SOCIÉTÉ

PARENTS, LÂCHEZ VOS ÉCRANS !

Les écrans bouleversent la bulle familiale. Dans leur guide Parents dans un monde d’écrans, la journaliste Marie-Claude Ducas et Catalina Briceño, professeure invitée à l’École des médias de l’Université du Québec à Montréal, fournissent des conseils pour baliser l’usage des outils numériques par les enfants. Mais avant tout, elles exhortent les parents à ne pas tomber dans le « Faites ce que je dis, pas ce que je fais ».

Vous avez consulté plusieurs études, parlé à beaucoup d’experts, de parents et d’adolescents et vous êtes vous-mêmes parents. Pourquoi diriez-vous que ce livre est nécessaire, bien que la gestion des écrans ne soit pas un sujet nouveau ?

Catalina Briceño : L’évolution des technologies dans les 12 à 18 derniers mois s’est vraiment complexifiée. On traverse une grosse crise de confiance face aux technologies. Il y a aussi une anxiété généralisée au sein de la société devant leur évolution rapide. Ça nous semblait important de faire le point et d’ouvrir la réflexion quant aux rapports que nous voulons entretenir avec ces nouvelles technologies connectées.

Les enfants passent énormément de temps devant un écran, mais les adultes aussi. N’est-il pas essentiel que les parents montrent l’exemple ?

Marie-Claude Ducas : Ça nous a frappées dès le début, à quel point les parents sont comme leurs enfants et leurs ados. Il suffit de regarder à la sortie de la garderie, de l’école ou dans les parcs combien de parents ont les yeux rivés sur leur téléphone au lieu de s’occuper de leur enfant. Il faut que tout le monde se penche là-dessus. On a de grosses remises en question à faire.

Catalina Briceño : Beaucoup de gens s’étonnent d’un tableau qui se retrouve dans le livre qui présente une étude d’Habilo Médias sur le type d’appareils dont les enfants sont propriétaires. Les gens tombent en bas de leur chaise quand ils voient que 38 % des 0-4 ans ont des tablettes et 42 %, leur propre téléphone intelligent. C’est là qu’on réalise que le problème est systémique.

Les manufacturiers d’appareils mettent de nouvelles versions sur le marché tous les ans ou tous les deux ans, et nous avons embarqué là-dedans. On utilise la dernière version, mais on a aussi dans nos tiroirs de vieux iPod, téléphones et tablettes qu’on met entre les mains de nos enfants. C’est une réflexion à avoir comme parents, mais aussi sur nos modes de vie comme société.

Les enfants acquièrent des habitudes numériques très jeunes et vous soulignez que la période 0-4 ans est très importante. Est-ce que tout se joue avant 4 ans ?

Catalina Briceño : Tout ne se joue pas nécessairement à cet âge, mais c’est sûr que c’est fondamental. Le livre est séparé en trois grandes sections : les 0-4 ans, les 5-11 ans et l’adolescence. Le 0-4 ans, c’est l’âge de l’encadrement. Pour les 5-11, c’est l’accompagnement pour inculquer à nos enfants l’autorégulation et l’autosurveillance. Et avec les ados, c’est le dialogue. Entre 0 et 4 ans, l’enfant doit comprendre que la technologie n’est pas un droit, mais un privilège.

Les écrans et toutes ces technologies-là, ce ne sont pas des matières dangereuses qui vont exploser au visage de nos enfants. Mais le temps que les enfants passent devant ces écrans-là, ils ne sont pas en train de faire d’autres choses qui sont fondamentales à leur développement. Donc, il faut viser l’équilibre et s’assurer qu’il y a une diversité d’activités développementales pour l’enfant.

Marie-Claude Ducas : On redonne beaucoup de pouvoir aux parents. Il y a des façons de tracer des limites sans être juste rigide et autoritaire. On dit aux parents : vous êtes encore des parents, vous avez le droit d’être des parents, et voici les clés pour savoir comment faire en 2019.

Vous ne prônez toutefois pas l’interdiction complète des écrans. Vous soulignez d’ailleurs que les recommandations de la Société canadienne de pédiatrie sont loin de la réalité des familles.

Catalina Briceño  : Ça a été une des prises de conscience à l’origine de cet ouvrage. Quand on regarde les statistiques et la réalité des foyers, on réalise qu’il y a un écart énorme entre les deux. Il nous fallait porter un regard sur la réalité familiale en 2019. Si on regarde le nombre d’écrans qui peuplent nos foyers et les habitudes de consommation des parents, comment va-t-on faire pour ne pas exposer nos enfants à ça ? On les met dans le garde-robe ?

Marie-Claude Ducas : Effectivement, ce serait peut-être mieux d’éviter les écrans avant 2 ans. On devrait tendre vers ça. Mais avec la vie qu’on vit, comment peut-on faire pour s’en rapprocher le plus possible ? C’est beau les grands principes, mais il y a toujours des circonstances dans la vie. On donne des clés en fonction de ça.

* Cette entrevue a été éditée à des fins de concision.

Parents dans un monde d’écrans

Catalina Briceño et Marie-Claude Ducas

Les Éditions de l’Homme

256 pages

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