La Presse à Toronto

La gestion de l’offre coule la campagne de Bernier

Andrew Scheer est élu chef du Parti conservateur.

TORONTO — Dans une course à la direction du Parti conservateur qui est devenue un référendum sur le maintien de la gestion de l’offre, en particulier au Québec, le député de Beauce Maxime Bernier a mordu la poussière aux mains du député de la Saskatchewan Andrew Scheer, hier soir.

Âgé de 38 ans, bilingue et père de cinq enfants, M. Scheer a réussi à se hisser au premier rang au 13e et dernier tour de scrutin, tirant largement profit de la mobilisation des agriculteurs qui souhaitent maintenir la gestion de l’offre pour les produits laitiers, les œufs et la volaille, et obtenant une large part des appuis des militants conservateurs opposés à l’avortement.

Au final, M. Scheer, qui est député de Regina-Qu’Appelle depuis 2004, a obtenu 51 % des voix alors que M. Bernier, qui avait mené durant les 12 tours précédents, en a recueilli 49 %. M. Scheer succède ainsi à Stephen Harper, qui brillait par son absence au congrès, à la barre du Parti conservateur, et devient du coup le nouveau chef de l’opposition officielle à la Chambre des communes. Si M. Bernier avait remporté la victoire, il serait devenu le premier francophone de souche à diriger un parti national qui loge à droite sur l’échiquier politique dans l’histoire du pays.

Hommage à Bernier

« Quelle course ! », a lancé d’emblée Andrew Scheer aux quelque 2000 militants réunis au Centre de congrès de Toronto, rendant ensuite hommage à Maxime Bernier, « qui a mené une belle campagne, une campagne d’idées qui a permis de faire croître notre mouvement ». Il a aussi tendu une perche aux 11 autres candidats défaits.

« Maintenant, notre travail commence. […] Nos excellents résultats au Québec en 2015 sont un signe que nous pouvons encore faire mieux en 2019. Pour moi, il est essentiel que nous ayons des députés conservateurs partout au Québec, mais aussi à Montréal », a-t-il dit. 

« Contrairement à Justin Trudeau et aux 39 autres députés libéraux, nous allons nous occuper du Québec. Nous sommes le parti qui a reconnu la nation québécoise et nous allons toujours travailler pour les intérêts du Québec. »

— Andrew Scheer, nouveau chef du Parti conservateur

En point de presse, en soirée, M. Scheer a affirmé que sous sa houlette, un gouvernement conservateur ne rouvrirait pas les enjeux sociaux comme l’avortement ou le mariage gai. Mais il n’empêchera pas un député de s’exprimer sur de telles questions.

La déception se lisait sur le visage de Maxime Bernier dès l’annonce des résultats confirmant que la victoire lui avait glissé entre les mains. En coulisses, ses partisans convenaient que la gestion de l’offre lui avait coûté la victoire. « On l’avait encouragé dès le départ à ne pas faire campagne là-dessus », a confié un député conservateur, notant que M. Bernier avait perdu beaucoup d’appuis au Québec à cause de cet enjeu et de la mobilisation des agriculteurs.

Bernier se rallie

Devant les journalistes, M. Bernier a affirmé qu’il se ralliait à son nouveau chef et qu’il comptait travailler sans relâche pour mettre fin au règne des libéraux de Justin Trudeau dès les prochaines élections, prévues en octobre 2019.

« Nous avons un bon chef et je pense que nous avons la bonne personne pour battre Justin Trudeau en 2019. Je tiens à féliciter Andrew et je suis prêt à travailler avec lui. Ce n’est pas le résultat auquel je m’attendais. Mais les membres ont décidé et c’est cela, la démocratie », a affirmé M. Bernier, avant d’ajouter : « Ce soir, je n’ai pas la tête à analyser les résultats. »

La première tâche à laquelle le nouveau chef du Parti conservateur devra s’atteler est d’assurer l’unité des troupes au terme d’une longue course à la direction ayant opposé une douzaine de candidats. Mais plusieurs députés affirmaient que tous les candidats tourneraient rapidement la page sur cette campagne afin de présenter aux électeurs une option de rechange crédible et unie aux libéraux dès le prochain scrutin.

Des enjeux sensibles

Durant la course, Maxime Bernier s’est démarqué des autres candidats avec des propositions audacieuses à ses yeux, mais controversées aux yeux des autres, en prônant l’abolition de la gestion de l’offre, la privatisation des aéroports, la fin des subventions aux entreprises et la fin des transferts aux provinces pour la santé et leur remplacement par des points d’impôts, entre autres.

Ces propositions lui ont coûté des appuis parmi les députés du Québec. Seulement deux élus (Jacques Gourde et Alupa Clarke) l’ont appuyé, alors qu’Andrew Scheer a pu obtenir l’appui de quatre députés de la Belle Province (Alain Rayes, Pierre Paul-Hus, Luc Berthold et Sylvie Boucher). Le député ontarien Erin O’Toole, qui a terminé troisième dans cette course, avait pour sa part réussi à convaincre les députés Gérard Deltell et Joël Godin de l’appuyer.

« Je suis très content. Tous les efforts que nous avons déployés depuis le mois de janvier, particulièrement au Québec, ça a porté fruit. Andrew Scheer n’était pas connu au Québec l’an dernier. Aujourd’hui, il a gagné dans plusieurs comtés au Québec et il a bien performé ailleurs, même en Beauce », a affirmé Luc Berthold.

« C’est fantastique ! Nous avons toujours dit qu’Andrew était un rassembleur. Je pense que c’est un des rares qui ont vraiment parlé des enjeux au Québec. […] On vient de faire la démonstration que le Québec avait de l’importance à l’intérieur du Parti conservateur », a affirmé Alain Rayes.

Le Parti libéral a affirmé que l’élection d’Andrew Scheer représente « un pas en arrière » pour ceux qui croient à la liberté de choix pour ce qui est de l’avortement, de la lutte contre les changements climatiques.

Course à la direction du Parti conservateur

Andrew Scheer en cinq temps

Natif d’Ottawa, bilingue, député de la Saskatchewan depuis 2004

Élu président de la Chambre des communes par une majorité de députés en 2011 à l’âge de 32 ans

Père de cinq enfants, personnellement contre l’avortement

A obtenu l’appui de quatre députés conservateurs du Québec durant la course

Fait partie d’une liste de 13 Canadiens interdits d’entrée en Russie par le régime de Vladimir Poutine depuis 2014 en guise de représailles aux sanctions imposées par le Canada dans la foulée de l’annexion illégale de la Crimée

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