Chronique

Lent retour
à la normale pour
le secteur manufacturier

La nouvelle est passée inaperçue, la semaine dernière, probablement parce qu’elle a été relayée au lendemain de l’élimination inespérée des Bruins par le Canadien dans un septième et ultime match à Boston. Mais quand même, les livraisons manufacturières québécoises ont dépassé en mars – pour la première fois depuis la crise de 2008 – le seuil moyen des 12 milliards.

Cela a pris du temps, beaucoup plus de temps que durant les dernières récessions, avant que la production manufacturière québécoise – et canadienne, faut-il aussi préciser – ne rattrape son niveau d’avant-crise.

Il a fallu six longues années à ramer contre une demande mondiale affaiblie – pour des produits qui ont notamment perdu en popularité – et un dollar canadien relativement élevé avant que les livraisons manufacturières québécoises mensuelles ne reviennent au-dessus de la marque des 12 milliards.

C’est au dernier trimestre de 2008 que les livraisons manufacturières québécoises et canadiennes ont piqué du nez, nous a rappelé, jeudi dernier, l’organisme Manufacturiers et exportateurs du Québec.

Au mois de juillet 2008, les livraisons manufacturières québécoises étaient à près de 13 milliards et, en novembre 2008, elles avaient chuté à 11 milliards avant de tomber à 10 milliards en janvier 2009.

Au Canada, le déclin a été semblable lorsque les ventes de biens fabriqués ont plongé en quelques mois seulement de plus de 10 milliards, soit d’un sommet de 53 milliards en juillet 2008 à 40 milliards en novembre de la même année.

Les livraisons manufacturières canadiennes ont aussi rattrapé leur niveau d’avant la crise de 2008 en dépassant pour la première fois, en mars dernier, le seuil des 50 milliards, ce qui était leur seuil mensuel moyen en 2007.

RENVERSER LA VAPEUR

La hausse des livraisons manufacturières que l’on observe depuis le début de l’année devra toutefois se poursuivre à la même cadence durant plusieurs trimestres consécutifs avant que le secteur de la production de biens fabriqués ne retrouve la place qu’il a déjà occupée dans l’économie.

Une étude du Centre sur la productivité et la prospérité dont La Presse Affaires rapportait les conclusions hier nous rappelle que le secteur manufacturier comptait pour près de 30 % du produit intérieur brut (PIB) québécois au début des années 2000 et que son poids n’était plus que de 19 % en 2011.

Le retour des livraisons manufacturières à leur niveau d’avant la récession de 2008 est un élément certes positif, mais pas suffisant pour renverser la vapeur et redonner à ce secteur toute l’importance qu’il devrait avoir.

Bien des raisons expliquent le déclin de la contribution du secteur manufacturier au PIB québécois. La forte dévaluation du dollar canadien au début des années 2000 n’est plus un avantage dont peuvent profiter les producteurs québécois.

Les exportations chinoises étaient une relative nouveauté au début des années 2000, alors qu’elles font aujourd’hui partie de la chaîne de production de nombreux manufacturiers québécois.

Enfin, des secteurs industriels entiers qui contribuaient aux exportations québécoises ont été surclassés. En 2000, les exportations de l’industrie forestière totalisaient 12,1 milliards et comptaient pour 4,4 % du PIB québécois.

En 2012, ces mêmes exportations ont totalisé 7,1 milliards et ne représentaient plus que 2,1 % du produit intérieur brut du Québec.

En 2000, Bombardier vivait les grandes années de son programme de jets régionaux, livrant plus de 120 appareils par an. Un niveau de production qui a disparu mais qu’on espère retrouver avec la mise en service de la nouvelle CSeries.

En 2000, les grands producteurs d’aluminium Alcan, Alcoa, Alouette coulaient les lingots à plein régime pour répondre aux besoins en équipements d’infrastructures des pays émergents. Devant le dumping chinois, ils ont depuis réduit considérablement leur capacité de production.

En 2000, Montréal abritait quelque 5941 entreprises manufacturières qui employaient 154 000 personnes. En 2012, on ne comptait plus sur le territoire montréalais que 3664 entreprises de fabrication et leur nombre d’employés a été ramené à 93 100 personnes.

Selon la plus récente enquête mensuelle sur les industries manufacturières, les entreprises du secteur de la transformation alimentaire étaient responsables, en mars, de 14,5 % des livraisons manufacturières québécoises contre 9,5 % en 2000.

Les sociétés de fabrication de produits du pétrole et du charbon, qui ne comptaient que pour 4,9 % des livraisons manufacturières en 2000, représentent aujourd’hui plus de 12 % des ventes québécoises, selon des estimations que l’on peut extrapoler de cette dernière enquête.

Le secteur manufacturier change. Des industries disparaissent dans certaines catégories d’activités, d’autres se créent autour de marchés plus porteurs. Le fait reste que l’économie québécoise a besoin d’un secteur de la fabrication qui contribue à la création de richesse. C’est le propre de toutes les économies avancées.

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