été salvateur d’avoir à la fois la boutique et la vente en gros, plus le web, qu’on est en train de développer. C’est la diversité qui fait qu’on peut perdurer. »

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Un cadeau pour ses 15 ans

Pour fêter les 15 ans de Bodybag by Jude, Judith Desjardins, qui envisageait une carrière dans le cinéma avant de devenir designer, s’est offert un cadeau en créant un court métrage aux accents oniriques, avec en vedette sa collection automne/hiver 2013.

Crédits :

Production : Judith Desjardins

Réalisation : Yola van Leewenkamp

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Collection automne/hiver 2013

Pour l’automne, Judith Desjardins s’est inspirée de la culture pop britannique pour créer des looks classiques avec un côté urbain un peu décalé, dominé par le velours, le rouge et le noir, les motifs fleuris style tapisserie et les jeux sur la texture et la structure.

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Pourquoi Bodybag ?

D’abord simplement appelée « Jude », la ligne de Judith Desjardins deviendra finalement Bodybag by Jude en 1998. Pourquoi ce nom à connotation un peu morbide (body bag signifie littéralement « housse mortuaire ») ?

« Au début, chacune de mes collections avait un thème, et je suis tombée sur un article qui disait " Ending in a body bag ". Je trouvais que le mot était le fun, et j’ai créé une collection qui s’inspirait de ce thème. On avait même fait le shooting photo à la morgue ! J’ai gardé le nom, car il y a une philosophie qui s’est greffée à ça avec le temps, qui dit : " Because everything can happen so fast ". On ne sait jamais ce qui peut nous arriver, donc il faut apprécier le moment présent. »

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Surfeur dans l’âme

Présentée à la dernière Semaine de mode de Montréal, la collection printemps/été 2014 de Bodybag by Jude se décline sur la thématique du surf urbain. Un voyage à San Sebastián, où urbanité et mer se côtoient, a notamment inspiré la designer.

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