Immigration illégale massive
Un militant libéral accusé
La Presse
Les autorités fédérales ont déposé une série d’accusations contre un militant libéral qui aurait mis sur pied un système d’immigration illégale massive à l’époque où il aidait des politiciens montréalais à faire le plein de votes.
Dans un communiqué envoyé vendredi, l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) explique que selon son enquête, au moins 250 personnes auraient agi sous les conseils de Daljit Singh Kalkat, l’ancien président de l’India Canada Organization, un groupe communautaire pour immigrants d’origine indienne à Montréal. Plusieurs de ces individus pourraient maintenant voir leur statut au Canada révoqué.
M. Kalkat, qui doit comparaître en cour le 3 mars, est accusé d’avoir incité des personnes à faire de fausses représentations, d’avoir possédé et utilisé des documents frauduleux, d’avoir fait le trafic de documents contrefaits, d’avoir travaillé sans autorisations au Canada et d’avoir travaillé illégalement comme conseiller en immigration. Les faits reprochés ont été commis entre 2004 et 2012.
Pendant les dernières années des faits reprochés, Daljit Singh Kalkat était un leader et un militant bien en vue dans sa communauté, notamment dans le quartier Parc-Extension, au cœur de la circonscription électorale de Justin Trudeau.
L’an dernier, cinq sources bien informées dans la circonscription avaient confirmé à
l’important travail de mobilisation effectué par M. Kalkat en faveur de M. Trudeau au fil des ans. M. Kalkat lui-même croyait avoir infléchis le résultat des élections. « J’ai travaillé dans la circonscription, je les ai aidés, j’ai organisé des assemblées », avait-il déclaré.« Je crois que c’est un vote qui swigne, autour de 1500 votes dans Parc-Extension », disait-il au sujet des électeurs qu’il pouvait mobiliser. L’attachée de presse de M. Trudeau avait assuré à l’époque que M. Kalkat n’avait occupé aucun poste officiel au PLC. Hier, elle n’a pas rappelé
à ce sujet.« Nous avons proposé des réformes à la loi pour nous attaquer aux consultants en immigration malhonnêtes, nous espérons que les libéraux vont appuyer ces réformes », a-t-elle ajouté.
M. Kalkat a aussi milité pour Gerry Sklavounos, député libéral de Laurier-Dorion à l’Assemblée nationale. En mai dernier, il siégeait toujours à l’association libérale de la circonscription, comme représentant élu de la communauté indienne. Hier, la porte-parole du PLQ n’a pas rappelé à ce sujet.
M. Kalkat a souvent sorti son chéquier pour les partis qu’il appuyait : il a versé 1714 $ en contributions aux libéraux fédéraux et 1255 $ au PLQ en 2010.
L’ASFC avait commencé son enquête en 2011 après avoir reçu des informations d’un dénonciateur dans la communauté et un rapport de ses représentants en Inde. Le document, dont
a pu obtenir certains passages en vertu de la Loi sur l’accès à l’information, soulignait la forte augmentation des demandes d’asile par des ressortissants indiens à Montréal. Curieusement, des dizaines de migrants qui se dirigeaient vers d’autres provinces canadiennes prenaient la peine de venir présenter leur demande d’asile à Montréal.En 2013, à la suite de plusieurs perquisitions, l’ASFC a découvert une nouvelle filière de faux réfugiés, d’origine népalaise, ceux-là, qui auraient eux aussi utilisé M. Kalkat pour frauder le système d’immigration.
M. Kalkat n’est pas au bout de ses peines. La SQ a aussi perquisitionné ses bureaux dans le cadre d’une enquête sur un stratagème permettant à des immigrés indiens bénéficiaires de l’aide sociale de continuer à percevoir leur chèque au Québec tout en allant vivre et travailler au noir en Ontario.
En 2012, le quotidien
a par ailleurs révélé une autre facette cachée du passé de M. Kalkat. Des policiers du SPVM l’ont arrêté pour menaces en 2006. Il a été blanchi des accusations, mais les agents ont découvert en prenant ses empreintes digitales qu’il vit au Canada sous une fausse identité.Son vrai nom est Baljeet Singh Wadyal. Il a fait quatre ans de prison aux États-Unis pour possession d’héroïne en vue d’en faire le trafic, puis a changé de nom au début des années 90 pour pouvoir entrer au Canada.
Le principal intéressé n’a pu nous accorder une entrevue hier.
— Avec la collaboration de William Leclerc