Entrevue avec Jacques Duchesneau
Une expérience politique décevante
La Presse
Québec
Ma tête me dit de ne pas abandonner le combat, mais mon corps ne suit plus. Je ne suis plus capable de voir des gens en autorité répondre aux questions en ne disant rien ou en mentant. Je me fais violence.
Bertrand St-Arnaud [Justice] me vient en tête, et aussi Stéphane Bergeron [Sécurité publique]. J’ai eu beaucoup de plaisir à travailler avec eux en commission parlementaire. On pouvait s’asseoir ensemble et élever le débat. Mais moi aussi, j’ai déjà perdu mon calme, quand M. St-Arnaud se moquait en Chambre de notre demande pour que les firmes d’ingénieur nous remboursent. Je les ai traités « d’eunuques ». En arrivant chez nous le soir, je me suis dit : « Je ne veux pas devenir comme eux. »
Non. Il y a des questions qui m’ont été présentées que j’ai refusé de poser. Personne ne mérite de se faire insulter. Des décisions, on en prend des bonnes et des mauvaises. Un bon frappeur au baseball ne frappe que pour ,300.
[Le ministre de la Métropole] Jean-François Lisée, un être très intelligent que je respecte, a eu certains comportements dans le dossier Boisclair… Il nous a donné une réponse qui n’avait ni queue ni tête, puis il me faisait un signe du pouce après, l’air de dire : je t’ai bien eu. Stéphane Bédard, un habile politicien, peut être détestable. Mais je ne lui en veux pas, il joue son rôle de leader parlementaire. C’est ce rôle qui doit changer.
R D’abord, je m’en suis fait passer une petite vite avec la loi 1. Ce n’est finalement qu’une loi qui crée un registre [des entreprises habilitées à soumissionner pour un contrat public]. Des sociétés qui auraient dû être écartées en vertu de cette loi ont reçu des exceptions, comme SNC-Lavalin, Genivar et Hexagone. Le système a été contourné. Il manque aussi une loi pour protéger les dénonciateurs [le gouvernement péquiste promettait de bientôt en déposer une]. Et leur projet de loi [non adopté] pour que les firmes nous remboursent, il a besoin d’être retravaillé.
Oui.
En fait, ce serait injuste de ma part de parler de la SQ en général, une des grandes polices professionnelles, comme on l’a vu à Lac-Mégantic et à L’Isle-Verte. Je parle de certains individus. Le directeur général de la SQ est le seul chef de police au Canada à être nommé directement par le gouvernement. C’est dans la nature humaine. S’il était sélectionné [par l’Assemblée nationale] comme le vérificateur général, il aurait toute l’indépendance nécessaire pour bien faire son travail.
Pendant la campagne électorale, pourquoi une personne dans l’entourage du directeur général de la SQ a-t-elle contacté des journalistes pour sortir des ragots sur moi ? Je pense qu’il y avait eu des tensions entre l’UPAC et moi, et qu’on ne voulait pas que je sois élu. Si ce n’est pas une police politique, ça…
[Il sourit puis garde le silence pendant quelques secondes.] Je réponds oui, mais je ne veux pas élaborer.
Oui.
La question serait : « Est-ce que toutes les écoutes électroniques ont été utilisées ? » Non.
Je ne sais pas. Mais il n’y a pas d’adéquation entre le potentiel accumulé dans le projet Diligence (opération de la SQ lancée en 2007 sur l’infiltration du crime organisé dans la construction) et ce qu’on entend aujourd’hui.
Quand j’étais à l’Unité anticollusion (UAC), on n’avait pas d’écoute électronique, mais on a rencontré des gens qui travaillaient sur Diligence. Et j’ai eu des informations que je ne retrouve pas complètement aujourd’hui dans ce que j’entends.