À mort la peine de mort

Sœur Prejean : pro-victimes et anti-peine de mort

Aux États-Unis comme ailleurs, on a tendance à croire que les victimes qui ont survécu à une tentative de meurtre ou les familles qui ont perdu un être cher sont nécessairement pro-peine de mort. « C’est la dernière légitimisation : la famille des victimes », m’a expliqué sœur Helen Prejean, rencontrée à Montréal cet hiver lors d’une répétition de l’opéra Dead Man Walking, inspiré du livre et du célèbre film qui racontent son histoire.

Sœur Prejean voit dans la peine de mort aux États-Unis une sorte de crime « d’honneur » qui ne dit pas son nom. Les procureurs n’utilisent jamais le mot « déshonorer ». « Mais c’est ce qu’ils laissent réellement entendre au jury : "Vous devez donner la peine de mort parce que c’est ce qu’ils méritent. Vous devez le faire pour la famille des victimes." »

Et pourtant… Quand le New Jersey a aboli la peine de mort, en 2007, 62 familles de victimes ont témoigné pour dire : « Ne faites pas ça pour nous », a rappelé la religieuse, qui milite contre la peine de mort. « Les politiciens avaient besoin d’entendre ce message des familles des victimes. Parce qu’un législateur, un politicien, qui fait face à un meurtre terrible et se retrouve devant une famille qui souffre, comment oserait-il ne pas leur donner la peine de mort ? Comment oserait-il, lui qui ne vit pas cette souffrance ? Il s’effondre moralement. »

Que faire des familles des victimes qui se sentent trahies par les abolitionnistes – comme si le fait d’être anti-peine capitale signifiait qu’on est anti-victimes ? « Je comprends cela, a dit sœur Prejean. Les familles ont été placées dans ce jeu de bascule et elles ont tous ces gens autour qui leur disent : "tu dois être pour la peine de mort, sinon cela signifie que tu n’aimes pas cet enfant qui est mort." Alors elles se concentrent là-dessus et voient tout en noir ou en blanc. Je le comprends. Mais ces gens ne sont pas ceux qui peuvent prendre les meilleures décisions pour la société. Cela nous concerne nous. »

Sœur Prejean m’a parlé de ce condamné à mort interviewé la veille de son exécution. Le journaliste lui a dit : « Regardez le crime que vous avez commis. Pouvez-vous me donner une seule bonne raison pour que l’État ne vous exécute pas demain ? » Il a répondu : « Je vous en donne une. Parce que vous êtes meilleurs que moi. »

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