SOCIÉTÉ
Cursus interrompu à l’Université du bonheur
La Presse
« Vous allez vraiment être nombreux ! L’hôtel est plein », confirme la jeune femme à la réception, lorsqu’on la sonde sur la popularité de l’événement. D’autres stages raëliens sont ainsi organisés un peu partout dans le monde, au Burkina Faso comme à Taiwan, ou aux États-Unis.
Le site est enchanteur, boisé, à l’ombre du mont Orford, partiellement voilé par les nuages.
Une sorte de profilage raëlien permet de repérer rapidement les adeptes du mouvement. Longues tignasses, colliers avec le symbole raëlien, vêtements originaux et un peu hippies : les participants se connaissent pour la plupart depuis des lunes et multiplient de chaleureuses accolades.
La préposée du complexe hôtelier nous remet un bracelet bleu nous permettant d’être identifiés comme étudiants de l’Université du bonheur. Une sorte de tout-compris raëlien !
Les membres du mouvement ont payé 185 $ pour prendre part au séminaire. Les nouveaux, eux, ne doivent allonger que 35 $ pour la semaine.
En plus du bracelet bleu, on nous distribue à l’inscription plusieurs ficelles de différentes couleurs servant à pimenter notre séance.
Des bracelets pour indiquer nos préférences sexuelles, m’explique Annabelle*, jeune coordonnatrice de l’événement, qui détonne parmi la centaine de membres présents à l’inscription, des hommes et des femmes d’âge mûr pour la plupart.
Blanc
Vous ne cherchez pas de sollicitation sexuelle
Vert
Vous souhaitez une relation exclusive
Rose
Vous avez une préférence pour une rencontre sexuelle du même sexe
Jaune
Vous souhaitez seulement découvrir la sensualité sans sexualité
Rouge
Vous êtes ouvert à toute sollicitation, rencontres et expériences sexuelles
Même si on a l’impression que le mouvement a disparu des écrans radars québécois, il ne s’essouffle pas et compte des milliers de membres au Canada, assure la porte-parole canadienne du mouvement Marissé Caissy.
« On entend peut-être moins parler de nous ici parce que le prophète ne vit plus au pays, mais on mène beaucoup d’actions communautaires et on est très présents dans beaucoup de domaines », explique-t-elle.
Les stages de l’Université du bonheur existent d’ailleurs depuis une trentaine d’années. L’automne dernier, un séminaire semblable avait été organisé dans un autre établissement hôtelier d’Orford.
« Je suis allée trois fois au séminaire de Las Vegas. C’était génial. Ça fait un peu penser à ça ici et en plus, on pouvait voir des spectacles. »
— Jocelyne
L’ambiance est festive, familiale. Hommes et femmes s’embrassent et s’étreignent. Sur une table devant les salles de conférence, il y a un petit carton sur lequel on peut lire « Anges ».
Une fille nous tend une bouteille d’eau, sur laquelle un message est accroché. « Bienvenue à l’Académie du bonheur ! Quel privilège d’être avec toi », a écrit à la main une certaine Laura.
Un autre homme se présente à nous. La quarantaine, plutôt bel homme. Sa copine, originaire du Cambodge, baragouine le français. Le couple se fait rassurant sur le jeûne sensoriel de 24 heures que nous nous apprêtons à vivre.
Plusieurs personnes nous demandent comment on a eu vent de la formation, puisque les nouveaux semblent tous avoir été présentés par quelqu’un.
Diane semble heureuse de voir de nouveaux visages et s’empresse de nous présenter à ses amis. Elle nous parle un peu des Élohim et de leur avance sur notre civilisation ; 25 000 années pour être précis. « Ils ont des connaissances qui pourraient faire agenouiller nos scientifiques », résume Diane avec aplomb.
Dehors, ça sent l’orage. Trois raëliens discutent, dont un vieux de la vieille qui assiste à des stages depuis 1974. La discussion tourne autour de l’attachement maladif des humains aux gadgets électroniques.
Un peu plus tard, au sous-sol de l’établissement, une dizaine de raëliens sont étendus, les yeux clos, sur des matelas et des tapis de sol dans une salle tamisée. Une méditation est en cours. Un gros symbole raëlien et des cœurs découpés dans du papier blanc sont suspendus au plafond.
Un homme et une femme sont assis sur le bord d’une scène à l’avant de la pièce, un micro chacun à la main.
L’homme parle en français et la femme répète chaque phrase en anglais. « Vous sentez votre respiration, vous sentez vos fesses, vous sentez vos parties génitales… »
Près de la réception, il y a un écran géant sur lequel le programme des activités défile continuellement, flanqué du visage serein de Raël.
*Tous les prénoms ont été remplacés.